La rivière Bécancour (secteur Haute-Bécancour) condamnée?

Dans le cadre de son projet «Agir Ensemble-Haute Bécancour (AE-HB)», l’Association de protection du lac à la Truite d’Irlande (APLTI) annonce que l’équipe de RAPPEL, expert conseil en environnement et en gestion de l’eau, a récemment déposé ses rapports de suivi de la qualité de l’eau et diagnostic sur un tronçon problématique de la rivière Bécancour.

Ces deux rapports s’ajoutent à celui du 27 août dernier sur l’évaluation de performance des ouvrages municipaux d’assainissement des eaux (OMAE) réalisé par Fondation Rivières. Ceux-ci sont disponibles sur le site Web de l’APLTI au www.aplti.org.

Ce projet AE-HB consistait à réaliser les recommandations du rapport du suivi de la qualité de l’eau de l’été 2017 ainsi que de répondre à certaines orientations du Plan directeur de l’eau (PDE) de la zone de Bécancour.

Qualité de l’eau très polluée et très décevante

La rivière Bécancour est la source la plus importante de phosphore et de bactéries pour le lac à la Truite d’Irlande, avec sur son tracé la station d’épuration de Black Lake.
En temps de pluie, les mesures de coliformes fécaux explosent dans la rivière pour atteindre parfois plus de 6000 UFC / 100 ml. Il va sans dire qu’il faut éviter tout contact avec l’eau en cas de pluie abondante, probablement plus de 20 mm en 24 h. Les données obtenues du Réseau Rivières pour la station Marcheterre montrent encore une fois l’impact négatif de la station d’épuration de Black Lake sur la qualité d’eau de la rivière, avec des dépassements systématiques de la norme de 200 UFC/100 ml tout au long de l’année, les niveaux atteignant des sommets similaires en dehors de la période estivale.

Quant à la problématique de l’eau de baignade du lac, les mesures de coliformes fécaux sont très élevées, qui semblent pouvoir s’expliquer en grande partie par l’absence d’un traitement de désinfection à la station d’épuration en amont comme l’indique le rapport de la Fondation Rivières du 27 juillet dernier. De plus, en 2016, le réseau d’égouts menant à cette station a connu 1 442 surverses.

Les mesures de matières en suspension (MES) récoltées en temps de pluie sont également inquiétantes. À l’aval de la station d’épuration, les niveaux de matières en suspension sont déjà au-delà de la norme dite aiguë de 25 mg/l, probablement compte tenu des apports du secteur urbain de Thetford Mines en amont (eau de ruissellement). Au moment d’atteindre la station Marcheterre en aval des haldes de résidus miniers, les matières en suspension augmentent encore davantage, montrant bien l’effet du lessivage des haldes qui sont directement adjacentes à la rivière et qui sont littéralement laissées à nu.

Un tronçon des plus polluants et mystérieux

Le tronçon de la rivière Bécancour séparant les stations des ponts Vimy et Marcheterre d’une longueur d’environ 5,8 km a été inventorié en canot. L’inventaire réalisé le 11 octobre 2018 alors qu’il pleuvait abondamment (plus de 45 mm de pluie dans les 24 h précédant de l’inventaire).

Les deux premiers kilomètres de ce tronçon à l’étude, la rivière longe un secteur minier sur son côté sud. Ce secteur minier fait partie de trois différentes municipalités, Thetford-Mines, Saint-Joseph-de-Coleraine et Irlande. Pour tout le reste de la zone d’étude, la rivière s’écoule uniquement en milieu forestier.

Un tributaire, dont l’eau étant déjà très turbide à sa sortie, provenait d’une canalisation enfouie. La provenance de cette eau est inconnue pour le moment. Il pourrait s’agir d’un cours d’eau canalisé, d’eaux de drainage d’aires minières ou d’eau de pompage. Il sera important de trouver la provenance de cette eau afin de vérifier les sources de contamination potentielles et pour identifier la meilleure solution possible pour que cette eau arrive propre à la rivière Bécancour.

À la suite de cette inspection visuelle par l’équipe de RAPPEL, le 11 octobre 2018, l’APLTI a déposé une plainte officielle au ministère de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC) sur cet étrange panache de couleur rougeâtre (filmé et photographié) provenant des haldes minières. Le Centre de contrôle environnemental de la Capitale-Nationale et de la Chaudière-Appalaches est venu le 17 octobre (six jours après la crue du 10 et 11 octobre) prendre des échantillons de l’eau dont la pollution était moins évidente. Nous sommes toujours dans l’attente de leur rapport d’inspection.

L’histoire se répète

Dans le diagnostic du bassin versant de la rivière Bécancour par Enviro-Action (février 2005) ainsi que dans le rapport de 1985 «La Bécancour, une tâche urgente» du Ministère de l’Environnement, le lac à la Truite d’Irlande ainsi que l’étang Stater étaient des milieux humides prioritaires à protéger ou reconnu comme prioritaire du fait de la présence d’un grand nombre de problématiques. L’étang Stater est l’un des plus importants milieux humides de la Haute-Bécancour, tant par sa superficie que par sa biodiversité. En 2004, Canards Illimités et en 2011 GROBEC, dans leurs rapports respectifs, recommandaient à la Ville de Thetford Mines d’installer une filière de désinfection à l’usine d’épuration de Black Lake tout comme Fondation Rivières au mois d’août 2018 dans son rapport. La Ville de Thetford Mines, pour 2019, n’a rien prévu pour cette filière (± 300 000$) à son budget, ne sachant plus l’orientation future de cette usine et préférant commander une autre étude sur cette usine.

Tronçon condamné?

Ce tronçon de la rivière Bécancour est-il condamné à demeurer une canalisation de transport d’eaux usées résidentielles, commerciales, industrielles et minières? L’étang Stater (qui fournit l’eau potable souterraine aux gens de Black Lake) et le lac à la Truite d’Irlande (dont Thetford Mines voulait y puiser son eau potable au début des années 2000) sont-ils également condamnés à entreposer tous ces polluants et à disparaître éventuellement ne pouvant être vidangés. Les lacs William et Joseph seront-ils les prochains à être condamnés?

Pourtant le législateur a confié les compétences environnementales aux municipalités, sous la gouvernance de son ministère de l’environnement, mais que font-ils et que feront-ils?