La réutilisation des résidus miniers menacée par la santé publique

Le directeur de santé publique de Chaudière-Appalaches, le Dr Philippe Lessard, demande à la Société Asbestos de ne plus rendre ses terrains accessibles aux entrepreneurs et à la population afin de cesser toute activité de réutilisation de résidus miniers non soumise à un contrôle et/ou à une évaluation gouvernementale.

Dans une communication datée du 21 décembre 2017, le Dr Lessard va même jusqu’à menacer l’entreprise d’utiliser divers moyens légaux qui sont à sa disposition pour assurer la protection de la santé de la population et des travailleurs de son territoire.

Il est intervenu après avoir appris que la Société Asbestos permet à des entrepreneurs de s’approvisionner en résidus pour des travaux à l’extérieur de propriétés minières. «La réutilisation de résidus miniers provenant d’anciens sites d’exploitation d’amiante nous préoccupe en tant que responsables de santé publique, considérant qu’une telle activité pourrait remettre en suspension des fibres d’amiante dans l’air et exposer inutilement la population à un contaminant cancérigène», peut-on lire.

Selon le Dr Lessard, bien que ces résidus miniers constituent un matériel de proximité et économique, leur réutilisation faite de manière non contrôlée ne peut être cautionnée d’un point de vue de la santé publique et ne représente aucunement une gestion responsable du risque.

Celui-ci explique que les résidus miniers de la région de Thetford peuvent contenir des concentrations élevées de fibres d’amiante et que tous les types, y compris le chrysotile, sont classés dans le groupe 1, soit cancérigène pour l’homme, par le Centre international de recherche sur le cancer.

Il ajoute que l’Organisation mondiale de la santé a statué qu’il n’y a pas de preuve de seuil sécuritaire d’exposition pour les effets cancérigènes de l’amiante. À son avis, un accroissement du risque de cancer a été observé dans des populations exposées, et ce, même à faibles concentrations, d’où l’importance de limiter au plus bas niveau possible l’exposition de la population et des travailleurs.

La Société Asbestos réagit

Interrogé par le Courrier Frontenac, le président de la Société Asbestos, John LeBouthillier, estime qu’il n’y a aucune nuance dans les propos du directeur de santé publique. «Il dit qu’il y a un risque. Bien oui. Si vous allez sur la route demain matin, vous prenez un risque. Dans l’industrie manufacturière, il y a des risques à la santé et à la sécurité des employés. Le risque zéro n’existe pas.»

Aux dires de M. LeBouthillier, il y a de l’exagération sur toute la ligne. «Si nous poussons à la limite, il faudrait fermer la ville de Thetford Mines et la déménager. Elle a été construite sur ces résidus miniers. Vous en retrouvez partout. Pour le développement économique de la région, une prise de position comme celle-là n’a aucun sens.»

Au moment d’écrire ces lignes, la Société Asbestos n’avait pas pris position à savoir si elle répondra positivement aux demandes du Dr Philippe Lessard. «Nous sommes dans la saison morte. Le problème ne se pose pas actuellement, mais plus dans quelques mois. Nous prendrons une décision à ce moment», a déclaré John LeBoutillier.

Des impacts pour KSM ?

À la mi-décembre, la société KSM de Thetford Mines annonçait avoir conclu un partenariat avec Mazarin et sa filiale Société Asbestos afin de pouvoir y extraire certains métaux pour la fabrication de fertilisants à haute valeur ajoutée. Un projet-pilote est en cours et l’entreprise prévoit à terme la construction d’une usine qui se chiffrerait autour de 30 millions $, selon les données préliminaires, ainsi que la création de plusieurs emplois.

«Nous avons un beau projet de revitalisation et nous espérons qu’il sera possible de le réaliser. Dans tous les scénarios que nous regardons, il s’agit d’un traitement sur le site même. Alors, quand on parle de remettre en suspension des fibres d’amiante ou de se promener avec des résidus, ça ne s’applique pas dans ce que nous développons», a précisé son président, David Lemieux.

La société thetfordoise suit de près la règlementation fédérale. Rappelons que l’utilisation, la production, ainsi que l’exportation et l’importation d’amiante seront interdites au Canada d’ici la fin de la présente année. Le milieu demande à ce que la valorisation des résidus miniers ne soit pas incluse dans les modifications qui seront apportées.

«Il a aussi menacé nos clients. Il leur a écrit pour leur dire de ne pas acheter de résidus de la Société Asbestos. C’est une guérilla qui n’a aucun sens.» – John LeBoutillier

Des arguments dépourvus de sens pratique

Dans une lettre adressée au directeur de santé publique, le 5 février dernier, le président du Mouvement ProChrysotile québécois, Serge Boislard, mentionne que les arguments donnés pour interdire toute manipulation de résidus miniers sont à la limite du raisonnable et dépourvus de sens pratique.

Il invite notamment le Dr Lessard à un niveau de pensée et d’interventions plus objectif et moins menaçant. «La science véritable serait un guide beaucoup plus sain et réaliste que de se laisser influencer par une perception et une propagande abusive et malsaine. Accepter sans prudence d’être ou de devenir l’instrument des lobbies anti-amiante n’est pas synonyme d’objectivité allant dans le sens que nous indique la science», a-t-il écrit.

La réponse du président du Mouvement ProChrysotile québécois était accompagnée d’une longue liste d’arguments contraires à ceux du Dr Lessard et de mises au point. «Notre milieu est fier et intelligent. Il est en droit de s’attendre à plus de rigueur et de bon sens», a conclu M. Boislard.

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