Rapport de la Protectrice du citoyen sur les CHSLD : des témoignages troublants

La Protectrice du citoyen Marie Rinfret vient de rendre public son rapport d’étape sur la gestion gouvernementale de la COVID-19 dans les CHSLD. De nombreux témoins de la crise ont donné une description de milieux de soins désorganisés et à bout de souffle.

Dans son rapport, la Protectrice du citoyen souligne plusieurs lacunes et définit cinq priorités d’action pour faire des CHSLD des modes d’hébergement conformes à leur mission de milieux de vie fournissant des soins continus dans le respect des droits et de la dignité des personnes hébergées :

1. Centrer les soins et les services en CHSLD sur les besoins des usagers en misant sur l’humanisation des soins et la valorisation des personnes proches aidantes;
2. Assurer la stabilité des effectifs et la présence de personnel en nombre suffisant dans les CHSLD;
3. Poursuivre la mise en place, dans chaque CHSLD, d’une ou d’un gestionnaire de proximité en mesure d’exercer un leadership local fort;
4. Implanter dans les CHSLD une culture rigoureuse en matière de prévention et de contrôle des infections qui soit connue de tous et toutes;
5. Renforcer les canaux de communication, tant au plan local et régional que national, pour diffuser des informations et des directives claires et faciliter le partage des meilleures pratiques.

Voici certains extraits des témoignages des 1 355 personnes qui ont répondu à l’appel de la Protectrice du citoyen :

« Il y avait déjà plusieurs cas présents dans la bâtisse, et les membres du personnel partageaient encore la salle des employés sans distanciation. J’en ai parlé à mon gestionnaire, qui m’a répondu que ce n’était pas grave. De même, je me suis plainte que les employés se faisaient promener d’un étage à l’autre, en mêlant zone froide et zone chaude allègrement. Ça a tout de même continué et l’infection s’est propagée dans tout l’immeuble ».

« Faute de personnel, des usagers restaient 12 heures dans leur culotte d’incontinence souillée. Des repas étaient sautés, des médicaments n’étaient pas donnés. Des usagers mouraient seuls, en détresse et en souffrance. Pathétique et inacceptable ».

«Au début, c’était de la médecine de guerre. Nous n’avions aucun support et il y avait trois à quatre morts par jour. Nous ne savions plus où mettre les corps».

« Les règles sur les mesures sanitaires étaient dictées sans arrêt et de façon directive. «Allez dans votre chambre, il est interdit de sortir, on va vous attacher». Ces règles répétées régulièrement finissaient par diminuer le moral, par mettre en colère, car on nous répondait «Je n’ai pas le temps d’aller vous chercher votre eau chaude ».

« À cause du manque d’équipement, nous avons dû parfois choisir entre deux patients en détresse respiratoire pour savoir à qui nous allions appliquer le protocole de soins. C’était insoutenable. J’ai dû faire une thérapie à cause de cela ».

« J’ai vécu l’horreur à force d’assister au décès d’autant d’usagers auxquels j’étais attachée. Des images vont me rester pour toujours en tête. Mes collègues et moi avons souvent pleuré ensemble parce que c’était trop dur de voir tous ces gens partir ».

« Après un mois de confinement, l’exclusion des proches et une agonie de trois jours, il est mort seul, déshydraté, en état de détresse et dans des conditions inimaginables dues au manque de personnel. J’ai pu assister à ses derniers instants grâce à une caméra de surveillance placée dans sa chambre, installée avant la pandémie. Plusieurs semaines après sa mort, je suis encore hantée par ce que j’ai vu ».