Nouvelle usine pilote : transformer le plastique en carburant

Une usine de transformation de plastique non recyclable en diesel devrait bientôt amorcer ses activités dans l’ancien garage de camions situé sur le site de la mine Beaver le long de la rue Mooney Ouest à Thetford Mines. En ces temps où la disposition des déchets de plastique est devenue un enjeu important, cette entreprise propose une solution.

Le projet de Soléco Énergie utilisera la technologie de la pyrolyse lente pour arriver à transformer le plastique en diesel. Il s’agit d’un investissement de 3 millions $ pour l’achat et l’installation de l’équipement. Une dizaine d’emplois à temps plein seront ainsi créés. Pour l’instant, l’entreprise attend les dernières confirmations du ministère de l’Environnement afin de pouvoir procéder.

Ayant déjà piloté plusieurs projets d’efficacité énergétique dans la région, Christian Perron est l’une des personnes derrière cette usine. «J’ai été président de Réseau environnement pendant quatre ans. Cela m’a amené à participer à différents comités d’experts du gouvernement du Québec au sujet des gaz à effet de serre et de la valorisation énergétique des matières résiduelles. J’ai développé un réseau, une expertise et une compréhension du système et des besoins dans ce domaine», a expliqué le directeur général de Soléco Énergie.

Trouver des solutions à l’enfouissement des matières résiduelles synthétiques était l’un de ces besoins. «Mes collègues et moi avons fouillé partout dans le monde afin de trouver une technologie. La pyrolyse lente existe depuis longtemps et elle est présente déjà dans plus d’une centaine d’installations dans le monde. Nous avons une technologie qui est abordable et éprouvée», a soutenu M. Perron.

L’objectif de l’installation sur le site de la mine Beaver est avant tout de devenir une usine pilote que de potentiels clients viendront visiter. La formation se fera aussi à Thetford Mines.

Photo Courrier Frontenac – Claudia Fortier

3000 tonnes de plastique par année

Le plastique arrivera sous forme de ballots, dans des camions-remorques, et proviendra de centres de tri. D’ailleurs, le projet qui devait avoir lieu dans la région de Sherbrooke s’est plutôt transporté vers Thetford Mines après la fermeture du centre de tri qui devait fournir l’usine. En majorité, il s’agira de sacs de plastique non recyclables, même si la technologie peut transformer plusieurs formes de matières synthétiques. La styromousse pourra notamment être utilisée.

Les responsables prévoient l’arrivée de trois camions de ballots par semaine et la transformation de 3000 tonnes par année. «Une tonne de plastique à l’enfouissement coûte 100 $ aux contribuables. Notre procédé permet de sauver 3,4 tonnes de gaz à effet de serre (GES) par tonne de plastique, alors que le combustible qui sera créé va émettre 2,7 tonnes de GES par tonne de plastique, donc notre procédé est carbo négatif», a raconté Christian Perron.

Rencontre publique

Une rencontre avec les citoyens du quartier Mitchell a eu lieu en septembre afin de présenter le projet. Plusieurs curieux se sont pointés. Quelques-uns d’entre eux sont toutefois demeurés sceptiques vis-à-vis le potentiel écologique et la faible projection d’émissions.

«Nous nous attendions à ce type de réaction. Nous avons toutefois trouvé une manière de réduire davantage les émissions. La norme au Québec est de 60 mg par méga Joule. C’est la plus sévère en Amérique du Nord. Nous sommes à 0,5 mg par mégajoule. Ça ne représentera pas beaucoup d’émissions», a affirmé M. Perron.

Notons que la Ville de Thetford Mines a également passé plusieurs résolutions afin d’encadrer le projet. Il leur sera notamment interdit d’entreposer le plastique à l’extérieur.

Photo Courrier Frontenac – Claudia Fortier

Une solution aux sacs de plastique

Récupération Frontenac sera l’un des centres de tri qui fournira l’usine pilote en ballots. «M. Perron m’a approché que nous l’approvisionnons en matière première. Pour ce type de produit, il n’y a plus vraiment de chemin d’accès, il n’y a plus de preneurs dans le monde. Nous en accumulons beaucoup depuis un an», a commenté le directeur général de Récupération Frontenac, André Junior St-Cyr.

Les ballots de sacs de plastique étaient auparavant envoyés du côté de la Chine où on les transformait aussi en carburant ou en granules. Toutefois, cela représentait des coûts importants.

Pour M. St-Cyr, voir arriver une usine avec un projet pilote, intéressée à recueillir cette matière première, est motivant pour le centre de tri. «Cela existe un peu partout dans le monde, alors pourquoi ne pas en avoir une à Thetford Mines? Côté environnemental, les preuves ont déjà été faites, si c’était dangereux on ne le ferait pas. Je pense que M. Perron et son équipe ont fait le travail qu’ils avaient à faire», a-t-il conclu.

Le procédé

Les ballots de plastique sont introduits dans un cylindre d’une capacité de 10 tonnes par jour. Après le chargement, le réacteur est hermétiquement fermé pour en faire un procédé anaérobique (sans oxygène) tout comme un four autonettoyant de maison. Par la suite, sous le réacteur, des brûleurs alimentés par le carburant (environ 155 000 litres par année) sont allumés pour chauffer la coque. Aucun contact ne se fait entre le plastique et la flamme. Lorsque la température intérieure atteint 500 degrés Celsius, le plastique, à 60 %, se transforme en une vapeur huileuse qui passe à travers des conduits qui la refroidissent. Il devient ensuite un écodiesel qui est gardé dans un réservoir double paroi de 50 000 litres avant d’être livré une fois par semaine. Il reste 30 % du plastique qui devient un écocharbon, lequel sera conservé dans des sacs de 1000 kg qui seront aussi livrés une fois par semaine afin de servir de colorant dans le plastique et le caoutchouc.