Un modèle de réussite entrepreneuriale

Un grand entrepreneur de la région de Thetford, M. Renaud Fournier, est décédé le 6 mai dernier à l’âge de 88 ans. L’homme d’affaires est considéré comme étant un modèle de réussite. Son parcours professionnel a de quoi inspirer les gens.

Diplômé en ferblanterie de l’École des arts et métiers de Thetford Mines, Renaud Fournier a profité de ses quatre premiers emplois pour acquérir de l’expérience et développer son expertise dans le domaine de la fabrication et de l’installation des produits métalliques.

En 1954, à l’emploi de la Canadian Comstock, il a participé à la construction du moulin de la mine Normandie à Vimy Ridge, puis il a travaillé à la centrale nucléaire de Chalk River en Ontario et à la construction de la ligne de radars DEW en terre de Baffin. De retour à Black Lake, il se retrouve à l’emploi de la Hartco Steel qui compte alors 75 employés. À 25 ans, il en devient le directeur général.

Le printemps 1959 marque un virage dans sa carrière puisqu’il se lance en affaires dans le secteur de la ferblanterie avec Roger Fournier à titre d’associé. L’entreprise s’installe dans le sous-sol de sa résidence et y demeure un an. Fournier Steel Works Ltd emménage dans un bâtiment de 40 x 45 pieds sur son site actuel qui, au fil des ans, connaîtra plusieurs phases d’agrandissement. L’entreprise élargit par la suite son créneau d’activités avec la ferblanterie, la chaudronnerie, l’usinage et l’hydraulique.

En 1961, Renaud Fournier rachète les parts de son associé. En 1970, la raison sociale devient Les Industries Fournier inc. Pendant les cinq années suivantes, elle fabrique, entretient et installe des équipements miniers destinés particulièrement aux producteurs d’amiante.

Quelques années plus tard, soit en 1975, elle opère un virage majeur en s’orientant vers la conception, la fabrication et l’installation d’une grande variété d’équipements de pointe destinés au secteur industriel, aux fonderies, aux alumineries, aux usines de pâtes et papiers, aux élévateurs à grains, aux mines, à l’environnement et à la réfection de centrales hydroélectriques, pour ne faire mention que de ces secteurs.

Le pourcentage de son chiffre d’affaires, provenant du secteur de l’amiante, chute à moins d’un pour cent. C’est aussi à cette époque que M. Fournier fait l’acquisition de la compagnie Richmond Fournier (1976) inc. qui se spécialise dans la préparation de barres anodiques et cathodiques pour les alumineries.

En 1987, l’entreprise s’intéresse particulièrement à un équipement inventé par le Centre de recherche industrielle du Québec, soit le pressoir rotatif qui sert à la déshydratation des boues municipales et industrielles. Cet équipement est rapidement devenu l’icône et la fierté de la compagnie. Il lui permettra de rayonner sur la scène internationale.

Pendant toutes ces années, l’entreprise a su assurer sa pérennité. Visionnaire et travailleur acharné, son fondateur a toujours fait preuve d’audace pour réaliser ses ambitions d’entrepreneur. Réinvestissant constamment les profits générés pour agrandir les installations et acquérir de nouveaux équipements, il a graduellement réussi à se tailler une place de choix dans la cour des manufacturiers de l’industrie.

Six décennies plus tard, Groupe Industries Fournier et ses filiales comptent plus de 400 employés. M. Fournier a choisi de prendre une retraite bien méritée en septembre 2013.

 

NDLR : Les informations concernant le parcours professionnel de M. Fournier ont été extraites du livre « Le Goût d’entreprendre région de Thetford / histoires de 30 entrepreneurs à succès », lancé en 2017 et écrit par Nelson Fecteau.

HONNÊTETÉ ET INTÉGRITÉ

En entretien avec le Courrier Frontenac, Mme Janine Pomerleau s’est dite fière du parcours de son époux des 65 dernières années. « Il a été un homme honnête qui a fait son chemin tout en étant intègre. Il était aimé de ses employés. C’était sa deuxième famille et bien souvent sa première. Il a su s’entourer de bonnes personnes et surtout les garder. »

Elle se souvient que les débuts n’ont pas été facile. « Quand il a commencé, il avait besoin d’emprunter de l’argent pour construire sa première petite usine et aucune banque ne voulait en accorder. Finalement, c’est un particulier qui a accepté de lui prêter 10 000 $ à 10 % d’intérêt. On parle d’il y a 60 ans. »

La grève des travailleurs de la compagnie au début des années 1980 a été un passage très marquant pour la famille Fournier. « Elle a duré 54 semaines. Le syndicat voulait faire de nous un modèle dans la région. À ce moment, il était mieux de fermer l’usine que d’accepter les demandes sur la table. Les employés étaient déjà payés plus cher que chez nos compétiteurs », a raconté Mme Pomerleau.

Sa fille Josée se souvient de ce conflit. « Les syndiqués venaient manifester devant notre maison et lançaient des œufs dans les fenêtres. Il fallait avoir les reins solides. Mon père y a d’ailleurs laissé une partie de sa santé. »

La décision de mettre la clé dans la porte a été prise à la 52e semaine. « La mairesse de Black Lake de l’époque a réuni les travailleurs et leur a fait comprendre qu’ils avaient de bonnes conditions et qu’ils perdraient leur emploi. Finalement, cela s’est réglé », a dit Mme Pomerleau.

L’achat de la compagnie par Capital régional et coopératif Desjardins en octobre 2013, en partenariat avec des membres de l’équipe de direction, a suscité beaucoup d’émotions. « Plusieurs acheteurs de l’extérieur avaient manifesté leur intérêt, mais pour mon père il était important que ce soit des gens de la place et que les employés soient assurés de conserver leur travail. Quand Desjardins s’est pointé, il ne pouvait pas laisser passer cette occasion », a expliqué sa fille.

La passation des pouvoirs a toutefois été difficile. « Le matin où Desjardins a pris possession de l’entreprise, une fête était organisée et mon mari n’a pas été capable d’y assister puisqu’il a eu des serrements d’estomac durant la nuit. C’était trop pour lui. Il laissait aller son bébé », a confié Mme Pomerleau.

La famille Fournier souhaiterait que les gens se souviennent de lui comme étant une personne simple et généreuse, qui a beaucoup fait pour la région, sans chercher à obtenir les honneurs, et qu’il n’a jamais craint de prendre des risques.

Renaud Fournier laisse notamment dans le deuil son épouse Janine Pomerleau, ses enfants Pierre, feu Marc, Daniel, Brigitte et Josée, ainsi que ses petits enfants. Les funérailles auront lieu le samedi 21 mai à l’église Saint-Alphonse.  

HOMMAGE

Le président et chef de la direction du Groupe Fournier, Harold Roy, a déclaré avoir appris le décès du fondateur de l’entreprise avec tristesse. « Les mots me manquent pour exprimer toute l’estime que j’ai pour lui, tant pour l’homme que pour la personne d’affaires. J’ai eu la chance de le rencontrer en décembre 1998 afin de débuter ma collaboration avec lui et avec l’équipe de relève en mars 1999. Certes, M. Fournier était un leader, mais surtout, un dirigeant profondément humain et attachant. Encore aujourd’hui, il reste une source d’inspiration. »

Pour sa part, le maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau, a indiqué que le départ de Renaud Fournier est une lourde perte pour la région. « Il n’était pas connu de tout le monde parce qu’il n’était pas quelqu’un qui cherchait les projecteurs. M. Fournier a commencé à partir de rien et il a réussi à bâtir une très belle entreprise. Il était très attaché au secteur de Black Lake. Il a fait beaucoup pour notre région. Il est beau modèle d’entrepreneur et un ambassadeur dont nous devons nous souvenir. »

La Ville de Thetford Mines lui a d’ailleurs rendu hommage en 2018 en lui désignant l’appellation de l’aréna du secteur Black Lake.

« C’est assez remarquable tout ce qu’il a accompli, a pour sa part affirmé le directeur général de la Société de développement économique de la région de Thetford, Luc Rémillard. Il est parti de son sous-sol et aujourd’hui l’entreprise se classe au niveau mondial et compte des centaines d’employés. Il est un modèle de réussite et de persévérance. »

Il a également tenu à souligner la générosité de la famille. « M. Fournier a beaucoup investi dans le secteur Black Lake, où son entreprise a pris toute sa croissance. Il a aussi contribué à la fondation de l’hôpital et dans bien d’autres activités. Je pense que c’est un bel héritage qu’il laisse à ses enfants qui continuent eux aussi de s’impliquer de différentes façons. »