Hausse marquée de la demande en aide alimentaire

Des organismes de la ­MRC des ­Appalaches font état d’une augmentation de la demande en aide alimentaire sur le territoire. Moisson ­Beauce, qui soutient plusieurs d’entre eux ainsi que d’autres organisations situées dans diverses ­MRC de la ­Chaudière-Appalaches, observe également cette tendance selon les témoignages reçus de ses partenaires au cours des derniers mois.

Bien que le dernier ­Bilan-Faim ait révélé que le territoire de ­Moisson ­Beauce figurait parmi les trois secteurs du ­Québec où il n’y avait pas de nette augmentation de la demande, la directrice générale de l’organisme, ­Marie ­Champagne, affirme que la réalité sur le terrain depuis septembre ne reflète pas ces données. «  Il y a une hausse marquée dans pratiquement tous les organismes que nous soutenons comme la banque alimentaire ­La ­Vigne et le ­Centre d’entraide de la région de ­Disraeli. La photo qui avait été prise en mars dernier [données issues du ­Bilan-Faim 2024] n’est pas ce qu’on me rapporte à présent. »

Le profil de la clientèle tend également à changer. En 2022, une personne sur six (17 %) qui demandait l’aide alimentaire avait un salaire d’emploi comme principale source de revenus. La proportion est passée à une personne sur cinq (20 %) en 2023 et à une personne sur quatre (25 %) cette année. «  Le fait d’avoir un travail n’est pas un facteur de protection contre la pauvreté. Cela s’explique par l’augmentation du coût de la vie en général, dont le panier d’épicerie. La majorité de notre clientèle est en logement [80 %] et l’augmentation des loyers a aussi un impact. Pour plusieurs familles, leur salaire devient insuffisant pour y faire face, donc elles doivent se tourner vers l’aide alimentaire », explique ­Mme ­Champagne.

Le milieu exprime par ailleurs des inquiétudes pour 2025 en raison des indicateurs qui montrent une tendance à la hausse depuis le début de l’automne.

Le coût de la vie impacte également les organismes qui doivent s’adapter face à la montée des prix lors de leurs achats. « Ils font un travail extraordinaire sur le terrain et je tiens à les féliciter. Les bénévoles et les employés sont très engagés pour faire en sorte que personne ne reste sur sa faim. Notre rôle à ­Moisson ­Beauce est d’approvisionner le réseau et de développer des initiatives en ce sens », soutient la directrice générale.

Du 1er avril 2023 au 31 mars 2024, ce sont plus de 2 millions $ en valeurs qui ont été livrés dans la ­MRC des ­Appalaches par Moisson ­Beauce. Cela comprend la banque alimentaire ­La ­Vigne (1,3 million $), le ­Centre d’entraide de la région de ­Disraeli (405 500 $), le ­Samaritain ­Disraeli (212 500 $), le ­Réseau d’entraide des ­Appalaches (71 400 $) ainsi que le ­Service d’entraide du Cégep de ­Thetford (5400 $).

Moisson ­Beauce s’approvisionne principalement auprès des épiceries. Deux camions sillonnent le territoire entre une et quatre fois par semaine pour y récupérer les denrées. Une partie de l’approvisionnement provient également de la région de ­Montréal. Mme ­Champagne a de plus souligné la grande générosité des producteurs maraîchers et agricoles. Le gouvernement du Québec a de plus annoncé une enveloppe de 30 millions $ dans le dernier budget pour les banques alimentaires.

Malgré cela, ­Moisson ­Beauce peine à répondre aux besoins des organismes en ce qui a trait à la viande. « ­Généralement, il y a à peu près 50 % de la demande à laquelle nous ne pouvons pas répondre. Nous manquons aussi souvent de produits de soins corporels », révèle la directrice générale.

Sur son site ­Web, l’organisme a publié une liste de produits recherchés en cette période de guignolées. ­Celle-ci comprend riz, pâtes, conserves, beurre d’arachide, huile, thon, café, collations pour enfants, couches, savons corporels, shampoings, brosses à dents et dentifrices. Il y a aussi un rappel de ne pas oublier les petites gâteries qui font du bien.

La hausse se poursuit à ­La ­Vigne

À ­Thetford ­Mines, la banque alimentaire ­La ­Vigne dévoilait l’an dernier une hausse fulgurante de sa clientèle de 40 % de 2020 à 2022, alors que le nombre de familles desservies en moyenne par semaine était passé de 133 à 186. La tendance s’est poursuivie puisque ce nombre a atteint la barre symbolique des 200 dans la dernière année. Ce sont à présent entre 200 et 225 ménages qui sont desservis par l’organisme. La ­Vigne observe également un mouvement de clientèle, alors que les familles de nouveaux arrivants se font de plus en plus nombreuses.

Plusieurs bénévoles offrent de leur temps chaque semaine afin d’aider à la distribution et au bon fonctionnement de la banque alimentaire. « Nous sommes chanceux parce que la cause vient chercher beaucoup de gens. Nous maintenons une équipe d’environ 40 bénévoles qui se relaient », souligne la coordonnatrice ­Valérie ­Bédard.

En plus de ­Moisson ­Beauce, ­La ­Vigne compte sur le soutien de plusieurs partenaires locaux, dont la ­Ville de ­Thetford, notamment par l’entremise de la ­Guignolée des pompiers. L’édition 2024 aura d’ailleurs lieu ce vendredi 6 décembre. « ­Ensuite, ce sont beaucoup les citoyens et les entreprises qui nous soutiennent par des dons en argent ou en denrées. Nous avons aussi nos partenaires épiciers. Chaque matin, notre camion va y chercher les invendus. Nous réussissions à remplir notre mission, mais il faut avouer que c’est de plus en plus difficile », soutient ­Mme Bédard.

La banque alimentaire fonctionne sous forme de référencement provenant des organismes communautaires de la région et aussi du ­Centre intégré de santé et de services sociaux de Chaudière-Appalaches.

La hausse des prix affecte non seulement la clientèle, mais également l’organisme, qui doit lui aussi en subir les conséquences. Le coût d’achat des denrées se situe autour de 5000 $ par mois. « Nous tentons de permettre les choix au lieu de boîtes préparées afin d’éviter le gaspillage. Nous avons aussi un système de rotation sur cinq semaines pour nos denrées afin d’aider nos familles à organiser leur panier d’épicerie. »

Constat identique au ­CERD

Le ­Centre d’entraide de la région de ­Disraeli (CERD) effectue la distribution de denrées et propose le dépannage alimentaire dans le secteur sud de la ­MRC des ­Appalaches. De 50 à 60 personnes sont accueillies sur une base régulière, explique la directrice générale ­Isabelle Roberge.

Des paniers de ­Noël sont aussi préparés en partenariat avec les ­Chevaliers de ­Colomb. De plus, l’organisme offre des ateliers de cuisine ainsi que d’autres activités liées à la sensibilisation alimentaire. « Nous essayons de sensibiliser les gens à bien se servir des aliments que nous avons dans le réfrigérateur et dans le ­garde-manger, c’­est-à-dire comment les récupérer et les transformer afin d’éviter le gaspillage, soutient ­Renée ­Morin, intervenante au service d’aide alimentaire du ­CERD. Nous retrouvons aussi de beaux échanges, où le savoir se transmet d’une personne à l’autre. Nous avons des participants de tous les âges à nos ateliers. »

Cette dernière constate aussi une hausse de la demande, et ce, à tous les points de vue. « Je pense que les gens sont d’ailleurs inquiets. Ce n’est pas facile, les aliments sont très chers. Parfois, ils n’ont pas de transport pour se déplacer vers des marchés de grande surface, où ça pourrait être moins dispendieux. Tout cela amène une augmentation des besoins en paniers d’urgence. Nous avons une clientèle plus régulière parce que leur état de gains ne change pas. Par contre, ce que je remarque en ce moment, c’est la tendance à la hausse de l’aide d’urgence pour des familles ou des personnes seules. »

Le référencement afin d’avoir accès à l’aide alimentaire du ­CERD n’est pas obligatoire. Les gens peuvent tout simplement s’y présenter. L’organisme reçoit toutefois des références de la part du ­CLSC, de travailleurs de rue ainsi que de travailleurs sociaux.

Les denrées proviennent principalement de ­Moisson ­Beauce. Un camion effectue la collecte deux fois par mois. « Le tout est par la suite redistribué à l’aide d’une équipe de bénévoles. Nous acceptons les dons et la guignolée des ­Chevaliers de ­Colomb nous aide aussi beaucoup », mentionne ­Isabelle ­Roberge.

Le bénévolat représente un soutien majeur pour le ­CERD. Ces personnes s’impliquent à différents niveaux : confection des paniers, distribution, ménage, confection de repas, etc.

Les familles de plus en plus nombreuses au ­REA

Le ­Réseau d’entraide des ­Appalaches (REA), qui a pignon sur rue au ­centre-ville de ­Thetford Mines, tient des cuisines collectives, offre du dépannage alimentaire, gère un frigo communautaire situé dans un hangar à l’extérieur et fait également du référencement pour de l’aide plus régulière. Le ­REA dessert toute la ­MRC des ­Appalaches, en collaboration avec d’autres partenaires tels que ­La ­Vigne, le ­CERD ainsi que ­Le ­Spot (East ­Broughton). Les aliments distribués et cuisinés au ­REA proviennent de ­Moisson ­Beauce, mais aussi d’achats selon les besoins.

L’organisme observe lui aussi une hausse de la demande au cours des derniers mois. « Depuis avril, nous avons distribué des dépannages auprès de 220 familles, dont 287 adultes et 153 enfants, pour un total de 1033 visites. L’an dernier, nous avons référé 418 familles à ­La Vigne, alors que l’année précédente, nous en avions 335. Cela représente une bonne augmentation », indique ­Catherine ­Lachance, directrice du ­REA.

Le profil des personnes qui sont accueillies est plutôt varié. Depuis un an, elle constate toutefois qu’il y a de plus en plus de familles. Les personnes seules, qui sont souvent plus vulnérables en raison de l’absence d’un réseau de soutien autour d’elles, font aussi partie de la clientèle.

Catherine ­Lachance encourage par ailleurs la population à contribuer au frigo communautaire. « ­Selon les commentaires que nous recevons, ce qui est déposé n’y reste pas longtemps. Cela nous fait croire que le besoin est là. Nous essayons de faire de la promotion pour que les gens pensent à venir donner. Nous demandons seulement d’identifier ce que l’on dépose et d’y mettre la date. Nous nous assurons de vérifier qu’il n’y a rien de périmé ou d’inapproprié. La seule chose que nous n’acceptons pas, c’est la viande crue. »

Une cinquantaine d’étudiants soutenus au ­Cégep de ­Thetford

Le ­Service d’entraide du ­Cégep de ­Thetford offre aux étudiants une aide alimentaire ponctuelle afin de les soutenir temporairement. «  Nous disposons d’une petite réserve contenant des denrées non périssables. De plus, nous nous assurons de leur offrir les outils nécessaires pour favoriser leur autonomie à plus long terme », indique ­Caroline ­Poulin, responsable du service.

Une cinquantaine de personnes sont soutenues annuellement grâce à ce service. Le nombre est stable depuis les dernières années, mais avec l’augmentation du coût de la vie, cela pourrait amener une hausse, affirme ­Mme ­Poulin.

Une collecte de dons et de denrées est organisée pendant la période des ­Fêtes. Des fonds sont aussi amassés par l’entremise des ventes de livres usagés bisannuelles ainsi que de la vente de livres scolaires usagés.