Projet d’investissement dans l’éolien : Saint-Fortunat, Saint-Julien et Irlande exercent leur droit de retrait

Les élus des municipalités de Saint-Fortunat, Saint-Julien et Irlande ont exercé leur droit de retrait dans le projet d’investissement des MRC des Appalaches et de L’Érable entourant l’énergie éolienne lors de leurs dernières séances publiques respectives.

En mai dernier, les deux organisations ont annoncé la création d’une régie dont le rôle sera de représenter les intérêts de leurs territoires auprès d’éventuels promoteurs éoliens. En investissant, elles veulent se donner un droit de parole, en plus de toucher des retombées financières plus importantes que les modèles précédents.

Les municipalités mentionnées ont décidé de ne pas embarquer puisqu’elles estiment ne pas détenir l’information suffisante pour prendre une position éclairée, notamment en ce qui concerne les redevances. « J’ai senti que l’on se faisait pousser dans le derrière. Je ne suis pas d’accord à ce que l’on nous demande de faire partie de la régie sans savoir s’il y a un projet sur la table qui est solide et bien monté. Il y a encore trop d’interrogations », a mentionné au Courrier Frontenac le maire de Saint-Fortunat, Denis Fortier.

De plus, il a soutenu être en total désaccord avec le fait de devoir confier la compétence de sa municipalité dans ce dossier. « Ce n’est pas vrai que la régie va faire ce qu’elle veut chez nous. Je pense que nous sommes capables d’être autonomes et de faire les choses nous-mêmes. »

Même son de cloche à Saint-Julien où le conseil municipal n’était pas à l’aise de se positionner aussi rapidement. « Il y avait encore des questions en suspens. Les élus auraient aimé savoir à partir de quand la Municipalité pourrait décaisser des sommes d’argent. Il y avait aussi de l’incertitude concernant les taux d’intérêt et l’inflation, ainsi que les gains qui étaient assez approximatifs. Le conseil était hésitant pour un ensemble de questions qui demeuraient sans réponses », a expliqué le directeur général, Martin Cloutier. 

Il a aussi dit que la population de Saint-Julien est inquiète quant à la possible implantation d’éoliennes sur le territoire. « Il y a eu un gros débat à ce sujet il y a une dizaine d’années. Les membres du conseil municipal voulaient consulter les citoyens convenablement avant de prendre une décision. Le fait d’être pressé à se positionner par rapport au projet d’investissement n’était pas cohérent pour eux. Puis, embarquer dans un processus comme celui-ci sans savoir si nous voulons des éoliennes localement aurait été un drôle de message à envoyer autant à la future régie qu’à la population de Saint-Julien. »

Même si les Municipalités disposaient d’une période de 45 jours pour prendre position, sans quoi elles étaient automatiquement incluses dans le projet, M. Cloutier estime que ce délai était trop court. « La séance publique du mois d’août aurait eu lieu après le temps alloué. Il aurait fallu organiser une rencontre spéciale, puis par transparence envers nos citoyens, nous préférons que ce soit lors de nos séances ordinaires. De plus, c’est le temps des vacances. Une bonne consultation prend plus qu’une semaine ou deux, d’autant plus qu’il nous manquait plusieurs données pour être en mesure de bien informer la population. »

Pour le maire d’Irlande, François-Pierre Nadeau, l’effort financier demandé était trop important versus le retour sur l’investissement. « La proposition de départ était basée sur la valeur foncière uniformisée qui était l’an passé de 101 millions $ à Irlande, alors qu’elle est rendue à 126 millions $. L’emprunt de 650 000 $ que l’on nous demandait de faire tournait désormais autour de 750 000 $. Les taux d’intérêt augmentent d’une semaine à l’autre. Le conseil s’est dit que tant qu’à procéder à un emprunt de la sorte, pourquoi ne pas le faire pour le bien-être immédiat des citoyens en réparant nos chemins. De plus, il y a un certain problème d’acceptabilité sociale. Les gens n’en veulent pas d’éoliennes. »

Concernant les possibles retombées, M. Nadeau estime qu’elles auraient été minimes. « À l’heure actuelle, la réglementation provinciale dit que tu ne peux pas installer une éolienne à moins de 500 mètres d’une habitation. Dans notre cas, nous sommes à tout près d’un kilomètre. Si nous regardons les endroits où il pourrait en avoir à Irlande, nous en comptons deux ou trois au maximum. C’est bien évident qu’une municipalité qui peut en recevoir une vingtaine tout près les unes des autres, ça peut être un circuit intéressant. De plus, les redevances versées sont proportionnelles aux taux de population. Nous sommes 890 citoyens. L’effort financier que nous devions faire pour retirer un petit montant d’argent est trop important. »

La position des élus a été saluée par un comité de citoyens de Saint-Fortunat et de Saint-Julien. Dans une lettre adressée aux médias, ils disent être ravis du courage des élus et ont tenu à les féliciter pour leur travail consciencieux et leur engagement à prendre en main le développement des municipalités. « Nous nous réjouissons de pouvoir travailler avec eux afin d’imaginer et de réaliser des projets rassembleurs qui permettront à nos communautés de faire partie de la marche vers la transition énergétique, tout en assurant la préservation et la valorisation de notre patrimoine naturel et de ses attraits. »

RÉACTION DE LA MRC DES APPALACHES

Questionné à ce sujet, le directeur général de la MRC des Appalaches, Rick Lavergne, a fait savoir que plusieurs séances d’information ont eu lieu. « Si les élus avaient voulu embarquer, ils avaient du temps pour se positionner et nous aurions pu leur fournir les informations qu’ils demandaient. »

Il a ajouté qu’il est normal en affaires de ne pas avoir tous les détails à l’avance. « Nous avons d’abord sollicité leur intérêt et ensuite nous devons développer le projet. Nous estimons leur avoir présenté un maximum d’information et le reste aurait suivi en cours d’évolution. »

Pour M. Lavergne, il est clair qu’aucune éolienne ne sera implantée sur le territoire sans la participation financière de la MRC des Appalaches. « Ce que j’en comprends, c’est que ces municipalités ne veulent pas d’éoliennes parce que si tu ne veux pas de projet, tu n’investis pas par souci moral. Tu ne peux pas jouer sur deux tableaux. C’est une règle que nous nous sommes donnée. »

La nouvelle régie éolienne se prépare actuellement à signer un partenariat 50/50 avec Pattern Energy qui souhaite développer le parc Broughton Wind d’une capacité de 150 mégawatts sur les territoires de Saint-Pierre-de-Broughton et de Sacré-Cœur-de-Jésus. « Les soumissions doivent être déposées à Hydro-Québec au plus tard le 12 septembre prochain », a conclu M. Lavergne.