Famille d’accueil : faire une différence dans la vie des jeunes

Rachelle Lajeunesse et Serge Tétreault de Sainte-Praxède ont pu transformer la destinée de plusieurs enfants et adolescents en tant que famille d’accueil au cours des 14 dernières années. Ils font partie de ces personnes qui ont décidé de faire une différence dans la vie de jeunes n’ayant pas eu la chance au départ d’avoir des conditions favorisant leur développement en tant que citoyens. 

C’est en 2008 que l’idée de déposer sa candidature a germé dans la tête de Mme Lajeunesse. « Mon bébé était à l’adolescence et j’étais à la maison. Ça ne me tentait pas de retourner travailler comme secrétaire. Je me suis demandé ce qu’était ma force. Pour moi, il s’agit de travailler avec des enfants. Je m’entends bien avec eux. J’ai commencé à faire les démarches, mais à l’époque, il y avait un moratoire d’un an sur les placements. J’ai envoyé une lettre à Michel Faucher (l’intervenant de l’époque) pour lui faire part de mon désir de devenir famille d’accueil. »

Le couple est passé au travers du processus : entrevues, soirées d’information, tests de sélection et évaluations. Leur candidature a été acceptée et un premier jeune a fait son entrée dans leur demeure. « Il y en a ensuite eu deux et puis quatre. Au départ, il ne s’agissait que de placements durant entre trois et six mois. Très vite, j’ai dit que ce n’était pas ce que je souhaitais, je voulais du long terme. Je désirais m’investir davantage et avoir l’occasion d’apporter quelque chose aux jeunes. Avec des placements temporaires, tu ne peux pas avoir autant d’impact et commencer à travailler les problématiques. De fil en aiguille, j’ai commencé à avoir des placements long terme », raconte Rachelle Lajeunesse qui accueille actuellement avec son conjoint neuf jeunes âgés de 9 à 16 ans. 

C’est d’ailleurs le nombre maximal permis, explique Daniel Lacroix, coordonnateur professionnel aux ressources de type familial au Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS) de Chaudière-Appalaches. « Il n’y en a pas beaucoup de familles accueillant autant de jeunes. Dans la région, il y en a trois. Ça prend des capacités et des aptitudes. Je compare souvent Rachelle à un chêne. Nos enfants ont besoin d’adultes forts qui ne branlent pas au vent et ce type de personne est difficile à trouver. Je ne dis pas que les autres familles que nous avons ne sont pas solides, mais elle a cette qualité d’être à la fois inébranlable et bienveillante envers les jeunes. »

Cette bienveillance est très visible lorsqu’elle parle de « ses » jeunes, autant de ceux qui ont quitté son foyer à leur majorité ou ceux qui y sont encore. « Ils ont différents manques, mais en général ce sont des problématiques affectives. Ça part beaucoup de là. Ce sont des enfants laissés à eux-mêmes dont les parents n’ont ni l’autorité ni l’encadrement nécessaire. Ça fait des personnes qui veulent tout décider. Ils ne savent pas ce que sont des consignes ni pourquoi elles existent. Je leur explique que ces règles font en sorte que plus tard, ils comprendront les lois et pourquoi il faut les respecter. »

« Au départ ce n’est pas facile pour les jeunes de s’y faire, ajoute Serge Tétreault. Ils arrivent ici, ils ont leurs habitudes de vie et les consignes n’en faisaient pas partie. Rachelle a le don d’aller chercher l’émotion chez l’enfant. Ça peut parfois prendre quelques jours ou même des mois, mais quand la connexion est établie, ils entrent dans le moule. » 

Pour eux, il est important de créer un lien de confiance tout en les amenant à accepter les forces et faiblesses de leurs parents. « Il ne faut jamais les dénigrer, souligne Mme Lajeunesse. Il faut plutôt leur faire comprendre que maman et papa n’ont pas les outils pour répondre à leurs besoins et c’est pourquoi ils doivent venir les chercher ailleurs. Je dis toujours aux parents qu’une famille d’accueil vient combler ce qu’ils ne sont pas capables de donner à leurs enfants. Il y en a qui ont de la difficulté avec ça, mais quand ils le comprennent, ça va bien. Tout le monde peut travailler dans le même sens et ça met le jeune en confiance de voir que ses parents sont consultés. »

TRANSFORMER DES VIES

Malgré les difficultés qui peuvent parfois arriver, Rachelle Lajeunesse et Serge Tétreault ne changeraient rien à leur choix. Ils préfèrent d’ailleurs ne se rappeler que du positif apporté par leur encadrement. « C’est très valorisant de voir ce que l’on transmet à l’enfant et d’observer son évolution comme être humain. C’est un peu quétaine ce que je vais dire, mais d’une certaine façon, cela nous permet de sauver des vies. Nous leur offrons une bonne deuxième chance, l’occasion de transformer leur parcours pour trouver l’équilibre », indique Mme Lajeunesse.

C’est d’ailleurs ce que des jeunes ayant demeuré chez eux par le passé leur ont partagé au cours des dernières années. « Il y en a un que j’ai rencontré cet été par hasard. Il est venu me voir pour me serrer dans ses bras. Il n’était pas resté longtemps chez nous, mais il m’a dit à quel point ça l’avait marqué et aidé dans sa vie aujourd’hui. J’ai aussi reçu un appel à la fête des Mères de l’un d’eux. Récemment, il y a un jeune qui demeure encore à la maison qui m’a dit que la plus grande force qu’il a apprise chez nous, c’est le positif, que c’était exponentiel et qu’il avait le goût de le transmettre. C’est plaisant d’être témoins de ça », soutient Mme Lajeunesse.

Lors d’une rencontre d’information sur les familles d’accueil, cette dernière a également eu l’occasion de discuter avec un autre jeune ayant passé par leur foyer. Il était là pour témoigner de son expérience. « Quand il est entré chez nous, il arrivait d’une autre région et il avait fait onze endroits différents. Ils ne savaient plus quoi faire avec lui. Il était au centre jeunesse et il fallait qu’ils le sortent sinon il risquait d’y rester jusqu’à ses 18 ans. Ils m’ont contacté et j’ai accepté de le prendre. Dès la première journée, quand il a vu l’encadrement, il a dit qu’il ne resterait pas ici! Finalement, il est resté et ça s’est bien passé. Lors de la soirée de recrutement, il a dit que s’il ne m’avait pas eu dans sa vie, il ne serait pas ici. C’était touchant. Il faisait sa loi partout, mais chez nous il a frappé son mur et il a pu trouver sa place. »

Pour Serge Tétreault, être famille d’accueil est évidemment exigeant, mais tellement enrichissant à la fois. « On s’attache rapidement aux jeunes, à leur personnalité et à leur sensibilité. C’est aussi extraordinaire de voir qu’on peut faire la différence dans leur vie. »

NE PAS DÉRACINER LES JEUNES

L’importance des familles d’accueil en région est indéniable selon Daniel Lacroix. « Nous essayons de garder les enfants près de leur lieu d’origine pour ne pas les déraciner et éviter les impacts négatifs qui viennent avec la perte des amis et des repères. Il y a des coûts financiers et humains à les délocaliser. Puis, plus ils sont jeunes, plus nous essayons la réunification avec les parents. S’ils se retrouvent loin, ça devient difficile. »

La priorité demeure toutefois qu’ils soient dans la bonne situation pour eux. « C’est certain que si une famille dans la même région n’a pas les aptitudes ou les compétences pour les accueillir, ni le bon groupe d’âge, nous allons en privilégier une autre qui se trouve plus loin, mais qui sera en meilleure position pour répondre aux besoins de chacun. »

L’aspect financier n’est pas souvent abordé publiquement, observe Daniel Lacroix. Il croit néanmoins que cela ne doit pas être tabou puisque bien qu’être famille d’accueil soit une vocation, il s’agit également d’un travail. « La base par jeune est de 2300 $ par mois. Cela paie le salaire, le gite, le couvert et les services prodigués. Selon les problématiques, ce montant peut être bonifié. Les soins de santé sont couverts et il y a des allocations pour les frais scolaires, vêtements et autres besoins. L’idée est qu’il n’y ait pas d’argent qui sorte de la poche des familles pour les besoins des jeunes. Les gens peuvent faire le choix de rester à la maison. Il y a un fonds de pension et les familles sont couvertes par la CNESST. »

DEVENIR FAMILLE D’ACCUEIL 

Le CISSS de Chaudière-Appalaches est présentement en période de recrutement pour combler des manques dans la région de Thetford. Il en compte un total de 295, dont 35 dans la MRC des Appalaches. Idéalement, il aimerait en recruter 70 autres sur l’ensemble du territoire. Ce sont 512 jeunes qui se retrouvent en familles d’accueil actuellement en Chaudière-Appalaches.  

Les gens intéressés peuvent d’abord obtenir des informations via le site Web du CISSS au www.cisssca.com/soins-et-services/famille-enfance-jeunesse/devenir-famille-daccueil. Ils peuvent notamment visionner des vidéos incluant des témoignages de personnes ayant vécu l’expérience des deux côtés, soit comme famille et comme jeune. 

À noter qu’il n’y a aucune discrimination. Toute personne, peu importe son état civil, sa religion, son orientation sexuelle ou sa nationalité peut devenir une famille d’accueil. Nul besoin d’avoir étudié dans le domaine de la santé et des services sociaux ou d’avoir un emploi s’y rattachant. La personne peut travailler à l’extérieur de la maison. Elle doit posséder des valeurs telles que l’engagement, l’ouverture, la compassion, la compréhension et l’acceptation ainsi que certaines habiletés et compétences parentales. Parmi les critères minimaux, il ne faut avoir aucun antécédent judiciaire.