Cinq ans d’emprisonnement pour Yanick Mathieu

Le 24 juin 2021, Manon Potvin expérimentait la plus vive des douleurs pour un parent, soit la perte d’un enfant. Au matin, les policiers lui apprenaient la mort de sa fille de 19 ans, Jolyane, décédée au cours de la nuit dans une embardée sur la route 165 à Saint-Ferdinand. Ce qui rendait la douleur d’autant plus insoutenable, c’est que l’événement n’avait rien d’un accident.

Le copain de la jeune femme, Yanick Mathieu, était au volant de sa voiture et conduisait sous l’effet de l’alcool et du cannabis. Son frère, assis à l’avant, Jolyane et lui revenaient d’une soirée à Saint-Eustache dans les Laurentides lorsque, vers 2 h 20 du matin, il s’est retrouvé dans la voie inverse et a perdu le contrôle de son véhicule en voulant éviter celui qui arrivait en sens inverse. Atteinte de la maladie de Crohn, Jolyane ne portait pas sa ceinture à l’arrière de la voiture en raison de maux de ventre importants. Elle est décédée sur les lieux du drame.

Le Thetfordois maintenant âgé de 27 ans, qui n’avait pas d’antécédent judiciaire, avait aussitôt été arrêté pour conduite avec les capacités affaiblies. Il avait été accusé en février 2022 et avait finalement décidé de plaider coupable à un chef d’avoir causé la mort alors qu’il conduisait sous l’effet de l’alcool et de la drogue. Il a été condamné à une peine de cinq ans de pénitencier le 12 mai dernier au palais de justice de Thetford Mines. Il aura aussi une interdiction de conduire pendant cinq ans à sa sortie de prison. 

Rejointe par le Courrier Frontenac, Manon Potvin a dit se sentir plus légère, trois semaines après le prononcé de la sentence. « C’est quelque chose d’avoir tout le temps de la rage et de ressentir de l’injustice. Je me disais que ma fille avait été condamnée à mort le 24 juin 2021 et que celui qui en était responsable était en liberté depuis. Je le croisais souvent, c’était vraiment pénible. Peu importe le temps qu’il va faire, ça ne me ramènera jamais Jolyane, mais au moins il aura l’occasion de réfléchir à la décision qu’il avait prise cette journée-là. »

Bien qu’elle comprenne que le processus judiciaire peut parfois être long, elle a tout de même trouvé cela extrêmement difficile. Le 12 mai, beaucoup de choses se bousculaient dans sa tête. Le stress se mélangeait à plusieurs émotions. Elle a aussi pu s’adresser à la cour et faire un plaidoyer contre l’alcool et la drogue au volant, un sujet auquel elle était sensible même avant la mort de Jolyane. 

RESPONSABILITÉ NON RECONNUE

Lors du prononcé de la sentence, la juge Sarah-Julie Chicoine a mentionné plusieurs circonstances aggravantes contre Yanick Mathieu, soit le fait qu’il roulait 30 km/h au-dessus de la limite permise, son historique en matière de vitesse au volant et son véhicule qui n’était pas en bon état. Le rapport présentenciel a aussi fait état d’une certaine banalisation de la conduite sous influence du cannabis et que l’accusé a de la difficulté à reconnaître sa responsabilité. 

« Ce qu’il regrette, ce sont les conséquences de son geste. Il ne souhaitait pas la mort de sa conjointe. Il ne remet toutefois pas en cause sa consommation d’alcool et de drogue alors qu’il conduit », a souligné la juge.

Pour cette raison, Manon Potvin ne croit pas que son plaidoyer de culpabilité soit sincère. « Pour lui, ce n’est pas un crime parce que selon ce qu’il a dit, il a juste voulu éviter un face à face. Il a raconté que s’il avait eu à avoir un accident en raison de la boisson, ce serait arrivé avant Saint-Ferdinand. Pourtant, le rapport du reconstitutionniste démontre que c’est lui qui a changé de voie. »

Jusqu’à ce jour, Yanick Mathieu refuse toute forme d’aide qui impliquerait une réinsertion sociale ou des suivis, a indiqué la juge. « Le temps va faire son œuvre. J’espère que monsieur réfléchira au point où cet aspect pourrait changer pour lui et au point de comprendre que d’aller chercher de l’aide pour ce qu’il a vécu afin d’éviter la récidive plus tard et de comprendre ses comportements serait dans son intérêt. »

UNE VIVE DOULEUR

Lors du prononcé de la sentence, la juge Chicoine s’est adressée à la famille de la victime. Elle a affirmé avoir entendu leur vive douleur durant leurs témoignages. « J’aimerais trouver des mots suffisamment porteurs de réconfort pour apaiser votre peine. Je comprends votre tristesse et je souhaite qu’à la fin du processus judiciaire vous puissiez trouver un apaisement à travers votre deuil difficile. »

Elle a aussi eu une pensée pour Alyson Gingras, une jeune femme qui est venue en aide à Jolyane Potvin, vantant son sang-froid la nuit du drame. « Vous avez fait preuve de courage encore aujourd’hui en venant nous renseigner sur les conséquences importantes et trop peu connues avec lesquelles doit composer une personne dans votre situation. En portant secours à Mme Potvin, vous avez fait plus que votre simple devoir de citoyenne. Ayez en tête que ce que vous avez accompli est loin d’être banal. Vous avez une force de caractère qui fera en sorte qu’avec le temps, j’en suis certaine, vous pourrez retrouver la personne pétillante de joie que vous m’avez décrite. »

Manon Potvin est elle aussi très reconnaissante envers cette jeune femme qui a donné les premiers soins à sa fille et qui l’accompagnait quand elle est décédée. « Je l’appelle mon ange depuis le début. »

Enfin, maintenant que le processus judiciaire est terminé, elle peut commencer son deuil. « Ça change tellement une famille et une vie. J’ai cinq enfants, il m’en reste quatre. Parfois, seulement une parole me ramène à ce cauchemar. Il y a plusieurs choses que je ne suis plus capable de faire. Ça chamboule tout. Je m’empêchais souvent de sortir pour ne pas le rencontrer. Je n’aurai plus cette peur pour un moment. J’espère que cela m’aidera dans mon deuil. » 

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