Récupération Frontenac tire son épingle du jeu

Les difficultés que connait l’industrie du recyclage a forcé quelques centres de tri de la province à fermer leurs portes dans les dernières années et en menacent encore d’autres aujourd’hui. Bien que Récupération Frontenac doive aussi faire face à des obstacles, l’organisme à but non lucratif a tout de même su tirer son épingle du jeu jusqu’à maintenant.

«Tout a commencé à se détériorer en octobre 2017 lorsque la Chine a complètement fermé sa frontière aux fibres de papier. On parle du journal et du carton, le marché était bon, mais à partir de ce moment, ça a occasionné un surplus de matières dans les papetières au Québec», explique le directeur général de Récupération Frontenac, Junior St-Cyr.

De plus, les relations tendues entre le Canada et la Chine n’aident en rien la résolution de cette situation selon lui.

Le président du conseil d’administration de Récupération Frontenac Marc Soucie et le directeur général Junior St-Cyr

Les centres de tri traitent environ 560 000 tonnes de fibres de papier annuellement et les Chinois en importaient une très grande part. «Le problème, d’après eux, est que la qualité n’était pas au rendez-vous. Ça fait des années qu’ils disent aux centres de tri améliorez-vous, mécanisez-vous parce que ce que vous nous envoyez a trop de contaminants solides. Il y en a qui ont été attentifs et d’autres pas. Il y a des marchés qui se sont ouverts, comme l’Inde, mais eux aussi veulent de la qualité. Ce n’est pas seulement au Québec, mais aussi toute l’Amérique du Nord et même l’Europe qui a de la misère à trouver preneur pour les fibres», soutient M. St-Cyr.

Chez Récupération Frontenac, plusieurs plans de mécanisation ont été mis en place depuis 2012. Plus de 6 millions $ ont été investis dans de la nouvelle technologie comme des trieurs optiques. Deux autres devraient s’ajouter d’ici 18 mois. Le directeur général voit donc l’avenir avec optimisme.

La fermeture de la frontière chinoise a toutefois eu pour effet de faire baisser les prix de façon drastique. Par exemple, indique Junior St-Cyr, une tonne de carton valait 265 $ auparavant, elle en vaut 50 $ aujourd’hui. La même chose est arrivée au papier journal qui est passé de 150 $ la tonne à 30 $.

La diminution des prix a aussi fait rouvrir les ententes. «Nous n’avons pas eu le choix, comme tout le monde. Nous traitions les matières à prix zéro, mais aujourd’hui nous ne sommes plus capables. Nous devons charger le manque à gagner. Le gouvernement a donc donné l’autorisation aux centres de tri et aux municipalités de revoir les ententes», mentionne le directeur général.

Afin de les aider, RECYC-QUÉBEC a mis en place des plans de support financier pour qu’ils puissent se mécaniser, ce qu’il avait déjà commencé à se faire bien avant à Thetford Mines. Québec a de plus récemment annoncé une réforme du système de collecte sélective et injectera 30,5 millions $ pour soutenir cette modernisation. Au terme de celle-ci, les entreprises qui mettent sur le marché des contenants, des emballages, des imprimés et des journaux seront responsables de leurs produits du début à la fin de leur cycle de vie.

Conscientisation

Malgré les difficultés rencontrées dans le domaine, Junior St-Cyr tient à rassurer la population qu’il n’est pas du tout question de fermeture dans le cas de Récupération Frontenac. «Dans l’ensemble, tout ce qui rentre ici fait l’objet d’une disposition, c’est-à-dire que nous sommes capables de les vendre aux recycleurs de la province, mis à part les sacs de plastique. Ce marché s’est complètement effondré et il n’y a plus aucun preneur pour ça présentement. De notre côté, nous ne les jetons pas, nous les plaçons en entrepôt. Nous pensons que le marché va finir par reprendre. Il y a d’ailleurs une entreprise de Thetford Mines qui pourrait éventuellement le faire.»

Par ailleurs, le directeur général demande aux gens d’être vigilants et de se référer à la charte de RECYC-QUÉBEC. Des gestes anodins peuvent parfois avoir des conséquences importantes.
«Un sac de vidanges peut venir contaminer l’ensemble et quand ça arrive, nous sommes obligés de tout renvoyer au site d’enfouissement. Parmi les choses que nous recevons en grande quantité et que nous ne devrions pas, il y a des couches, des matériaux de construction et des déchets ménagers», déplore-t-il.

Depuis le début de la crise, la qualité des matières et la baisse du marché sont au cœur des conversations, mais selon Junior St-Cyr, il ne faut pas oublier les employés. Récupération Frontenac procure de l’emploi à 90 personnes à son centre de tri et à 35 autres à son atelier de travail.

«Quotidiennement, ils sont confrontés aux rejets provenant des citoyens et sans généraliser, parce que plusieurs font un travail extraordinaire, il y en a qui doivent être conscients des gestes qu’ils posent à la maison. Il faut que les gens soient fiers d’avoir un beau centre de tri en région et bien comprendre sa mission sociale qui est l’intégration de personnes vivant avec une limitation fonctionnelle. Si on veut la poursuivre, c’est important de poser les bons gestes.»

Élargissement de la consigne

Avec les changements qui s’en viennent dans le secteur de la consigne, Junior St-Cyr croit que les centres de tri pourraient avoir leur mot à dire dans le processus. Rappelons que le gouvernement du Québec a annoncé en janvier qu’il élargira la consigne à tous les contenants de boisson prêts à boire de 100 millilitres à 2 litres, qu’ils soient en plastique, en verre ou en métal. Les contenants de type carton multicouche seront également visés, mais dans un second temps. Cette mesure devrait entrer en vigueur à l’automne 2022.

«On entend beaucoup que les centre de tri ne parviennent pas à tout récupérer ces contenants, mais c’est totalement faux. Si on a décidé de mettre une consigne, c’est beaucoup plus pour le recyclage sauvage, soit ce qui se retrouve dans la nature ou dans les dépotoirs. En mettant une consigne, on veut inciter les gens à les rapporter. De notre côté, nous vendons quand même bien ces matières», affirme le directeur général.

Des discussions sont encore en cours à savoir comment le tout va s’orchestrer. Est-ce que les centres de tri du Québec devraient avoir un rôle dans tout cela? Junior St-Cyr croit que oui.

«On ne peut pas mettre de points de dépôt chez les détaillants, ils n’ont pas l’espace. Devrait-il y avoir un point de dépôt à Thetford Mines dans lequel Récupération Frontenac pourrait être un acteur majeur? Nous sommes en discussions à ce sujet. Ce serait un projet créateur d’emplois et nous en avons la capacité.»

À suivre…