Lettre ouverte au Dr Yv Bonnier Viger, directeur régional de santé publique de la Gaspésie et des Îles

Je fais suite à la lettre que vous avez adressée au maire de Thetford Mines , monsieur Marc-Alexandre Brousseau et qui est parue dans le Courrier Frontenac du 28 avril dernier.
La première chose qui surprend , dans votre lettre, c’est le ton de condescendance que vous adoptez vis-à-vis le maire de Thetford Mines. Il ne s’agit pourtant pas de l’un de vos anciens élèves ni de l’un de vos patients avec qui vous reprenez contact. Alors d’où vient cette familiarité ? Serait-ce que vous vous sentez supérieur en raison de votre titre de médecin, de votre emploi à la faculté de médecine ou de votre fonction à la Santé publique? Les trois sans doute et c’est bien prétentieux ! Vous savez, aujourd’hui, les diplômes universitaires sont fréquents et les fonctions publiques ont toutes leur importance, dont celle de maire. Aussi, quand vous vous adressez au premier magistrat de la ville de Thetford Mines, on s’attend à ce que vous utilisiez le titre de Monsieur le maire. Quand monsieur Brousseau s’exprime sur le sujet de l’amiante, il le fait à titre de maire de la ville et non pas à titre personnel.

L’autre élément qui surprend , c’est l’approche tout à fait personnelle avec laquelle vous traitez le dossier . Deux éléments apparaissent particulièrement importants dans votre opposition à l’amiante et à son utilisation sous toute forme, sauf en laboratoire: d’abord parce que votre femme est décédée d’un mésothéliome attribué à l’amiante (vous avez toute ma sympathie), ensuite parce que le Dr Philippe Lessard est un ancien collègue, une personne dévouée qui, selon vous, fait son travail avec discernement et intelligence. Mais voyez-vous, Dr Bonnier Viger, il ne s’agit pas que vous soyez touché émotivement dans le dossier de l’amiante ou que l’un de vos bons amis que vous estimez soit interpellé , il s’agit essentiellement de normes de sécurité qui sont imposées à la région et qui n’ont aucun sens.

Dans la région, il y a longtemps que l’on se préoccupe des normes de sécurité reliées à l’exploitation et l’utilisation de l’amiante et les syndicats ont été les premiers à demander que l’on améliore les normes de sécurité dans les industries. Aussi, votre collègue, le Dr Lessard fait preuve d’une grande ignorance et de négativisme lorsqu’il prétend que Thetford Mines est à peu près le seul endroit qui considère que l’amiante est un produit qui ne présente pas de risques à la santé . Mais où prend-il son information? Qu’est-ce qui lui permet une telle affirmation ? Ce n’est pas ce que l’on appelle de la rigueur scientifique!

Ce que l’on prétend , c’est que l’amiante blanc présent dans la région ( le chrysotile ) peut être utilisé sécuritairement dans des applications industrielles et qu’il est beaucoup moins toxique que l’amiante bleu (groupe des amphiboles). Ce que l’on prétend, c’est que les normes de sécurité imposées actuellement par la Santé publique, non pas qu’elles ne doivent pas exister, mais qu’elles sont exagérées. En effet, si on considère que des visiteurs qui s’approchent d’un puits de mine à ciel ouvert , ne peuvent pas baisser les vitres de leur autobus, ne peuvent pas sortir à l’extérieur et que les pneus du véhicule doivent être lavées après la visite, que des randonneurs qui circulent dans un sentier que borde une pierre d’amiante blanc mettent leur santé en danger, il y a nettement exagération! Et c’est contre cette exagération que les gens s’élèvent parce que cela correspond à une tolérance zéro. Ce qui reviendrait à dire que la Santé publique considère qu’il est essentiellement dangereux pour toute la population de la région de vivre dans cet environnement. Elle se place elle-même dans une impasse : comment prétendre par la suite que l’on veut protéger la population ?

On accepte la gestion du risque, mais une gestion responsable qui se fonde sur l’analyse des données et sur le vécu des gens. Des milliers de visiteurs ont circulé près des sites miniers : aucune analyse de leur état de santé n’a été faite suite à ces visites. Ce qui veut dire que la norme a été établie uniquement sur une analyse théorique et sur le fait que l’amiante est cancérogène. Pourtant la CNESST elle-même, dans son document d’analyse des normes de sécurité face à l’amiante, établit que les facteurs de risque varient en fonction de l’importance de l’exposition et de sa durée. Dans le cas qui nous concerne, il n’y a ni importance ni durée? Alors sur quoi repose cette norme?

On accepte la gestion du risque, mais on ne comprend pas l’obligation du port de combinaison complète, suivi de la douche, lorsqu’il s’agit de traiter des produits de l’amiante ou ses résidus. Encore une fois, que fait-on de l’expérience du milieu? Des milliers de mineurs ont travaillé dans les mines d’amiante sans jamais porter de telles combinaisons . Oui, il y a eu des cas d’amiantose ou de mésothéliome, mais le bilan de santé de la population est comparable avantageusement à celui des autres régions. Ce que l’on prétend, c’est que l’amiante ne saute pas sur le monde, qu’elle ne brûle pas la peau et qu’il s’agit donc de mesures exagérées. Alors sur quoi reposent ces exigences ?

Les intervenants de la région sont certainement d’accord pour discuter de la gestion du risque, mais la position actuelle de la Santé publique ne donne aucune marge de manoeuvre. Quand la Santé publique du Québec s’oppose à ce que les résidus miniers soient exclus du règlement qui interdit l’utilisation et le commerce de l’amiante au Canada, c’est qu’elle considère ces résidus , principalement constitués de magnésium, au même titre que l’amiante. Quand on applique une norme qui équivaut à une tolérance zéro, non seulement dans le traitement et la manipulation de l’amiante, mais dans l’environnement, c’est que l’on va davantage vers le bannissement que vers l’utilisation sécuritaire.

Voilà. Avant d’établir des normes théoriques de gestion du risque, on devrait se fonder sur l’expérience et le vécu du milieu et collaborer avec les intervenants de la région.

Germain Perreault
Thetford Mines