Urgence d’agir pour freiner la rareté de main-d’œuvre

Des élus municipaux et industriels ainsi que des intervenants du milieu économique de Chaudière-Appalaches demandent au gouvernement du Québec d’implanter rapidement un plan d’urgence visant à permettre aux entreprises manufacturières de lutter contre les effets de la rareté de main-d’œuvre.

D’après une enquête commandée par la Table régionale des élus municipaux de Chaudière-Appalaches (TREMCA) et réalisée par Deloitte et E&B Data, 2,1 milliards $ de production manufacturière ont échappé cette année à la région, sans compter des millions de dollars d’investissements non réalisés. La situation cause aujourd’hui une perte d’opportunités, d’innovation et de croissance.

Des rencontres ont eu lieu à l’Assemblée nationale, le mardi 9 novembre, afin de présenter à la députation caquiste de Chaudière-Appalaches, aux ministres Lucie Lecours et Jean Boulet ainsi qu’à la cheffe de l’opposition officielle Dominique Anglade l’état de situation et leur soumettre plusieurs pistes de solution orientées sur la robotisation, la requalification et la rétention, le recrutement international et la régionalisation de l’immigration.

Le directeur général de la Société de développement économique de la région de Thetford (SDE), Luc Rémillard, était d’ailleurs sur place pour l’occasion. Il a mentionné que le gouvernement du Québec doit s’approprier le dossier et prendre conscience que les petites entreprises sont les plus touchées actuellement et que les divers programmes en place ne sont pas adaptés à leur situation.

« Il faut comprendre que sur l’ensemble du territoire de Chaudière-Appalaches, 91 % de nos entreprises ont 15 employés et moins et que la majorité d’entre elles ont indiqué, en août dernier, avoir des postes vacants. On évalue ce nombre à environ 5200, ce n’est pas rien. »

D’ailleurs, sur les 309 entreprises ayant répondu à l’enquête, 51 sont situées dans la MRC des Appalaches pour un total de 2949 emplois et 343 postes vacants (12%).

L’enquête révèle également que 85 % des entreprises sondées sous-utilisent leur capacité de production et que 75 % ont refusé des contrats au cours de la dernière année. « C’est majeur, puisqu’un fort pourcentage de ce groupe dit penser à de la délocalisation. Ce n’est pas une bonne nouvelle pour le long terme. C’est un appauvrissement qui est important », a souligné M. Rémillard.

Selon lui, la situation est d’autant plus préoccupante considérant le fait que ces entreprises font vivre de nombreuses municipalités dans la région. « Ça va nous prendre une stratégie réinventée pour justement être capables de les aider. Des choses ont été faites, mais actuellement ce sont les petites entreprises qui souffrent et qui pensent à quitter, à ne pas faire d’investissements et à refuser des contrats. »

Travailleurs étrangers

Le directeur général de la SDE croit qu’il est temps que le gouvernement facilite l’arrivée des travailleurs étrangers. « Les délais sont trop longs. On parle de pratiquement un an. Quand tu es en sous-traitance, comme c’est le cas pour une grande majorité d’entreprises de la région, le contrat commence souvent dans trois mois et elles doivent planifier leur personnel. »

Il est aussi important, à son avis, d’accompagner les milieux afin de pouvoir recevoir ces nouveaux travailleurs. « Nous embarquons à ce moment-là dans la question de l’accueil, du transport en commun et de l’hébergement. C’est un gros dossier auquel il faut travailler rapidement. »

Bien que la robotisation dans le secteur manufacturier puisse aider certaines grandes entreprises, il est d’avis que cela ne règle pas tout. « Quand on fait le tour, on constate qu’il y a une partie qu’elles peuvent automatiser, mais pas complètement, surtout quand tu es un sous-traitant qui réalise des projets spécifiques. »

D’après Luc Rémillard, le recrutement de main-d’œuvre au sein même de l’appareil gouvernemental fait mal aux entreprises. « Nous voyons ses ambitions à pourvoir les nombreux postes disponibles. Je ne pense pas que le gouvernement du Québec va beaucoup recruter en Tunisie. Il va le faire autour, dans les entreprises en activité dans nos petites municipalités. Ce qui fait mal, c’est que nos plus grands donneurs d’ordres font justement affaire avec elles pour réaliser leurs projets. Il est temps d’accélérer les choses et de s’en occuper rapidement. »

Notons que Chaudière-Appalaches est la troisième plus importante région manufacturière au Québec avec un PIB de 5,3 milliards $. Le secteur de la fabrication représente la plus forte création de richesse manufacturière par habitant de près de 12 500 $, contre 8400 $ à Montréal et 6800 $ en Montérégie. C’est 28 % de son PIB qui provient du secteur manufacturier, la prépondérance de l’industrie dans l’économie y est d’ailleurs plus importante qu’en Chine (26%). *Source : Table régionale des élus municipaux de la Chaudière-Appalaches (TREMCA)