La tragédie de Lac-Mégantic vue par des communicatrices

Quatre femmes de différentes organisations, ayant vécu de près la tragédie de Lac-Mégantic, ont participé à un panel traitant de la gestion des communications en situation d’urgence à l’occasion du 36e colloque annuel de l’Association des communicateurs municipaux du Québec tenu au Centre des congrès de Victoriaville.

Quelque 130 personnes provenant de près d’une centaine de municipalités du Québec ont participé au colloque.

Karine Dubé de Lac-Mégantic, Myrian Marotte de la Croix-Rouge, Nancy Hébert de Services Québec et Nancy Corriveau de Sherbrooke ont participé à ce panel.

Le rôle, la mission des organismes dès les premières heures de la catastrophe, les communications en situation de mesures d’urgence, le fonctionnement de la cellule de crise, la façon de convenir des meilleurs moments des points de presse, la manière de gérer les rumeurs ou les journalistes trop aventureux, autant de sujets abordés par les panellistes et amenés par l’animateur ou par des questions des participants.

Peu de temps après le drame du 6 juillet, les organisations ont dû rapidement se mettre en place.

La Ville de Lac-Mégantic avait tout perdu. « La seule chose que nous avions, c’était un cellulaire, a indiqué Karine Dubé. Services Québec nous a pris en charge au chapitre des communications avec son site Internet et les médias sociaux. »

Services Québec a reçu l’appel d’urgence vers 3 h. «Nous sommes arrivés à Lac-Mégantic vers 7 h 30. Notre rôle consiste à coordonner les communications gouvernementales, a précisé Nancy Hébert. Notre discours doit être cohérent dans l’espace public. Rapidement, il faut prendre la parole, rassurer les gens pour qu’ils sachent qu’on prend en charge l’événement. Un premier point de presse a été tenu vers 8 h.»

« C’était important, a renchéri Karine Dubé, car la population, à ce moment, a pu savoir ce qui se passait. »

La Croix-Rouge, pour sa part, a aussi été rapidement déployée. « Dès 4h 30 ou 5 h, certains bénévoles ont pu mettre en place une certaine structure à la polyvalente et donner un minimum d’informations pour rassurer les gens », a confié Myrian Marotte tout en faisant valoir l’importance des ententes préalables conclues avec les partenaires, dont les municipalités. « Il faut suivre le plan prévu. Ces ententes définissent notamment le rôle de chacun », a-t-elle souligné.

La Ville de Québec et son personnel en communication ont beaucoup aidé Lac-Mégantic, selon Karine Dubé. « On a beaucoup appris de Québec au niveau des relations de presse et de la gestion de l’agenda de la mairesse. Auparavant, Mme Roy-Laroche écrivait ses propres discours. Depuis le 6 juillet, tout a changé », a-t-elle dit.

Comment garder le contrôle?

Malgré certains écarts et certaines bourdes, les intervenantes qualifient de bonnes les relations avec les nombreux médias accourus sur les lieux de la tragédie.

« L’instauration d’une cadence, avec la tenue de deux points de presse par jour, a facilité notre travail et celui des journalistes. Les médias ont été très respectueux à Lac-Mégantic », a noté Nancy Hébert.

Certes, le drame générait une charge émotive intense et touchait une diversité de clientèles. « Cela représentait un grand défi avec différents messages à envoyer à ces clientèles, une perte d’une personne pour certains, de maison et d’emploi pour d’autres », a fait remarquer Myrian Marotte, précisant qu’il fallait trouver une sorte d’équilibre entre les priorités de l’organisation et l’information à transmettre et ce que les médias et la population voulaient entendre.

Karine Dubé, résidente de Lac-Mégantic, a aussi observé que les nombreux policiers (environ 250), ont contribué à l’information. «Ils étaient partout dans les quartiers et agissaient comme agents multiplicateurs pour informer les citoyens notamment sur l’aide disponible», a-t-elle dit.

Les élus aussi ont travaillé dans le même sens. «C’était très aidant», a mentionné Nancy Corriveau.

« Dès le départ, on a établi la mairesse comme porte-parole officielle au niveau médiatique. Les conseillers ont adhéré au principe et chacun a joué son rôle durant la crise », a expliqué Karine Dubé.

La gestion des rumeurs

À l’heure des médias sociaux, les rumeurs se propagent rapidement et commandent une intervention des autorités.

« Cela constitue un grand défi, la gestion des rumeurs, a signalé la représentante de la Croix-Rouge. Il faut être vigilant et réagir rapidement en présence d’une rumeur, tenter d’aller au-devant des questions et être le plus transparent possible avec les médias. »

Ces rumeurs, toutefois, ont leur côté positif. « On a beaucoup appris avec les rumeurs, a fait valoir la Méganticoise. Cela nous a permis de peaufiner notre message, d’avoir un message plus clair, plus transparent. On s’en sert pour essayer de livrer une information plus juste. »

L’importance de la relève

Les quatre panellistes ont fait valoir l’importance d’une relève dans le domaine des communications.

« Je n’avais pas de relève, a confié Karine Dubé. Après deux ou trois semaines de 17 heures de travail par jour, on ne voit plus clair. C’est vraiment important. Ce qui est arrivé à Lac-Mégantic, jamais on n’aurait pu l’imaginer. Il faut donc toujours réfléchir et prévoir l’impensable, car ça peut arriver. »

Même son de cloche chez Myrian Marotte. « Avec ce genre de crise intense, on voit bien l’importance de la relève. On reçoit plus de demandes d’entrevue qu’on peut répondre. Et il y a toute la communication interne, exigeante, elle aussi. »

La rencontre d’une heure et demie a pris fin sous les applaudissements lorsqu’une participante, dans un commentaire, a salué le travail accompli à Lac-Mégantic. « Je vous félicite. Vous avez bien géré la situation et vous continuez de le faire », a commenté la dame de Boucherville.