Voir le bon côté des choses en temps de crise

La crise sanitaire liée à la pandémie de coronavirus amène bien entendu son lot d’inconvénients, et ce, dans plusieurs secteurs de l’économie. En dépit de cette période plus difficile, certains tentent d’y voir un peu de positif. C’est le cas de la famille Nadeau de Thetford Mines qui se spécialise, entre autres, dans la production de fraises, de framboises et de bleuets. 

« La COVID-19 aura des impacts financiers à court et à long terme et amènera des façons différentes de travailler, mais il y a aussi une manière de voir du bon pour l’agriculture au Québec. Je pense que pour nous ça peut juste aider dans le sens que oui il y aura de petites dépenses supplémentaires, toutefois, je suis persuadée que les gens seront de plus en plus conscientisés à l’achat local », a mentionné Julie Nadeau de la Fruitière Mario Nadeau.

D’ailleurs, si la petite ferme familiale est présente dans le paysage thetfordois depuis 49 ans cette année, c’est beaucoup grâce aux consommateurs qui privilégient les produits d’ici. « Nous ne vendons pas dans les épiceries. Les gens viennent à nos kiosques à la ferme et au marché public au centre-ville le samedi matin. L’achat local, nous vivons de cela », a-t-elle ajouté.

La Fruitière Mario Nadeau s’adaptera afin de pouvoir accueillir les visiteurs en toute sécurité. (Courrier Frontenac – Jean-Hugo Savard)

À l’aube de la saison 2020, la crise sanitaire a cependant obligé la famille Nadeau à revoir le concept et les façons de faire afin de pouvoir continuer à accueillir la clientèle. « Chez nous, c’est 95 % d’autocueillette. Ce qui nous stressait au début, c’était la façon de gérer cela dans le champ puisqu’il devra y avoir une distance entre les personnes qui ne sont pas de la même famille. Au kiosque et au marché public, nous savions un peu quoi faire comme mettre des plexiglas et manipuler le moins possible d’argent comptant. Nous avons maintenant les réponses à nos questions et nous serons capables d’offrir le service, mais avec certaines conditions », a précisé Mario Nadeau.

Désormais, les gens qui voudront se présenter à la ferme devront laisser leurs contenants à la maison ou dans l’auto. « Nous allons fonctionner un peu de la manière lorsque nous allons aux pommes. Les clients devront acheter le panier que nous leur fournirons et pourront le remplir. Ils débourseront un certain montant d’argent pour obtenir une quantité définie de fruits et n’auront plus à faire peser leur contenant avant de repartir », a expliqué Julie.

De plus, les visiteurs devront se laver les mains à un poste qui sera installé avant de se rendre au champ. Du gel désinfectant sera aussi mis à leur disposition. « Ça fait 49 ans que nous avons la même formule. Il a fallu être créatif et revoir le concept pour éviter toute contamination », a-t-elle renchéri.

Culture en serre

Depuis le début de la crise, l’autonomie alimentaire est davantage mise à l’avant-plan. Le gouvernement du Québec envisage d’accorder des subventions afin qu’il puisse y avoir encore plus de cultures en serre et des produits d’ici disponibles à l’année.

Le producteur thetfordois trouve cette avenue très intéressante. « À mon avis, c’est une bonne idée et cela va promouvoir l’achat local. C’est bon pour l’économie et pour l’environnement. Nous regardons pour produire soit des fraises en serre ou encore des tomates ou des concombres. Si le gouvernement veut nous appuyer, je pense que beaucoup de producteurs répondront présents. »

Cependant, M. Nadeau croit qu’il faudra que les marchés d’alimentation participent et achètent des producteurs locaux. « Le gouvernement a beau donner une subvention, mais si après il continue d’arriver des fraises de la Floride et des tomates du Mexique, ça ne marchera pas. Il faudra aussi que les consommateurs prennent davantage conscience que les fraises, mais aussi le bœuf, le fromage et tous les autres produits que nous faisons venir d’ailleurs ont une empreinte carbone plus élevée », a-t-il martelé.

Julie a également fait valoir qu’il est très difficile pour les producteurs d’ici de compétitionner avec les multinationales. « À titre d’exemple, la superficie de l’entreprise Dole est plus grande que toutes les productions de fraises du Québec réunies. C’est incroyable. De petites fermes familiales comme la nôtre ne peuvent pas leur arriver à la cheville, même avec des serres. Les grandes compagnies parviennent à vendre leur petit casseau de framboises moins cher que nous alors que nous sommes à un kilomètre de la ville. Si les gens pouvaient être sensibilisés et prêts à payer peut-être un peu plus, ils auraient un produit frais qui n’a pas pollué et qui fait vivre le monde d’ici et ce serait merveilleux pour toutes les fermes du Québec. »

Une récolte abondante à prévoir

Selon Mario Nadeau, la prochaine récolte s’annonce encore très bonne. Depuis deux ans, la production et les ventes ont d’ailleurs augmenté. « Dans une année, nous pouvons produire entre 100 000 et 150 000 livres de fraises. L’été dernier, nous avons embauché une quarantaine de cueilleurs. L’achat local crée aussi de l’emploi dans la région. Nous n’accueillons pas de Mexicains », a-t-il soutenu.

De plus, cette main-d’œuvre est quand même facile à recruter, a ajouté Julie. « En général, nous n’avons pas de misère à trouver des cueilleurs parce que nous sommes saisonniers. Ce sont des étudiants. Ils font bien cela, mais il est certain que chaque année nous devons gérer de nouvelles personnes. C’est notre défi. Nous engageons entre 30 et 40 cueilleurs en plus des placeurs et des gens aux kiosques. »

Relève assurée

Pour plusieurs producteurs, avoir de la relève représente un réel défi. Heureusement, celle-ci est déjà assurée à la Fruitière Mario Nadeau puisque Julie et son frère Gabriel ont l’intention de suivre les traces de leurs parents, mais également de leurs grands-parents Edgar Nadeau et Anita Labrecque qui sont aujourd’hui âgés de 90 ans.

« Cette année, la situation est assez particulière, mais normalement notre grand-père vient nous aider à ramasser de la roche et à semer. Tout a commencé par une porcherie. Un jour, il a décidé d’ajouter 200 plants de fraises pour sa consommation personnelle et il s’est vite rendu compte qu’il y en avait trop. Il a donc permis aux voisins de venir en chercher et ils lui ont dit que s’il en cultivait davantage ils seraient prêts à en acheter. Aujourd’hui, nous mettons en terre entre 70 000 et 100 000 plants par année »,  a raconté Julie.

Pour son frère et elle, l’agriculture est un véritable mode de vie. « On ne se cachera pas que c’est un milieu difficile. Personne ne se lance là-dedans comme ça. De notre côté, c’est familial et nous l’avons dans le sang. Tout cela a de la valeur à nos yeux. J’ai un emploi le reste de l’année qui me permet de travailler ici l’été puisque Gabriel et moi ne pourrions pas dépendre de la ferme, mais c’est une passion », a-t-elle conclu.