Dur coup pour les victimes de lésions professionnelles

En modifiant le Règlement sur l’assistance médicale qui s’applique à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNÉSST), Québec s’en prend cette fois-ci aux règles concernant les soins et traitements de physiothérapie et d’ergothérapie en clinique privée, en les excluant de l’assistance médicale.

Pour CATTARA, cela revient à dire que, désormais, le droit à l’assistance médicale sera limité. Concrètement, le règlement tend à exclure le plus possible l’ergothérapie et la physiothérapie de l’assistance médicale en les classant dans la section réadaptation. En terme clair, lorsqu’il est question de réadaptation la CNÉSST a le pouvoir de refuser de payer certains coûts sans tenir compte de l’opinion du médecin traitant. Cela fait partie des pouvoirs discrétionnaires de l’organisme gouvernemental. Par conséquent, elle aurait ainsi la possibilité de choisir l’intervenant. Un pouvoir qui, à notre avis, comporte ses risques de dérapage.

En contrepartie, on doit se réjouir que le nouveau règlement vienne abolir les règles concernant les traitements qui étaient fixés à 30 et de huit semaines ainsi que l’avis motivé du médecin qui autorisait ou non la poursuite des traitements comme on pouvait le lire dans le texte de 2007. Mais après la carotte… le bâton.

Ainsi, bien que le nombre maximal de traitements disparaisse, la victime de lésion professionnelle n’aura plus droit qu’à un traitement par jour et pas plus de trois par semaine.
Un second point positif, la CNÉSST assumera les coûts reliés à l’assistance médicale en matière de soins, traitements ou services prescrits. Par ailleurs, dans ces cas précis l’intervenant devra être membre d’un ordre professionnel et être autorisé à exercer, à poser l’acte et être titulaire d’un permis valide à cette fin.

Soulignons qu’auparavant, le remboursement ne visait que les soins et traitements et laissait le choix de l’intervenant entre les mains du médecin traitant. Cette modification aura pour effet l’obtention de services qui n’étaient pas couverts et permettra au travailleur, le cas échéant, de choisir son intervenant.

Mais ce n’est pas parce qu’il y a un côté givré que le côté sec a totalement disparu. Car il y a bel et bien plusieurs impacts négatifs liés à l’entrée en vigueur du règlement modifiant le Règlement sur l’assistance médicale : limitation, exclusion, disparition des droits en sont des exemples notables.

Dans un premier temps, pensons au changement de classification de l’ergothérapie qui s’apparente à un détournement de l’objectif de Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. L’ergothérapie n’est, dorénavant, plus considérée comme un traitement, mais un outil visant un retour au travail.

Cela signifie que les services d’ergothérapie sont exclus de l’assistance médicale. Ces services deviennent des mesures de réadaptation. Dans le champ d’action qu’est la réadaptation, la CNÉSST n’est pas liée par l’opinion du médecin traitant. La CNÉSST a la discrétion d’accepter ou refuser la prescription par le médecin traitant de ces services. Elle peut alors orienter les travailleurs chez l’intervenant de son choix.

On se défendra en disant que ce ne sont pas tous les traitements d’ergothérapie qui sont exclus de l’assistance médicale. Or, pour ceux-ci, on crée une restriction supplémentaire : aucun traitement avant la 6e semaine, sauf pour certaines lésions ou prescription contraire du médecin. De plus, le travailleur n’a pas droit aux traitements si la lésion est consolidée (en cas de guérison ou dans les cas où aucune amélioration de l’état de santé du travailleur n’est prévisible) à la 6e semaine.

Il n’est donc pas exagéré que de dire que maintenant les rapports de physiothérapie et d’ergothérapie seront beaucoup plus axés sur le retour au travail que sur les traitements eux-mêmes. Et ce, même s’il s’agit de rapports rédigés dans le cadre de l’assistance médicale, donc visant à traiter une lésion, et non dans le cadre de la réadaptation physique, sociale ou professionnelle.

Bref, les nouveaux rapports visent à concrétiser la volonté de la CNÉSST d’axer l’assistance médicale vers le retour au travail (ou sur le marché du travail) au détriment de l’objectif de la loi qui vise avant tout la réparation de la lésion professionnelle.

Nancy Laliberté
Directrice Comité d’appui aux travailleurs et travailleuses accidentés de la région des Appalaches