Revenir de loin

C’était l’été dernier. Nous faisions du camping avec la petite famille dans le parc national de Frontenac, dans la région de Chaudière-Appalaches. Cette journée-là, il pleuvait des cordes. Impossible de faire du canot ou de la randonnée. Nous avons alors décidé de nous tourner vers les villes avoisinantes, histoire d’occuper la marmaille dans un endroit bien au sec. C’est comme cela que nous nous sommes retrouvés coiffés d’un casque de protection à bord d’un autobus prêt à remonter l’histoire de la ville de… Thetford Mines. Toute une histoire.

Thetford Mines est née en 1876 de la découverte d’amiante. Pendant plus de 100 ans, Thetford Mines vit littéralement au rythme de l’exploitation de ce minerai, utilisé dans le secteur de la construction partout dans le monde. À l’époque, la demande est telle que la ville n’hésite pas à déplacer un quartier entier avec ses maisons, pour creuser et encore creuser.

Puis, dans les années 1980, le marché ralentit. Dénoncé comme étant dangereux pour la santé, l’amiante est délaissé puis interdit. En 2011, la dernière mine d’amiante de Thetford Mines ferme. C’est la fin d’une époque.

Quelques années plus tard, les stigmates du boom sont encore bien présents sur le terrain. À un jet de pierre du centre-ville actuel, notre autobus s’est retrouvé entouré d’immenses haldes grisâtres. Les haldes sont des amoncellements de débris de roches que l’on doit extraire du sol pour dénicher quelques grammes du minerai convoité. Sous nos pieds, rien de moins que des centaines de galeries souterraines. Le paysage est lunaire. Seuls quelques chevalements abandonnés trônent ici et là, tels des gardiens du passé. Le site est fascinant et désolant à la fois.

Et pourtant, en 2014, Thetford ressort comme la grande championne de l’entrepreneuriat au Québec, selon le palmarès de la Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI). Après la folie et les drames – la région a été frappée par de nombreuses pertes d’emplois et des décès liés à l’amiante -, la communauté s’est mobilisée et la ville s’est donné une seconde vie. Une seule question me vient à l’esprit : si Thetford Mines – qui revient de loin – a réussi à se hisser au sommet du palmarès de la FCEI, qu’est-ce qui empêcherait les autres d’en faire autant ?

En 1956, Thetford Mines change sa devise. Après Etiam Ignis Stat, qui signifie «elle résiste même aux flammes» (la ville avait dû se relever après un incendie majeur à la fin du 19e siècle), elle opte pour Fervet Opus, qui signifie «l’ardeur règne au travail». Une autre et belle définition de l’entrepreneuriat.

Géraldine Martin

Éditrice adjointe et rédactrice en chef,

Groupe Les Affaires

geraldine.martin@tc.tc