Charles Thivierge plaide coupable pour des crimes à caractère sexuel

Revirement de situation au procès de Charles Thivierge alors qu’il a décidé de plaider coupable à plusieurs accusations à caractère sexuel qui pesaient contre lui, jeudi matin, au palais de justice de Thetford Mines.

L’ex-enseignant a reconnu sa culpabilité sur trois chefs de leurre, deux chefs de contacts sexuels, un chef d’exploitation sexuelle et un chef d’incitation à des contacts sexuels sur une victime d’âge mineur. Les événements remontent aux années 2011 à 2013. Il avait été arrêté pour ces dossiers le 22 mars 2021. Notons qu’il y a eu arrêt des procédures pour les trois chefs d’agression sexuelle.

Le Thetfordois de 41 ans a aussi reconnu sa culpabilité sur un chef de leurre à l’endroit d’une autre victime qui était âgée de moins de 18 ans au moment des faits. Les événements dans ce dossier remontent à 2002 et 2003. C’est après la médiatisation de l’arrestation de Charles Thivierge que cette autre victime avait décidé de contacter la police.

La suite des procédures a été fixée aux 17 et 18 avril pour les observations sur la peine.

UN « CONFIDENT »

La victime dans les dossiers pour lesquels il a été arrêté en mars 2021 avait témoigné durant la journée du mercredi 19 octobre. Elle a raconté qu’au cours du secondaire, Charles Thivierge est devenu pour elle un « confident » à qui elle pouvait parler de ses « tourments d’ado ». Elle l’a décrit comme un enseignant « présent pour ses élèves ». Invitée à définir la « relation » qu’elle avait avec lui, elle a eu du mal à l’expliquer. Pour elle, il ne s’agissait pas d’une relation amoureuse, mais il était quelqu’un en qui elle avait « entièrement confiance » et avec lequel elle parlait de sujets qui allaient au-delà du lien élève-professeur.

Leurs conversations se faisaient principalement par ICQ, courriel et messagerie texte. Avec le temps, leurs discussions se sont intensifiées en prenant une tournure « plus sexuelle ». Il lui parlait de sa vie sexuelle et de ses fantasmes, lui posait des questions sur sa sexualité à elle et ils commentaient entre eux l’apparence des autres élèves ainsi que des enseignants. Elle a soutenu qu’à la demande de Charles Thivierge, elle lui a envoyé une photo d’un groupe d’élèves en maillots de bain. Elle a aussi relaté lui avoir donné son mot de passe Facebook pour qu’il puisse aller voir des photos via son compte.

Il abordait leurs échanges par rapport à la sexualité sous la forme de « défis » qu’ils devaient se lancer mutuellement. Par exemple, il lui avait demandé de porter un décolleté en classe ou de se masturber chez elle. Elle a mentionné un autre « défi » où il lui avait dit qu’il ne porterait pas de sous-vêtements le lendemain pour qu’elle puisse voir la forme de ses parties intimes sous son pantalon.

La majorité des contacts physiques se produisaient dans un coin de la classe de l’enseignant, à l’abri des regards. Il y a eu différents types de câlins, certains plus « normaux », comme serrer un ami, les bras dans son dos.

Les autres câlins faisaient partie des « défis », a-t-elle précisé. Elle en a décrit un où il lui avait dit qu’il ne porterait pas de sous-vêtements afin qu’elle sente ses parties intimes pendant qu’ils se collaient. Il y a eu des contacts avec ses fesses et ses seins à d’autres occasions. Charles Thivierge l’avertissait avant que cela se produise et elle lui disait oui. Elle a toutefois raconté s’être sentie au fond d’elle comme un « robot », comme si elle était sur « l’autopilote ».

Par ailleurs, la victime a affirmé avoir exprimé son malaise à l’époque. Charles Thivierge avait néanmoins continué le même manège. C’est vers la fin du secondaire qu’elle a décidé de prendre ses distances avec lui, mais ce n’est seulement que quelques années plus tard, lors d’un voyage, qu’elle a réalisé que ce qu’elle avait vécu n’était pas une relation « normale » entre un élève et un enseignant.

Pendant le témoignage de la jeune femme, la procureure de la Couronne, Me Sarah Groleau Paré, lui a demandé de lire plusieurs passages de conversations qu’elle avait eues avec lui. Ces discussions ont pu être récupérées par les enquêteurs après la saisie de matériel informatique.

DES CONVERSATIONS SUR SA VIE SEXUELLE

Rappelons que la victime contre laquelle il a reconnu sa culpabilité à une accusation de leurre était venue témoigner lundi. Ses premières conversations avec Charles Thivierge remontent à l’été 2002. Ils s’étaient alors rencontrés dans le cadre de son travail étudiant et avaient commencé à discuter de « tout et de rien » via les logiciels de messagerie instantanée mIRC et ICQ ainsi qu’au téléphone.

Durant l’année scolaire, celui qui était alors étudiant en enseignement à l’université a effectué un stage dans sa classe. Elle a dit avoir été surprise de constater qu’il continuait de clavarder avec elle presque tous les soirs et que, durant la journée, il agissait comme s’il ne la connaissait pas. Elle a raconté que les conversations que Charles Thivierge amorçait devenaient de plus en plus malaisantes pour elle. Il lui parlait de sa relation avec sa conjointe de l’époque, de détails sur sa vie sexuelle et lui posait des questions sur sa sexualité à elle.

Selon la victime, l’accusé lui faisait aussi des commentaires flatteurs sur son habillement de la journée. Elle a indiqué que, pendant cette période, elle ne comprenait pas que ce type de discussion avec une élève était inadéquat, précisant que cette attention la faisait se sentir « comme une femme » et « spéciale ». Le clavardage s’est poursuivi jusqu’à la fin de l’année scolaire.

Elle a soutenu qu’il lui avait demandé de ne parler à personne de leurs discussions puisque cela n’aurait pas été « bien vu comme professeur » et qu’il ne « voulait pas avoir l’air d’avoir un chouchou ». Elle s’était néanmoins confiée à sa meilleure amie qui est aussi venue témoigner lundi que la victime lui avait exprimé à l’époque son malaise quant à certaines conversations amorcées par l’accusé.

Elle a dit avoir contacté Info-Crime après avoir lu un article au sujet de l’arrestation de Charles Thivierge, réalisant que ce qu’elle avait elle-même vécu « n’était pas correct ». Elle a affirmé s’être sentie « énormément coupable » envers l’autre victime.

Avec la collaboration de Jean-Hugo Savard