Abolition du délai de prescription : «Un pas dans la bonne direction»

Réclamé par plusieurs groupes de défense des victimes d’agressions sexuelle, le rapport du juge René Dussault au sujet de la réforme de la prescription des recours civils a finalement été rendu public, jeudi dernier, par la ministre de la Justice, Stéphanie Vallée.

Dans la partie des scénarios avancés par le juge, il recommande notamment la rétroactivité complète du délai de prescription jusqu’en 1900 afin que les personnes encore vivantes puissent toutes y avoir accès. Cette conclusion réjouit l’avocat Marc Bellemare qui se bat depuis nombreuses années pour les droits des victimes.

«Nous proposons l’abolition complète, mais cette recommandation signifie que tout le monde y aurait droit quand même. C’est un pas dans la bonne direction. C’est certain qu’il est question d’inconvénients en lien avec les droits acquis ou des jugements déjà rendus, mais ils ne sont pas très nombreux. Les avantages dépassent grandement les inconvénients. Le plus important étant que les victimes auraient finalement accès à ce qui leur est depuis toujours refusé», a-t-il commenté en entrevue avec TC Media Nouvelles.

Rappelons que le Québec est encore la seule province canadienne où une victime ne peut pas obtenir justice en cour civile, peu importe le temps passé depuis son agressions. Bien que le délai ait été augmenté de 3 à 30 ans en 2013, la nouvelle loi n’est pas rétroactive. Lorsque le Parti québécois était au pouvoir de 2012 à 2014, le ministre de la Justice Bertrand Saint-Arnaud avait mandaté René Dussault, alors juge à la retraite, afin qu’il se penche sur la question du délai de prescription. Le document avait été déposé presque au même moment où le Parti libéral revenait au pouvoir et aucun suivi n’avait été effectué depuis. Après plusieurs pressions, la ministre Vallée a finalement fait publier le rapport en ligne sur le site Web du ministère de la Justice.

«Je pense que ses avocats lui ont fait entendre raison parce qu’il n’y avait aucune raison d’empêcher la publication d’un rapport qui a été payé par les Québécois et qui leur appartient», a soutenu Me Bellemare.

Dans son rapport, le juge René Dussault a évoqué cinq scénarios. Outre celui suggérant la rétroactivité jusqu’en 1900, il a également proposé la rétroactivité de 10 à 30 ans, le statu quo et deux autres alternatifs modifiant la loi de 2013. Dans son analyse, il a aussi inclus les victimes de violence à l’enfance et les victimes de violence conjugale.

Un projet de loi

La semaine dernière, le député de Borduas et porte-parole en matière de justice de la Coalition avenir Québec (CAQ), Simon Jolin-Barrette, a déposé le projet de loi no 596 modifiant le Code civil afin de rendre imprescriptibles les recours judiciaires pour les victimes d’agressions à caractère sexuel. Il a aussi déposé une motion, conjointement avec ses collègues Véronique Hivon du Parti québécois, Françoise David de Québec solidaire et Sylvie Roy (indépendante), afin «que l’Assemblée nationale demande au gouvernement de s’engager à abolir les délais de prescription pour les victimes d’agressions sexuelles» et «qu’elle demande d’appeler dans les plus brefs délais le projet de loi no 596».

Selon Me Bellemare, le rapport du juge Dussault vient donc légitimer ce projet de loi. «Il est important d’agir rapidement parce que tous les jours, il y a des témoins, des agresseurs et des victimes qui meurent. Dernièrement, le premier ministre Philippe Couillard a rappelé le mandat de la ministre Vallée qui est de continuer à favoriser l’accès aux tribunaux. Je vois mal comment on peut trouver un meilleur exemple ici», a-t-il observé.

Au moment d’écrire ces lignes, TC Media Nouvelles était encore en attente d’un retour d’appel du bureau de la ministre Vallée. Le rapport intitulé «La rétroactivité de la réforme de la prescription des recours civils effectuée en 2013 : critères de choix et orientations possibles» est disponible en ligne au www.justice.gouv.qc.ca.