Une jambette qui n’arrêtera pas le Chemin de St-Rémi
Les fondateurs du Chemin de St-Rémi ont récemment eu la mauvaise surprise d’apprendre que la Corporation de l’industrie touristique du Québec (CITQ) allait abolir l’attestation «village d’accueil», rendant plus compliquée la recherche d’hébergement pour ses marcheurs.
Le Chemin de St-Rémi est un parcours de 820 kilomètres de marche longue durée entre Saint-Adrien-de-Ham, dans les Cantons-de-l’Est, et la municipalité de Sainte-Florence, en Matapédia, reproduisant l’expérience du célèbre Chemin de Compostelle. Situé dans le Haut-Pays de la rive sud du Saint-Laurent, le tracé québécois sillonne la chaîne de montagnes des Appalaches.
Pour que les marcheurs puissent profiter d’hébergement à faible coût, les promoteurs du Chemin de St-Rémi comptaient sur le fait que les municipalités le long du parcours pouvaient obtenir l’attestation de «village d’accueil» en payant le montant nécessaire elles-mêmes auprès de la CITQ, ce qui permettait à de simples citoyens d’offrir un lit quelques jours par semaine en échange d’un petit revenu.
Revirement de situation, les fondateurs du projet apprenaient récemment qu’il n’était plus possible de fonctionner comme tel. «Quand nous avons déposé nos dossiers le 3 mars dernier, les gens de la CITQ nous ont annoncé qu’ils ne pouvaient pas les prendre puisque le processus d’abolition de cette attestation était en cours. Cela a été une énorme surprise. Nous travaillions là-dessus avec les hébergeurs tout le long du chemin depuis trois ans», a expliqué le cofondateur, Stéphane Pinel, en entretien téléphonique avec TC Media Nouvelles.
Selon Guy Simard, porte-parole de Tourisme Québec, cette décision, effective dès ce printemps, a été prise puisque le nombre de villages d’accueil ne cessait de diminuer, passant de 24 en 2000 à 11 en date d’aujourd’hui. Ce nombre représentait moins de 0,2% des 9 331 établissements d’hébergement touristique, toutes catégories confondues. «Ce concept s’apparente plus à un forfait qu’à un établissement d’hébergement touristique. En effet, le séjour en village d’accueil incluait, moyennant un prix forfaitaire, le repas du midi ou du soir, le petit-déjeuner et l’hébergement dans une famille-hôte, une soirée folklorique avec animation, des visites culturelles et activités de saison», a-t-il souligné.
Pour M. Pinel, le gouvernement a probablement décidé d’y mettre fin afin de contrer l’hébergement au noir. «Il faut spécifier que ce que nous voulions faire n’était pas illégal, mais comme le gouvernement veut mettre fin à des pratiques qui le sont, nous sommes malheureusement touchés même si dans notre cas ce n’est pas de l’hébergement au noir. C’est dommage parce que depuis le début, nous avions entrepris des démarches pour nous assurer que tout soit conforme et que peu importe ce qui arriverait, le chemin serait en mesure de poursuivre son développement. Nous voulons un produit qui sera solide et qui pourra s’assurer d’une pérennité», a soutenu M. Pinel.
Se retrousser les manches
Même si cette décision vient contrecarrer certains de leurs plans, Stéphane Pinel a promis que lui et la cofondatrice, Louise Bourgeois, pourront continuer de travailler avec les municipalités afin de permettre une ouverture le plus tôt possible.
«Cela nous a propulsés deux ans plus loin dans nos projections en terme de développement du chemin. Avoir des gens qui ouvrent leur porte quelques fois par semaine, c’était grandement apprécié pour commencer, mais nous savions très bien que si la clientèle devenait plus nombreuse, nous nous serions retrouvés avec un défi de taille. Certains auraient trouvé cela exigeant. Il faut maintenant faire en sorte que les hébergeurs désirant accueillir des marcheurs seront acceptés par la CITQ comme "auberge" ou "gîte"», a-t-il mentionné.
Près d’une vingtaine des 54 municipalités le long du chemin font appel à des citoyens-hébergeurs et comme la plupart avaient déjà une clientèle prévue dès les premiers mois d’ouverture, les promoteurs devront travailler avec eux et les municipalités pour qu’ils obtiennent leur attestation. «Nous avons déjà 130 préinscriptions de marcheurs, ce qui représente environ 2000 nuitées, donc il faut s’occuper de cela. Nous allons avoir une offre diversifiée sur le chemin. Si l’on se fie seulement aux gites existants, il n’y a pas de place dans chaque village pour les marcheurs. On ne peut pas se permettre d’avoir des gens arrivant dans un village et qu’ils n’aient pas de place où dormir», a signifié M. Pinel.
Coûts supplémentaires
L’attestation que les hébergeurs devront obtenir leur coûtera cependant un certain montant annuel et des règles devront être respectées selon le type de classification. De plus, les personnes offrant le repas aux marcheurs devront suivre une formation donnée par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ).
«Nous voulons créer de l’entrepreneuriat dans les villages le long du chemin. Les gens désirant s’impliquer sérieusement en recueilleront les bénéfices. Il est important que ces piliers situés dans chaque municipalité soient solides pour que le chemin le soit aussi», a souligné M. Pinel.
Dans les prochaines semaines, les promoteurs finaliseront les ententes avec les hébergeurs. Ils se rendront une fois de plus dans les villages à la mi-avril pour rencontrer les intervenants locaux et remettre les balises qui seront installées en bordure du chemin. Enfin, si tout le reste se passe bien, M. Pinel est persuadé de voir les premiers marcheurs officiels parcourir le tracé quelque part cet été.
Les impacts dans la région
Dans la région de la MRC des Appalaches, le Chemin de St-Rémi traverse les municipalités de Saint-Fortunat, Saint-Jacques-le-Majeur, Saint-Julien, Irlande, Saint-Jean-de-Brébeuf, Kinnear’s Mills et Saint-Jacques-de-Leeds.
À Kinnear’s Mills, la municipalité avait réussi à trouver quelques citoyens intéressés à héberger des marcheurs, mais après avoir appris les nouvelles démarches à suivre, deux ont décidé de ne pas aller de l’avant. «Ce sont des agriculteurs et ils savent que lorsque le MAPAQ est dans un dosseret, cela peut devenir plus compliqué. Il va falloir travailler à garder les autres», a raconté la responsable du dossier à la municipalité, Céline Landry.
La MRC des Appalaches compte aussi demander l’appui du député Laurent Lessard dans ce dossier afin de trouver une solution.