Quand la persévérance ouvre les portes de la réussite

La mobilisation contre le décrochage scolaire a progressé au fil des années au Québec. L’abandon des bancs d’école avant l’obtention d’un diplôme ou d’une qualification reste néanmoins un enjeu important à l’échelle de la province.

Selon le Réseau québécois pour la réussite éducative, le décrochage est un phénomène complexe aux multiples facettes, ayant des conséquences majeures tant pour les jeunes concernés que pour l’ensemble de la société. Il accentue les inégalités sociales, freine la croissance économique, limite la participation citoyenne et contribue à la pénurie de main-d’œuvre qualifiée. Différents facteurs influent sur le parcours scolaire des jeunes, qu’ils soient familiaux, personnels, scolaires, environnementaux ou sociaux.

À l’occasion de la 21e édition des Journées de la persévérance scolaire, qui se tiennent du 10 au 14 février, le Courrier Frontenac a échangé avec quatre élèves du Centre de services scolaire des Appalaches ayant surmonté divers défis pour réussir leur cheminement scolaire. Chacun d’eux a son propre parcours et ses propres enjeux, mais tous ont fait preuve de persévérance pour atteindre leur objectif.

Deux profils différents, un même but

Pour René Gosselin, directeur du Centre d’éducation des adultes L’Escale à Thetford Mines, le choix de Daphnée Cloutier (photo en Une) et de Jakob Ferland pour représenter la persévérance scolaire s’explique par les défis personnels et les difficultés scolaires qu’ils ont surmontés, ainsi que par leur réussite à dépasser ces obstacles dans le but d’atteindre leurs objectifs. « Daphnée est maintenant une jeune femme épanouie qui continue de nous surprendre. Elle est impliquée dans les activités et nous aide beaucoup au sein de l’école. Quant à Jakob, il terminera dans quelques semaines. C’est un élève pour qui venir à l’école était d’abord pour ses parents. Il a ensuite compris qu’il devait le faire pour lui et, depuis ce temps, il ne cesse de s’améliorer. »

Atteinte de dysphasie et de dyspraxie verbale, Daphnée a dû surmonter plusieurs défis dans son parcours scolaire. « J’avais beaucoup de difficultés à parler et à prononcer des mots. C’était compliqué aussi pour l’écriture parce que je mélangeais les sons qui se ressemblent. Par exemple, j’écrivais bateau avec un p. Cela a fait en sorte que j’ai dû travailler énormément. »

En raison de sa situation, Daphnée a dû suivre un cheminement particulier. Un autre défi important a été de persévérer malgré certains enseignants qui ne croyaient pas en elle et qui doutaient qu’elle puisse terminer son secondaire. À son arrivée à L’Escale à 17 ans, une autre épreuve l’attendait : elle a été reclassée en présecondaire, une annonce difficile à avaler au départ. 

« Ça m’a vraiment fait un choc. Ce que je voulais, c’était d’aller au cégep comme les autres. J’avais la volonté d’apprendre et j’aimais ça. J’enviais un peu ceux qui n’avaient pas ces problèmes. La première année à L’Escale, je l’ai trouvée difficile, mais ici on m’a aidée à acquérir une bonne structure. Par la suite, tout s’est mis à bien aller. Aujourd’hui, je suis en secondaire 5 partout », raconte celle qui se dit fière d’avoir persévéré. 

Le soutien de ses parents, ainsi que celui de l’équipe de L’Escale, a joué un rôle clé dans son cheminement. Ce qui l’a surtout motivée, dit-elle, c’était l’objectif d’obtenir son diplôme. Elle n’a jamais réellement envisagé d’abandonner, gardant toujours ce but en tête. Daphnée n’a pas encore fait son choix quant à un domaine en particulier, mais elle aimerait bien aller au cégep. « Je m’intéresse à beaucoup de choses. J’aimerais avant tout avoir un travail qui me passionne. Il me reste à découvrir dans quelle branche ce sera. »

Pour elle, la persévérance scolaire, c’est de continuer, même si c’est souvent difficile. « L’école, ce n’est pas pareil pour tout le monde. Certains rencontrent des difficultés en mathématiques ou dans d’autres matières, mais l’important est de travailler fort jusqu’à ce que tu atteignes tes objectifs. »

Si elle avait un conseil à offrir à ceux et celles qui pourraient vivre la même situation qu’elle, ce serait de ne pas abandonner et de persévérer, peu importe si certaines personnes ne croient pas en toi. « Quand tu arrives à ton but, c’est une grande fierté. »

Le parcours scolaire de Jakob n’a pas été facile. Expulsé de plus d’une école en raison de son comportement, des difficultés de concentration ont aussi miné sa motivation. Il a abandonné le secondaire, ignorant ce qu’il voulait faire dans la vie. « Je suis allé rencontrer des personnes qui m’ont aidé à régler certains problèmes et à comprendre qui j’étais. J’ai recommencé l’école à L’Escale en 2018, mais je ne savais pas plus ce que je voulais faire et ce qui m’intéressait. »

Au cours des années, il a occupé des emplois qui lui ont fait comprendre qu’il ne pouvait pas continuer ainsi. « Je gagnais 400 $ par semaine et j’ai réalisé que tu n’arrivais pas à grand-chose avec ce salaire. Je me disais que je ne pouvais pas avoir un travail que je n’aimerais pas et qui ne me donnerait pas le goût de me lever le matin. Il fallait que je me trouve un but. »

Le déclic est arrivé avec le métier de policier et c’est à partir de ce moment qu’il a trouvé la motivation nécessaire. Il avait enfin défini son objectif. Ayant presque terminé toutes ses matières, il est sur le point d’obtenir son diplôme du secondaire et pourra s’inscrire en techniques policières. « Je crois que la motivation, c’est la clé. Il y a plusieurs personnes qui ne réussissent pas dans le cheminement régulier parce qu’elles n’ont pas l’intérêt. Ça ne veut pas dire qu’elles sont moins intelligentes que les autres. Dès que tu as un but, ça devient plus facile parce que tu veux tout faire pour l’atteindre. »

Malgré les embuches, Jakob est heureux d’être là où il est rendu aujourd’hui. « J’ai 22 ans et je me dis que j’aurais pu avoir terminé et être policier en ce moment. C’est un peu un regret, mais comme je me dis souvent, rien n’arrive pour rien. Cela m’a quand même donné une expérience qui pourra m’aider par la suite. »

Pour Jakob, la persévérance scolaire consiste à se fixer un objectif, trouver quelque chose qui t’intéresse et qui te motive à réussir à l’école. « Quand tu l’as, il ne faut pas que tu abandonnes, même s’il y a des moments plus difficiles. Il faut garder la tête haute et ne pas se laisser distraire ou abattre par ceux qui ne croient pas en toi. Si toi tu sais ce que tu veux, c’est ça l’important. »

Jakob Ferland

Des défis personnels à surmonter

Pour la directrice de la Polyvalente de Thetford, Claudia Vachon, proposer le nom de Clara Egloff dans le cadre de ce reportage était tout naturel. « Après avoir consulté l’équipe de professionnels, puis les directions de l’école, nous cherchions des élèves qui se sont démarqués par un parcours qui n’est pas nécessairement standard, mais qui n’ont pas arrêté de cheminer positivement. Clara a un parcours différent et,résidence malgré toutes les situations difficiles qui sont arrivées, elle a continué de travailler fort, à croire en elle et elle n’a pas hésité à demander de l’aide quand elle en avait besoin. Ça donne une belle élève de secondaire 5 qui va bientôt obtenir son diplôme. »

Le parcours de Clara a particulièrement été marqué par des difficultés familiales et d’immigration, ne possédant toujours pas sa résidence permanente après six ans de démarches. L’école est peu à peu devenue son port d’attache, occupant une place essentielle dans sa vie. Le soutien des professionnels de la polyvalente, des enseignants et de ses amis a d’ailleurs été important. 

« Le chamboulement causé par tous les problèmes que j’ai eus était difficile. À peine un souci réglé, un autre apparaissait, puis encore un autre. J’en avais un peu marre. J’ai donc dû, à plusieurs reprises, demander de l’aide », explique-t-elle.

Chaque fois qu’elle se demandait comment s’en sortir, elle trouvait du réconfort dans ses passions : l’art et le sport. « Quand je n’allais pas bien, je dessinais un peu ou j’allais marcher pour prendre l’air. J’ai un grand besoin de bouger et je suis une personne très anxieuse. Le sport me permet de me reposer un peu le cerveau et de penser à autre chose. »

Pour elle, la persévérance scolaire, c’est d’arriver à ce que tu veux faire malgré les problèmes que tu rencontres. La jeune femme souhaite à son tour aider les autres, en poursuivant ses études en techniques d’éducation spécialisée.

« Clara est une belle fierté. C’est pour les enfants comme elle que nous travaillons, pour les aider à s’accomplir », affirme Mme Vachon.

Clara Egloff

La persévérance dans un nouveau milieu

Isabella Morales Carrillo, élève de secondaire 4 à la Polyvalente de Black Lake (PBL), en est à sa deuxième année au Québec après être arrivée du Mexique avec sa mère et sa sœur. D’après Isabelle Vien, conseillère d’orientation à la PBL, l’adolescente a brillamment surmonté les défis liés à l’apprentissage d’une nouvelle langue et à l’adaptation à une culture différente. 

« Quand elle est arrivée ici, elle ne parlait pas du tout le français, seulement l’espagnol. Plutôt réservée et gênée, elle n’a pas hésité à foncer. Elle a travaillé fort et elle a rapidement pu commencer à communiquer et à effectuer le travail demandé. Elle a toujours su poser des questions et demander de l’aide au besoin. Ça n’a pas été facile au début, mais nous sommes fiers d’elle puisqu’en dépit de cela, elle obtient de belles notes dans ses cours. Elle a aussi réussi à s’intégrer à notre école et à se faire des amis. »

Pour y parvenir, Isabella a beaucoup travaillé en dehors des cours, notamment chez elle les soirs et les fins de semaine, afin de bien comprendre la matière. « Par exemple, en sciences et en histoire, je me pratiquais à la maison avec ma mère. Elle me posait des questions et je répondais. Je regardais les définitions pour savoir ce que ça voulait dire », explique-t-elle.

Bien entendu, apprendre la langue française a d’abord été son plus grand défi. Outre sa famille, ses amis à l’école ainsi que les membres du personnel l’ont beaucoup aidée dans son cheminement. 

Se disant fière de ce qu’elle a réussi à accomplir jusqu’ici, ses objectifs pour la suite sont d’obtenir son diplôme du secondaire et se diriger dans une formation en coiffure. Pour elle, la persévérance scolaire est de tout faire et mettre beaucoup d’efforts afin d’arriver à ton but et c’est dans cette voie qu’elle entend poursuivre.

Isabella Morales Carrillo

Quelques données…

Sur le territoire du Centre de services scolaire des Appalaches (CSSA), le taux de diplomation et de qualification au

secondaire après cinq ans est de 64,4 %, en baisse de 1,2 % par rapport à la cohorte précédente (statistiques de 2023-2024). Cette donnée est toutefois supérieure à la moyenne du Québec qui se situe à 63,9 %, en baisse de 4,5 %. Sur sept ans, le taux de diplomation et de qualification a connu une légère augmentation de 0,5 %, pour s’établir à 76,5 % au CSSA. Cela est toutefois quelques points en dessous de la moyenne provinciale de 79,3 %.