Défaite d’East Broughton dans sa poursuite de 2,7 millions $

La Municipalité d’East Broughton a été déboutée sur toute la ligne dans sa poursuite contre Les Sables Olimag, André Vachon et l’Association de chasse et de pêche des Cantons de Broughton. Elle devra également s’acquitter des frais de justice des défendeurs.

Le juge de la Cour supérieure du Québec Alain Michaud conclut que la responsabilité d’assumer la facture de 2,7 millions $ pour le nettoyage d’une galerie souterraine située sur un ancien site minier ne revenait pas aux propriétaires des terrains sous lesquels est située la conduite.

Dans son jugement daté du 7 mai 2019, il justifie le rejet de la demande en indiquant que les défendeurs «n’avaient aucune obligation de rétablir l’écoulement normal des eaux dans la canalisation souterraine», «n’ont pas la garde de la conduite souterraine», «ne sont pas responsables de son entretien», «n’ont pas causé l’obstruction du cours d’eau» et «n’ont commis aucune faute susceptible de mener à une condamnation monétaire».

De plus, la Municipalité ne bénéficie «d’aucune subrogation légale à l’encontre des défendeurs», elle ne peut donc pas se substituer à la MRC des Appalaches pour réclamer le paiement de la facture.

Rappel des faits

En septembre 2011, la MRC avait dû prendre la décision d’effectuer des travaux d’urgence afin de vider la galerie souterraine après le passage de la tempête Irène à la fin du mois d’août. En effet, les pluies diluviennes s’étaient accumulées à la grille d’entrée du tunnel, créant ainsi une forte pression sur les haldes entourant le réservoir. L’eau n’avait pas pu s’écouler rapidement puisque le conduit était rempli de sédiments qui s’étaient accumulés avec les années. Cela avait eu pour conséquence de provoquer une énorme coulée d’eau et de boue vers le village et de causer d’importants dommages à une dizaine de résidences.

La valeur des travaux pour vider la conduite s’était soldée à 2,5 millions $. Leur exécution avait été beaucoup plus longue et difficile que prévu et n’avait été complétée que neuf mois plus tard, soit en mai 2012. La Municipalité d’East Broughton avait signé un engagement avec la MRC en juillet 2012 disant qu’elle s’acquitterait de la facture. Elle avait ensuite changé son fusil d’épaule et avait renié la validité de son engagement écrit. Une entente était finalement intervenue en 2015 entre les deux parties quant au remboursement des travaux sur 20 ans de la part de la Municipalité.

Cette dernière avait également effectué des travaux pour la somme de 227 882 $ aux abords des 13e et 12e Rues Ouest afin de mieux canaliser les eaux du ruisseau, portant la facture totale qu’elle réclamait aux défendeurs à 2,7 millions $.

«Ce que la demanderesse (East Broughton) réclame aujourd’hui des défendeurs, c’est de compenser les conséquences de sa propre inaction depuis plus de 70 ans» – le juge Alain Michaud

La responsabilité

La plus importante des questions à l’étude dans l’analyse du jugement était d’identifier l’autorité responsable de l’entretien de la conduite souterraine et de ses puits d’accès. Même si le Tribunal a établi que les défendeurs étaient aussi propriétaires de la conduite sous leur propriété respective, le juge soutient que «cette conclusion n’a toutefois que peu d’incidence sur le sort du débat».

Selon l’historique de la législation, à partir de la refonte du Code municipal en 1916, les corporations municipales sont les entités responsables des cours d’eau sur leur territoire. À compter de 2001, ce sont les MRC qui obtiennent la compétence.

Par ailleurs, selon les témoignages, la Municipalité avait été avisée plus d’une fois de l’obstruction du conduit. Le juge Michaud souligne que «la municipalité locale a passé 65 ans à ne rien faire (de 1920 à 1985) pendant que la conduite s’obstruait progressivement jusqu’à devenir colmatée en 1985». De plus, «seize autres années se sont écoulées sans qu’East Broughton n’intervienne d’aucune façon pour répondre aux plaintes des résidents, qui constatent cet état de fait et annoncent l’imminence d’un probable désastre». En 2001, les représentants de la Municipalité «ne signalent jamais à la MRC cette situation dangereuse», jusqu’à ce que le directeur général de l’époque, Normand Laplante, l’en avise le 7 septembre 2011, soit après le passage de la tempête.

Pour ce qui est de la responsabilité des propriétaires, le jugement établit que ceux-ci n’ont pas causé l’accumulation de sédiments dans le conduit et qu’ils ont «fait ce qui était en leur pouvoir en alertant les élus aux dangers présentés par la récurrence et l’aggravation de l’élévation des eaux dans le réservoir».

Le Courrier Frontenac a tenté d’obtenir les réactions de la Municipalité d’East Broughton et de la MRC des Appalaches, mais au moment d’écrire ces lignes, ils n’avaient pas encore pris connaissance du jugement complet.

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