Mon cri d’alarme face au projet de vente de l’église de Saint-Jacques-de-Leeds

En ces temps d’effondrement, de déconstruction, de doute et d’inconnu, je viens d’apprendre que l’église de Leeds a été mise en vente. Cette situation était prévisible, il ne faut pas se le cacher. Même si je n’en suis pas surpris, j’ai des sentiments partagés face à cette vente. D’une part, je me dis que c’est un peu normal, c’est la vie, le monde change, notre monde change, il faut accepter la chose. Nous sommes maintenant dans une société laïque et l’expression religieuse a pris bien d’autres formes que celles du passé. Ce qui avait beaucoup d’importance dans le passé devient très relatif, c’est comme ça.

D’autre part, je me dis que ça n’a pas d’allure que l’église payée à la sueur de nos parents et nos grands-parents soit vendue comme cela à une entreprise qui se cherche un local pas trop cher ou à un individu qui a des rêves de grandeur ou qui veut se payer une résidence secondaire un peu particulière. On dit par dérision que les Québécois n’ont pas de mémoire, est-ce vraiment le cas ou est-il temps de trouver la nôtre; même si cela est l’expression du même problème que des dizaines de petites municipalités au Québec qui se désagrègent au profit des grandes villes.

Bien sûr, il y a 50 ans que je suis parti de Leeds, ce n’est pas une raison pour ne rien dire et de tout laisser faire. Leeds, c’est notre base, nos racines, ce n’est pas du sentimentalisme d’y tenir et de vouloir s’en occuper. Il est temps de transformer le passé, il est temps que l’église soit mise au service de la communauté.

Ce lieu est un symbole. Qu’est-ce que c’est qu’un symbole? C’est quelque chose qui porte la vie, qui nous permet de croire en l’avenir, qui nous permet de nous renouveler, de changer et de s’adapter au changement, c’est un point de référence. Contrairement à ce que l’on nous a enseigné, le sacré n’est pas lié à un endroit, mais quelque chose de riche et de mystérieux que chacun porte en soi et qui a besoin d’un lieu pour s’exprimer. En ce sens, l’église peut toujours servir à cela.

Comme par le passé, comme toujours l’église peut de nouveau être ce lieu au service de la communauté et ne plus se restreindre à un petit groupe de 10 ou 15 personnes comme dans les dernières années. Il y a une densité de circulation à Leeds comme il n’y en a jamais eu. À titre d’exemples, pourquoi ne deviendrait-elle pas à la fois un service de toilette et de casse-croûte, soit de halte des voyageurs, une salle communautaire pour divers rassemblements des membres de la communauté, un petit magasin de productions locales, un local pour les artisanes comme cela existe déjà, une petite chapelle, un point de service du CLSC, une salle à usage multiple pour les grands rassemblements et bien d’autres services qui pourraient répondre aux besoins de la communauté? Ce ne sont que des exemples.

Ici, deux mondes s’opposent, celui de l’argent et celui du symbole, de la vie communautaire. Tout projet sérieux ne commence pas avec une question d’argent, la question d’argent vient en second lieu. La première question dans ce contexte, ce sont les besoins de la population, à moyen et à long terme. Ce serait une honte de se débarrasser de ce patrimoine pour quelques dollars.

Certains diront qu’on est dans des temps difficiles, mais est-ce qu’on s’arrête parce que ça l’est? On peut comprendre que pour les personnes qui ne sont pas nées à Leeds, sauver ce patrimoine peut de prime abord ne pas faire de sens, mais le sens de quelque chose se construit en posant des gestes concrets. N’est-ce pas là une occasion de manifester une solidarité avec ceux qui ont construit cette église, ce village en se ralliant à eux en supportant avec eux un projet qui crée un futur et en s’appuyant sur les bases de ceux qui les ont précédés?

Il reste que ce patrimoine fait partie de notre histoire personnelle, que nous soyons ou non en accord avec cela. Il me semble qu’il y a une occasion de nous manifester à l’occasion du projet de la vente de cette église. C’est une occasion, peut-être comme jamais, de créer quelque chose de neuf.

Ce serait, à mon avis, l’occasion de nous manifester pour transformer, donc de créer du nouveau, un projet communautaire, peu importe la forme qu’il pourrait prendre. Il y aurait moyen de mettre à contribution des personnes qui comme moi ont à cœur d’assurer la pérennité de ce lieu, peu importe la forme que cela pourrait prendre.

Denis Vachon
Sherbrooke