Une famille bientôt séparée par un océan

Une résidente de Thetford Mines d’origine française, Elisa Jeandeau, et sa fille de 8 ans seront renvoyées en France le 22 mars prochain, faute d’avoir obtenu le droit de rester au Canada. Une famille pourrait donc être déchirée alors que le conjoint québécois de Mme Jeandeau et le garçon du couple, né ici, seraient laissés derrière.

Leur demande de parrainage pour conjoints de fait a été refusée le 10 février 2017 puisque le ministère de l’Immigration, des Réfugiés et de la Citoyenneté du Canada (IRCC) en est arrivé à la conclusion qu’elle ne satisfaisait pas aux exigences. Une demande de reconsidération a aussi été rejetée le 28 février suivant.

Rejoint par le Courrier Frontenac la semaine dernière, le bureau d’IRCC a expliqué la décision rendue. «La demande a été refusée faute d’avoir soumis un certificat de sélection du Québec. En ce qui concerne le refus de sa demande de reconsidération de la décision prise en février 2017, celle-ci l’a été puisque trois lettres concernant l’exigence du certificat de sélection du Québec avaient été envoyées à Mme Jeandeau et/ou à son répondant», a répondu la porte-parole d’IRCC, Nancy Caron.

Or, Elisa Jeandeau soutient qu’ils n’ont jamais reçu les documents les invitant à soumettre un certificat de sélection du Québec, ni par courriel ni par la poste. «Sur le coup, le parrainage, ça s’est bien passé, on s’est rendu à la visite médicale. Finalement, nous n’avons pas reçu le papier nous invitant à faire notre demande au provincial. J’aurais reçu le courrier électronique dans mes indésirables selon eux, mais j’ai cherché et je n’ai rien trouvé. Par la poste, je ne l’ai jamais reçu. J’ai même fait une plainte à Postes Canada. Dans ce temps-là, je ne recevais pas tout mon courrier», dit-elle.

IRCC affirme cependant que plusieurs communications ont été envoyées à l’attention de Mme Jeandeau ou de son conjoint, soit une lettre le 8 juin 2016 par courriel et par la poste, un autre courriel le 20 juin de la même année, ainsi qu’une lettre, encore par la poste, le 13 septembre 2016. Elle a toutefois bien reçu les lettres de refus en février 2017.

«C’est la responsabilité du client de mettre à jour ses coordonnées dans son dossier de client d’IRCC. C’est également la responsabilité du client de vérifier régulièrement la boîte de réception de l’adresse électronique indiquée dans ses formulaires de demande, y compris le dossier de courrier indésirable», souligne Mme Caron.

Questionnée à savoir si elle s’inquiétait de ne pas avoir de nouvelles de son dossier au cours des mois suivant sa demande, Mme Jeandeau précise qu’elle s’est informée à ce sujet sur Internet et que selon ce qu’elle avait appris, une telle demande pouvait prendre plusieurs mois alors elle avait décidé d’être patiente.

Dans la dernière année, elle a tenté d’autres alternatives avec l’aide d’un avocat et du bureau du député de Mégantic-L’Érable, Luc Berthold. Une ultime tentative a d’ailleurs eu lieu dans les derniers jours par l’entremise de ce dernier auprès du bureau du ministre d’IRCC, mais elle a de nouveau été refusée mercredi en fin d’après-midi.

Une famille au Québec

Elisa Jeandeau est arrivée au Québec en juillet 2010 avec son ex-conjoint puisque ce dernier avait été embauché dans une entreprise de Drummondville. Ils se sont ensuite retrouvés à Thetford Mines après avoir répondu à des offres d’emploi puisque le premier n’avait pas fonctionné. Ils avaient alors un permis de travail. Ils se sont par la suite séparés et Mme Jeandeau a rencontré son actuel conjoint lors de l’anniversaire d’une collègue en février 2011.

D’un commun accord avec son ancien compagnon, une demande de permis a été déposée et validée jusqu’en 2016. C’est à ce moment que les démarches de parrainage ont été entreprises.

«Ça fait sept ans que je suis ici. Je me suis battue pour faire ma place. Je n’ai jamais eu d’aide. J’ai payé l’accouchement pour mon fils. On me sépare de lui et je ne peux pas l’amener. En France, il n’aura pas de statut. Je suis enceinte et je vais accoucher toute seule. Je perds mon conjoint, ma fille perd l’homme qui est son père et elle a déjà perdu son père biologique. Ça fait beaucoup», se désole-t-elle.

Cette dernière affirme ne pas avoir de ressources lorsqu’elle se retrouvera en France. «Je n’aurai pas de logement, pas de travail et comme je suis enceinte, je ne me ferai pas employer. Pour y aller dans le comble du dégueulasse, je ne peux même pas penser me faire avorter parce que c’est trop cher quand on n’a pas de carte d’assurance-maladie. Je n’ai même pas de suivi de grossesse non plus.»

Ce qu’elle souhaite avant tout est de pouvoir rester au Canada pendant qu’elle refait une demande de parrainage en bonne et due forme. «Ma fille et moi nous sommes créées une famille ici. Elle avait un an quand elle est arrivée ici, la France elle ne connaît pas. Sa vie est ici et la mienne aussi. Mon conjoint ne pourra pas voir son enfant naître. Mon fils, je ne le verrai pas grandir. J’ai déjà été séparée d’un enfant. J’ai une fille en France qui a 13 ans et que je n’ai pas vue depuis qu’elle a 5 ans parce que je n’ai pas pu l’amener ici quand je suis partie. J’ai l’impression qu’on perd absolument tout dans l’indifférence la plus totale.»

Le député peu optimiste

Jeudi après-midi, Luc Berthold se disait déçu pour Mme Jeandeau et sa famille. «Nous avons fait beaucoup de démarches auprès du cabinet du ministre pour tenter de faire renverser cette décision. Je pense qu’il reste malheureusement peu d’espoir de la faire changer à ce moment-ci», a-t-il soutenu.

Il a également mentionné que la démarche effectuée auprès du ministre cette semaine était un dernier recours. «Il a la possibilité de revoir des cas pour motifs humanitaires, mais il n’est pas obligé. C’est lui qui décide s’il accepte la demande. Il a fait le choix de ne pas revoir l’affaire.»

Message de Luc Berthold tiré de Facebook:

Les démarches officielles pour aider Mme Jeandeau ont été inefficaces. La population peut tenter d’intervenir en faveur de la demande de Mme Jeandeau en écrivant directement au ministre de l’Immigration, l’Honorable Ahmed D. Hussen, à l’adresse courriel suivante: Minister@cic.gc.ca. Ce sera la dernière chance de faire changer la décision du ministre pour des motifs humanitaires.

Les gens peuvent signer une pétition en ligne : Demande au ministre de l’Immigration du Canada de permettre à Mme Elisa Jeandeau et sa fille de demeurer au Canada pour des motifs humanitaires