Des répercussions liées à la surchauffe immobilière

Inspecteur en bâtiment depuis une dizaine d’années, Jonathan Vachon a vu au cours des derniers mois les demandes d’expertises légales en vices cachés exploser, une situation qu’il attribue à la surchauffe du marché immobilier. 

« Depuis le début de la pandémie, le marché est devenu complètement fou et un bon déséquilibre s’est créé entre l’offre et la demande. On voit beaucoup de surenchère, des achats trop précipités, trop cher, sans condition, sans garantie légale et là, on commence à observer des répercussions importantes. »

Jonathan Vachon souhaite ainsi sensibiliser les vendeurs à la situation. « Règle générale, les acheteurs veulent faire inspecter, mais lorsqu’un vendeur a dix offres devant lui, il va accepter celle ayant le moins de conditions, la plus chère et la plus vite possible. C’est tout à fait normal de vouloir vendre au meilleur prix, mais même si l’acheteur dépose une offre en renonçant à l’inspection, cela peut entraîner des conséquences négatives. Ça donne un faux sentiment de sécurité. »

Selon lui, les vendeurs pensent souvent qu’une vente sans garantie légale n’amène aucun risque de poursuite, ce qui est faux. Les acheteurs de leur côté, ne rencontrent plus leur obligation de prudence et diligence. Ils perdent parfois leur cause pour ne pas avoir pris le temps de faire les démarches correctement : inspection préachat, vérification de l’installation septique, puits artésien, test de sol, etc.

« Beaucoup d’étapes sont négligées. La plupart des dossiers sur lesquels je travaille sont des ventes sans garantie légale, où l’acheteur tente de démontrer que le vendeur était au courant du vice caché et qu’il l’a dissimulé volontairement. Même si le vendeur finit par avoir gain de cause, cela peut maintenant s’étirer sur deux ans, deux années de stress pouvant coûter plusieurs milliers de dollars, alors que le tout aurait pu être réglé lors du processus d’achat. »

Une inspection préachat coûte un peu plus de 600 $, tandis qu’une expertise légale en vices cachés peut valoir entre 1000 et 2000 $. « C’est certain que c’est une démarche de plus, mais si on découvre le problème auparavant, le vendeur et l’acheteur peuvent le régler entre eux. Lorsqu’il est connu d’avance, c’est plus difficile pour un acheteur d’intenter une poursuite », affirme M. Vachon. 

Ce dernier se souvient notamment d’un cas où il avait été mandaté afin d’effectuer une inspection. Il avait découvert une fuite de plomberie dans la bâtisse et qu’il y avait une présence importante de champignons au sous-sol. L’acheteur avait décidé de ne pas poursuivre les démarches et le propriétaire avait vendu à une autre personne qui n’avait pas fait l’inspection. « Le problème s’est aggravé et il y en a eu pour 30 000 $ en décontamination et réparations, alors que s’il avait été pris en charge dès le départ, il aurait été moins dispendieux à régler. Le vendeur n’a pas été correct de ne pas le déclarer, mais l’acheteur avait aussi sa part de responsabilités puisque le problème était visible. »

ENCADREMENT

Présentement, n’importe qui peut s’improviser inspecteur, dit Jonathan Vachon, alors que du côté des courtiers, l’Organisme d’autoréglementation du courtage immobilier du Québec (OACIQ) veille à l’application de la loi dédiée à ce domaine d’activité. 

« Les inspecteurs en bâtiments ont des associations professionnelles qui garantissent que leurs membres reçoivent une formation continue et suivent des normes de pratique. L’adhésion est toutefois volontaire. L’objectif est que cela soit encadré d’ici la fin de 2024. Nous aurons une licence de la Régie du bâtiment du Québec (RBQ) comme les entrepreneurs en construction », explique Jonathan Vachon.

Plus tôt cette année, la RBQ a soumis un projet de règlement qui obligerait les acheteurs de bâtiments d’habitation de 25 ans et plus à faire une inspection préachat. « Le gouvernement vise 2027, mais d’ici là, l’inspection par un professionnel accrédité demeure souhaitable afin de pallier des situations fâcheuses. »

RÉCLAMATIONS POUR PETITS MONTANTS

Me Sophie Vézina du bureau Bernier Beaudry à Thetford Mines a pour sa part observé une importante augmentation des réclamations pour de petits montants. L’avocate qui est notamment spécialisée en droit immobilier et en vices cachés croit que cela est en lien direct avec les prix des maisons qui ont explosé. 

« Au cours des 13 dernières années, quand je rencontrais des gens, je leur disais normalement qu’en bas de 5000 $, il était préférable de payer les réparations plutôt que de dépenser 1500 $, 2000 $ ou même 3000 $ en procédures judiciaires. Premièrement, quand tu achètes une maison, tu es censé avoir un fonds de réserve pour pallier toutes sortes de choses qui pourraient arriver. Je vois de plus en plus de gens qui viennent me consulter, ils sont en défense et ils essaient de se représenter seuls parce qu’ils n’ont pas d’argent pour faire face aux imprévus. » 

Il y a actuellement chez les acheteurs une très grande méconnaissance de comment fonctionne une maison et de la durée de vie des choses, soutient-elle. « Ils paient trop cher, ils s’accotent et ils ne sont plus capables de payer les réparations nécessaires par la suite. Ils réclament donc pour de petits montants ou consultent un avocat. Auparavant, on ne voyait pas des gens faire une réclamation pour une toiture de 25 ans qui coule ou pour un drain agricole. Ils s’arrangeaient avec ça. »

Me Vézina croit que la situation qu’elle observe en ce qui a trait aux réclamations de petits montants devrait se résorber lorsque le marché immobilier se sera stabilisé.