Des citoyens du quartier Appalaches veulent sauver leur boisé
Des citoyens du quartier Appalaches souhaitent convaincre la Ville de Thetford Mines de revenir sur sa décision après l’annonce d’un appel d’offres public pour la mise en vente de deux portions de terrain de près de 22 000 mètres carrés. Le projet permettrait la construction d’une vingtaine de résidences unifamiliales. Ce lieu boisé est toutefois un endroit fréquenté par les résidents de ce secteur et leurs enfants qui ne veulent pas le voir disparaitre.
La Ville a récemment annoncé un appel d’offres concernant des terrains excédentaires. Celui dont il est question dans le quartier Appalaches se trouve au 989, rue Picard ainsi qu’au 1021, rue Turcotte Est. Pour l’administration municipale, cela représente une opportunité stratégique de développement résidentiel.
« En favorisant la densification urbaine, la Ville cherche à optimiser l’utilisation des infrastructures existantes ainsi qu’à réduire l’étalement urbain, et ce, tout en préservant les espaces naturels et agricoles. Cette approche permet non seulement de créer des quartiers plus dynamiques et conviviaux, mais également de promouvoir une mobilité durable en rapprochant les lieux de vie, de travail et de loisirs », avait indiqué le directeur du Service de l’urbanisme et du développement économique, Luc Rémillard, dans un communiqué annonçant le lancement des appels d’offres.
D’abord surpris par cette annonce, des citoyens ont décidé de prendre les choses en main afin de démontrer aux élus leur opposition à ce projet. Une pétition a notamment été lancée et au moment d’écrire ces lignes, celle-ci avait récolté plus de 900 signatures. Un groupe Facebook a aussi été créé.
« Dans la majorité des parcs de la ville, il y a de grosses infrastructures, mais pas ici, a affirmé Isabelle Gagnon, résidente du quartier, en entretien avec le Courrier Frontenac. Nous avons quelques modules, mais le terrain de jeu des enfants est majoritairement le boisé. Beaucoup le considèrent comme une richesse et nous ne demandons rien de plus, seulement de ne pas le détruire. Les parents sont heureux que leurs enfants puissent jouer en forêt. Ils se font des cabanes et d’autres structures eux-mêmes. Il y a aussi un terrain gazonné où ils peuvent jouer au soccer. Il n’y a pas de filets, mais ça ne les empêche pas de s’amuser. »
Après avoir appris la nouvelle à propos de l’appel d’offres, Mme Gagnon a commencé avec d’autres voisins à faire le tour des rues de ce secteur afin d’informer les gens de la situation. Selon elle, nombreux d’entre eux étaient abasourdis d’apprendre l’existence de ce projet. Plusieurs citoyens prévoient d’ailleurs se présenter à la séance du conseil municipal qui se tiendra le lundi 3 juin.
Une autre résidente du quartier, Nicole Delisle, a aussi mentionné qu’il s’agit d’un lieu fréquenté par la population. « Je n’ai pas d’enfant, mais je peux confirmer qu’il est très utilisé. Il y a des stationnements le long de la rue le soir. Il y a plein de jeunes et les parents viennent. Il y a toujours du monde. »
Par ailleurs, Isabelle Gagnon s’inquiète également des enjeux environnementaux puisque le boisé est un milieu naturel et un îlot de fraîcheur situé en plein quartier urbain. Avec d’autres citoyens, elle se pose des questions quant aux plans de la Ville pour retenir l’eau provenant d’en haut puisque selon eux, la forêt joue un rôle de rétention.
« Je trouve que pour la construction de 20 maisons, le coût de renonciation à cet endroit est très élevé, a pour sa part commenté Olivier Lambert. C’est irréversible. Dans 20 ans, il n’y aura plus rien parce que ce boisé ne reviendra pas », a déploré celui qui vient tout juste d’emménager dans le quartier avec sa famille.
DES SERVICES DE GARDE IMPACTÉS
Kathleen Gouin est propriétaire du service de garde Les petites sentinelles utilisant la pédagogie par la nature. Ce type d’offre est de plus en plus connu et recherché puisqu’il permet aux enfants d’apprendre et de s’amuser en plein air. Le boisé du quartier Appalaches, situé près de son domicile, représente donc un lieu de prédilection pour elle ainsi que pour d’autres services se trouvant à proximité.
« La pédagogie par la nature s’est développée dans la région depuis quelques années. L’accent a beaucoup été mis là-dessus. Des plans d’espaces verts pouvant être fréquentés par les services de garde avaient même été mis de l’avant. Il n’y en avait pas tant que ça, mais celui-ci en faisait partie. Les gens disent qu’il y a assez de nature autour de la ville, mais ce dont nous avons besoin, c’est du vert à proximité. On dit que pour la santé des jeunes, pour qu’ils soient plus actifs et surtout pour qu’ils ne soient pas toujours devant des écrans, il faut les sortir de la maison, mais il doit y avoir des espaces verts où ils peuvent aller facilement et quotidiennement », a-t-elle dit.
Elle a ajouté que le parc du Sommet situé au bout de la rue Ouellet n’est pas l’idéal avec les enfants en plus de ne pas être accessible tout le temps puisque l’hiver il sert aussi de dépôt à neige. « Il y a une gestion de risques à faire. Quand tu en es conscient, tu le fais, mais ce n’est pas ce que la majorité des gens veulent. […] Nous avions cet espace-ci qui était très accessible avec les enfants, donc c’est très décevant. »
De plus, le parc Appalaches, qui ne devrait pas être touché par le projet, n’est pas le type d’endroit recherché pour un service comme le sien. « C’est de la pelouse avec des modules de jeu que nous ne pouvons pas utiliser puisqu’ils sont faits pour des jeunes d’âge scolaire. Il n’y a pas d’arbres, de nature ou d’ombre, tout est dénaturé. Ce n’est pas cela que l’on recherche avec les enfants. On veut leur donner une liberté d’explorer », a soutenu Mme Gouin.
PEU DE POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPEMENT RÉSIDENTIEL
Le maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau, a dit comprendre les citoyens du quartier Appalaches. « Nous nous attendions à ce qu’il y ait une réaction et à ce que les gens se mobilisent, c’est correct. Nous comprenons que pour eux il s’agit d’un inconvénient et qu’ils voudraient que ça ne se fasse pas. Nous allons les écouter. En même temps, tout le monde veut qu’on développe l’habitation. C’est un enjeu partout au Québec. »
Selon lui, le manque de terrains disponibles sur le territoire pour le résidentiel vient limiter énormément les possibilités. « Nous ne pouvons pas développer en terre agricole ou en milieu humide. Il faut demeurer dans le périmètre urbain pour éviter l’étalement. Nous ne pouvons pas développer sur les mines. Puis, si le gouvernement ne change pas d’idée, nous ne pouvons pas non plus le faire à l’intérieur d’un kilomètre des montagnes de résidus miniers. […] Les autres villes n’ont pas cette contrainte. Pour nous, ça représente environ 80 % de notre territoire. »
Plusieurs constructions multirésidentielles ont vu le jour au cours des dernières années et d’autres sont à venir. Toutefois, ce n’est pas tout le monde qui souhaite habiter en appartement ou en condo, a précisé le maire. Présentement, il y a de moins en moins de terrains disponibles pour la construction de résidences unifamiliales et la Ville souhaite ainsi améliorer l’offre. Le taux d’occupation sur le territoire est passé de 8,2 % à 0,4 % en seulement quatre ans. La population de Thetford Mines est en augmentation. Selon le décret du gouvernement, au moins 800 nouveaux citoyens se sont ajoutés dans la dernière année. Plusieurs entreprises, écoles et lieux de soins ont des besoins en main-d’œuvre. Pour Marc-Alexandre Brousseau, Thetford Mines a besoin de tout type d’habitation afin d’accueillir ces gens.
Le maire a de plus soutenu que la Ville est sensible à l’enjeu environnemental et qu’elle n’aime pas devoir couper des arbres. Des projets de plantation ont été mis de l’avant au cours des dernières années et l’administration a l’intention de continuer en ce sens. Il a toutefois fait observer que pour la majorité des quartiers, des arbres se trouvaient aussi à ces endroits. Le développement amène inévitablement cette situation. « Dans le processus, nous demandons aux promoteurs de nous proposer un plan de lotissement. Nous n’accepterons pas n’importe quoi. »
En ce qui concerne la rétention d’eau, Marc-Alexandre Brousseau a souligné que c’est une responsabilité du promoteur qui développera le terrain. « S’il y a des questions à ce sujet et des vérifications à faire auprès de notre équipe, ce sera fait. »
Enfin, notons que les coûts de raccordement aux réseaux d’égout et d’aqueduc seront aussi aux frais des entrepreneurs, comme c’est habituellement le cas lors d’un nouveau développement. L’avantage de ce terrain en particulier est que les infrastructures sont déjà tout près.