L’art de surmonter les épreuves

La compagnie de théâtre les Bâtisseurs de montagnes de Thetford Mines célèbre sa 20e année d’existence. Ce succès de longévité, les cofondateurs Yves Kirouac et Germain Nadeau le doivent au public, aux partenaires, mais également aux nombreux comédiens pour qui il s’agit d’une véritable passion.

«Si c’était pour faire de l’argent, ça fait longtemps que nous serions fermés. Dans le cas de Germain, c’est sa famille au complet qui est impliquée dans le théâtre. Ma conjointe fait également partie de l’équipe. Au-delà de cela, nous recrutons chez nos amis les Cabotins. Nous avons un réseau d’amitié qui fait en sorte que nous perdurons. On ne se le cachera pas, au nombre d’heures qu’il faut mettre là-dedans, c’est l’équivalent d’une petite entreprise», a confié Yves Kirouac au Courrier Frontenac.

Au départ, les deux piliers de la troupe croyaient que l’aventure s’étalerait sur une période de cinq ans. «De mon côté, j’avais utilisé au complet la marge de crédit pour mon auto. Nous ne savions même pas s’il y aurait une seconde année. Nous étions localisés dans une chapelle à St-Jacques-de-Leeds. Il y avait de l’électricité, mais pas d’eau courante. Nous utilisions des toilettes chimiques. Un moment donné, ça ne fonctionnait plus et nous avons failli perdre le théâtre d’été», a-t-il ajouté.

Les deux hommes se sont alors retroussé les manches et c’est à ce moment (fin 2001) que l’équipe a emménagé dans l’ancien bâtiment du Club chasse et pêche situé sur la rue St-Alphonse à Thetford Mines. «J’avais abandonné. Germain m’a demandé de l’accompagner afin de discuter avec le maire de l’époque, Laurent Lessard. À la suite de cette rencontre, j’étais rempli d’idées et c’était reparti», a indiqué M. Kirouac.

Les Bâtisseurs de montagnes et la troupe Les Cabotins ont alors décidé de travailler ensemble afin de réaliser le projet de construction du studio-théâtre qui porte le nom du célèbre comédien Paul Hébert. «18 ans après avoir commencé à y penser, il s’est réalisé et nous sommes ici. Nous pratiquons dans une salle à côté de la scène. Comparativement à autrefois, les gens arrivent et nous pouvons les accueillir dans une salle climatisée. Ils sont confortables et il y a une acoustique extraordinaire. C’est au-delà de nos attentes», a renchéri le cofondateur des Bâtisseurs de montagnes.

Un milieu en changement

Selon M. Kirouac, le théâtre d’été d’aujourd’hui est très différent de celui d’il y a 20 ans. Le public vieillit tout comme la population au Québec. «L’humour est en transformation parce que les jeunes sont plus axés sur les comédies absurdes à la façon du défunt Gilles Latulippe, mais apporter d’une tout autre façon. Les textes vieillissent aussi. Il faut suivre la vague», a soutenu celui qui est également scénographe et comédien.

Il y a plusieurs années, le Québec pouvait compter au-delà de 600 théâtres d’été. Ce nombre aurait chuté pratiquement de moitié en raison de la forte compétition. «Tu n’as pas le choix de te renouveler. Les exigences sont de plus en plus grandes parce que nous demandons un prix d’entrée alors qu’il y a des théâtres d’été qui sont complètement gratuits. Nous sommes en compétition avec des festivals et des humoristes qui se produisent beaucoup pendant cette période afin de roder leur spectacle. C’est une offre qui est différente, mais la part de marché est similaire. Des fois, nous avons envie de sentir une injustice quand nous voyons de gros noms subventionnés, tandis que nous faisons notre travail à coup de bénévolat», a déploré le cofondateur des Bâtisseurs de montagnes.

Malgré tout, la compagnie de théâtre thetfordoise, qui ne reçoit aucune aide financière du gouvernement, a décidé de miser sur ses forces afin de sortir du lot. «Nous proposons quelque chose qui est très terre-à-terre, plus humain. C’est là-dessus que nous devons tabler. Sur la scène, nous sommes à six pieds de notre premier public. Si nous courons trop vite, nous pouvons nous retrouver dans les bancs. Pour moi, c’est génial de sentir les gens à côté de nous. Nous pouvons même entendre les réparties des spectateurs. Quelque part ça peut être dérangeant, mais c’est aussi nourrissant», a soutenu Yves Kirouac.

Que réserve l’avenir?

Dans cinq ou dix ans, le cofondateur aimerait que la relève soit bien implantée. «C’est certain que Germain et moi sommes le noyau dur. Toutefois, nous marchons tous sur du temps emprunté. Mon rêve ultime serait, puisqu’un jour je ne serai probablement plus capable de jouer, d’avoir le plaisir d’être assis dans la salle et de voir que ça continue», a-t-il dit avec émotions.

Et… pour le pire!

Jusqu’au samedi 27 août, l’équipe des Bâtisseurs de montagnes présente la pièce «Et… pour le pire!», une adaptation d’après une comédie de F. Joffo. Celle-ci propose de la folie à l’état pur. Elle raconte l’histoire d’une cellule familiale brisée où plusieurs situations sens dessus dessous se produisent.

«Nous sommes encore en début de saison. Le bouche à oreille commence à se faire. Cependant, nous voyons que la tendance n’est pas comme les deux dernières années. C’est un peu en dent de scie. Un soir, c’est complet alors que le lendemain nous sommes aux deux tiers de la salle. Souvent, les réservations entrent à la dernière minute», a conclu Yves Kirouac.