Des citoyens s’opposent à un imposant projet de porcherie

Des citoyens d’Adstock s’inquiètent de la possible construction de deux bâtiments d’élevage porcin sur une terre du 14e rang qui ferait augmenter la production de 486 %.

On y retrouve actuellement trois bâtisses qui incluent au total près de 1500 animaux d’engraissement. Le producteur prévoit passer à près de 7500 en construisant deux nouvelles structures de 3000 mètres carrés.

«C’est l’équivalent d’ajouter 12 bâtiments. On ne parle plus de ferme, mais d’usine. Ça fait 22 ans qu’il y a trois bâtiments à côté et que l’on vit avec ça, difficilement, mais on vit avec et on n’a jamais fait de plainte, mais là c’est déraisonnable et abusif», soutient l’un des voisins, Serge Grenier qui ajoute qu’une pétition contre ce projet a déjà recueilli autour de 550 signatures.

Stéphane Lessard habite tout près avec sa famille depuis quelques années. «Avant d’acheter, ma conjointe et moi étions venus voir et c’était quand même acceptable, mais je ne pense pas rester ici si ça se fait, surtout pas avec des enfants. J’ai mis 40 000 $ pour rénover et je perdrais sûrement mon investissement.»

Éric Vachon, Paul-André Quintin, Gilbert Lessard et Stéphane Lessard

Le producteur de St-Éphrem, Rénald Roy, justifie cet investissement par le fait qu’il n’a pas le choix d’augmenter la production puisqu’elle n’est présentement pas rentable.

Le regroupement des Éleveurs de porcs du Québec précise que le développement de M. Roy est «certainement plus gros que la moyenne, mais ce n’est pas exceptionnel d’avoir 7500 places en engraissement».

Environnement

Outre l’envergure du projet, les citoyens s’inquiètent pour l’environnement en raison de la présence de cours d’eau et des lacs Jolicoeur et Bolduc tout près des lieux d’épandage de lisier. Ils se disent également soucieux pour la nappe phréatique puisque la majorité des gens du coin sont alimentés en eau par des puits.

«La Municipalité se présente comme une région de villégiature, mais l’épandage va polluer les lacs environnants», affirme Paul-André Quintin, président de l’Association du lac Bolduc. Cette étendue d’eau est d’ailleurs un versant du Grand lac Saint-François.

Selon M. Quintin, il existe déjà un problème puisque lorsqu’il pleut en grosse quantité, le déversement des terres se fait dans le lac. «Avec l’augmentation de l’épandage, cela ne ferait que décupler le problème», soutient-il.

Rejoint par le Courrier Frontenac, le ministère de l’Environnement a précisé qu’il a reçu deux demandes d’autorisation pour l’implantation de nouveaux lieux d’élevage porcin le 28 septembre 2018. Ceux-ci ont été autorisés le 15 janvier et la Municipalité d’Adstock a été avisée de l’autorisation.

De son côté, le regroupement des Éleveurs de porcs du Québec assure que l’organisation est très sensible vis-à-vis la question environnementale et cela fait partie des préoccupations qu’il essaie d’améliorer depuis plusieurs années. Par rapport à l’inquiétude envers la contamination au phosphore, le regroupement rappelle que cela fait plus de 15 ans qu’une réglementation existe au Québec obligeant tous les producteurs de porcs à avoir un bilan phosphore en équilibre certifié par un agronome reconnu par son Ordre.

Plan d’épandage présenté le 14 février

Impacts économiques
En plus de l’envergure du développement et des questions environnementales, les voisins ont également peur pour la dévaluation de leurs terrains et du futur de leur propre entreprise. Éric Vachon, qui possède un garage de mécanique d’autos sports, indique que ses clients ne veulent pas circuler dans le rang lorsqu’il y a épandage. Serge Grenier et sa conjointe prévoient de leur côté agrandir leur érablière de 17 000 entailles, mais la mégaporcherie remettrait en doute leur projet.

De son côté, Gilbert Lessard a développé l’expertise de purifier la laine qui pousse l’hiver sous les poils des bœufs musqués. Il s’agit de l’une des plus luxueuses et dispendieuses au monde, mais elle ne doit pas être contaminée par des odeurs de l’extérieur. Le développement pourrait donc mettre en péril son produit, croit-il.

Consultation publique

Rénald Roy mentionne que les demandes de permis ont commencé en 2015. «Des gens ont acheté des maisons à côté après que ce soit passé au conseil municipal pour vérifier si c’était conforme. C’est possible qu’ils ne l’aient pas su, mais c’est une zone agricole», dit-il.

La dérogation demandée consistait à lui permettre de construire des bâtiments de 3000 mètres carrés au lieu de la limite de 2000 mètres carrés prescrite par la réglementation.

«La Municipalité n’est pas partie prenante dans ce projet, explique le maire d’Adstock, Pascal Binet. Quand un propriétaire fait une demande de construction pour avoir un permis, il rencontre un inspecteur municipal. S’il y a lieu, le comité consultatif en urbanisme évalue si une dérogation peut être accordée par rapport au règlement et ensuite le conseil municipal en dispose. Nous savions qu’il s’agissait d’agrandir des bâtiments agricoles sur une porcherie existante, mais nous n’avions pas tous les détails comme le nombre d’unités animales, les sites d’épandage et tout ce qui entourait le plan d’affaires, car pour ce qui est de l’élevage porcin, c’est la réglementation gouvernementale qui s’applique.»

Le maire souligne que la dérogation avait été annoncée dans le journal communautaire local, sur le site Internet de la Municipalité et l’affichage se fait dans quatre endroits sur le territoire. De plus, le conseil n’a pas été impliqué dans l’évolution du projet de 2015 à la fin 2018.

Les citoyens sont néanmoins déçus ne pas avoir été mieux informés sur la venue de cette mégaporcherie. Stéphane Lessard dit avoir découvert par hasard le pot aux roses, le 7 février, et qu’une consultation publique à ce sujet aurait lieu le 14 février. Lors de cette rencontre où la MRC des Appalaches, la Municipalité d’Adstock, des représentants des ministères de l’Environnement et de l’Agriculture, un médecin de la direction de Santé publique, ainsi que le producteur étaient présents, le projet a été présenté à la population. Les gens avaient aussi la possibilité jusqu’au 1er mars de déposer un mémoire. Le rapport de cette consultation doit être déposé le mercredi 13 mars. À suivre…

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