Des factures «gonflées par la peur» estiment certains

Pour un contrat d’excavation d’un million $ effectué dans la région de Thetford, des entrepreneurs affirment qu’environ le cinquième de la facture, soit 200 000 $ en moyenne, va directement à l’achat d’équipements et à la perte de temps encourus afin de respecter les normes de santé et de sécurité liées à l’amiante.

Masques respiratoires, chiennes de travail, gants de protection, douches après le travail, pertes de temps et de productivité… plusieurs contraintes qui font grimper la facture d’un chantier dans la région.

Après consultations auprès de quelques entrepreneurs, ceux-ci évaluent que 5 à 45 % de la valeur des contrats sont réservés aux procédures établies par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). «Tout dépend de la grosseur du contrat, dit l’un d’eux. Plus le contrat est gros, plus le pourcentage diminue, mais ça reste un gros montant quand même.»

Le cas de la 112

L’un des meilleurs exemples illustrant cette escalade des prix est celui de la route 112. «Sur notre zone de chantier, les gens devaient travailler avec des masques, mais ceux qui travaillent sur la mine et dans les garages n’ont pas besoin de les porter. Le client est le ministère, alors nous n’avons pas le choix de respecter ça. On voit bien que c’est pour se protéger contre toutes sortes de plaintes que la CSST pourrait avoir. Par contre, il y a eu plusieurs analyses d’air effectuées pendant le chantier et il n’y en avait pas d’amiante», affirme un autre entrepreneur qui, comme tous les autres, requiert l’anonymat.

«Tous les équipements que les gars ont dû porter, c’est dispendieux. Il y a la perte de productivité étant donné qu’on a à travailler avec ces équipements et aussi la perte d’une heure par employé à chaque quart de travail parce qu’ils doivent se nettoyer. On trouve ça aberrant et c’est un prix élevé pour le faible risque», fait valoir un autre.

Les instances locales tentent depuis plusieurs mois de faire abaisser, voir même de faire disparaître les normes régissant les travaux en présence d’amiante qui causent préjudice à la région et freinent l’essor de son économie de l’avis de plusieurs. Certains se demandent si la phobie de l’amiante ne va pas trop loin étant donné que la région n’en fait plus la production depuis quelques années.

Selon le préfet de la MRC des Appalaches, Paul Vachon, la facture gonflée de la route 112 a sûrement un lien avec ces normes. «Il serait intéressant de connaître la proportion du 110 millions $ consacré à la nouvelle route en raison du contexte de l’amiante. Il y a certainement une partie de l’excédent qu’on n’aurait peut-être pas atteint s’il n’y avait pas eu l’interprétation que l’on fait du niveau de dangerosité», estime-t-il. D’après lui, certaines personnes au ministère exagèrent quand il est question de la présence de l’amiante dans la région. Il qualifie d’ailleurs cette situation de «peur d’avoir peur».

Silence au ministère des Transports

Le COURRIER FRONTENAC a tenté à maintes reprises de se faire confirmer des chiffres par le ministère des Transports du Québec quant au coût des travaux liés aux normes en présence d’amiante pour la route 112. Une demande d’accès à l’information a d’ailleurs été faite en octobre dernier, mais une réponse négative nous est parvenue trois semaines plus tard.

«Concernant la partie du budget octroyée pour la santé et la sécurité des travailleurs, les contrats accordés sont toujours en cours. Par conséquent, le montant de ce budget ne pourra être déterminé avant que l’ensemble des contrats ne soit terminé», peut-on lire dans la réponse du Service de l’éthique, de l’accès à l’information et des plaintes du ministère des Transports.

Nous tenterons donc d’avoir des réponses à cet effet à la fin des travaux de la route 112.

Première cause de décès au travail

Rappelons que la CSST considère l’amiante comme la première cause de mortalité chez les travailleurs au Québec, et ce, depuis plusieurs années. En effet, selon des chiffres de 2013, 105 décès sont liés à l’amiantose ou à une lésion dont l’agent causal est l’amiante. Cela représente 86,8 % de tous les décès liés au travail cette année-là.

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Le coût total pourrait atteindre 110 millions $