Un projet innovant pour capter et séquestrer le CO2 dans les plans à Thetford Mines
La firme montréalaise Deep Sky, spécialisée dans la captation et la séquestration du dioxyde de carbone (CO2), a pour objectif de positionner la ville de Thetford Mines en tant que chef de file mondial dans la décarbonation, dans le but de lutter contre les changements climatiques.
Le mardi 14 janvier, deux représentants de l’entreprise étaient de passage à l’Espace entrepreneuriat région de Thetford (E2RT) pour partager avec les acteurs économiques et politiques les objectifs ainsi que les avantages et opportunités liés à l’implantation de leur projet dans la région.
« Nous voulons faire de Thetford Mines un exemple pour le monde entier. Ce serait l’équivalent de l’Arabie Saoudite, mais dans l’autre sens. Nous souhaitons que cela se fasse ici », a déclaré Geneviève Elie, directrice des politiques publiques et des affaires réglementaires (Québec) chez Deep Sky.
Elle a expliqué que les concentrations records de carbone dans l’atmosphère sont à l’origine de la crise climatique actuelle. Au cours des 150 dernières années, 800 gigatonnes de CO2 ont été libérées pour soutenir l’évolution de nos modes de vie. « Nous ressentons actuellement les effets des émissions qui ont eu lieu il y a 10 à 50 ans. De plus, une fois libéré, le CO2 reste dans l’atmosphère pendant 300 ans. Donc, même si nous arrêtions d’en libérer aujourd’hui, les impacts persisteraient pendant des générations. »
Selon Mme Elie, il est essentiel de réduire les émissions de CO2, mais aussi de retirer le dioxyde de carbone déjà présent dans l’atmosphère. Pour ce faire, Deep Sky collabore avec plusieurs partenaires internationaux afin d’acquérir la meilleure technologie disponible. « Nous utilisons un ventilateur qui aspire l’air ambiant vers un filtre sorbant permettant de capter le CO2. Celui-ci est ensuite mélangé avec de l’eau, ce qui produit un acide carbonique. Cet acide peut alors être injecté dans de la roche, à environ un kilomètre sous terre, de manière permanente et durable. Au contact de la roche, le CO2 réagit avec le magnésium et se transforme en minéraux solides. »
Cette réaction chimique permet également de dégager de l’hydrogène. Deep Sky collabore actuellement avec diverses universités pour explorer la possibilité de récupérer ce vecteur d’énergie dans le futur.
Mme Elie a précisé que le CO2 serait stocké bien en dessous des nappes phréatiques. « Il n’y a aucun risque de contamination. Nous travaillons d’ailleurs avec l’Institut national de recherche scientifique (INRS) pour nous assurer de la sécurité du processus. »
Le meilleur endroit au monde
La firme montréalaise a choisi d’implanter son projet sur le site de la mine British Canadian, dans le secteur Black Lake, en raison de son fort potentiel de minéralisation du carbone.
« Cette méthode de captation et de séquestration est déjà utilisée en Islande, où la minéralisation prend deux ans. À Thetford Mines, nos résultats préliminaires indiquent que 70 % du CO2 injecté se minéralise en seulement deux mois et les 30 % restants en douze mois. Cela dépasse toutes nos attentes », a exprimé Geneviève Elie.
Actuellement, Deep Sky prévoit investir plus de 530 millions $ pour la construction d’un premier puits d’injection de CO2. La durée du projet serait de 30 ans. Plus de 500 emplois seraient créés durant les travaux et plus de 120 emplois permanents locaux sont prévus par la suite.
Elle envisage de capter un million de tonnes de CO2 par an avec un seul puits, soit l’équivalent de 200 000 voitures. Cette capacité est considérée comme conservatrice. « Nous parlons d’un puits pour commencer. Chaque installation devra être située à une distance de deux à trois kilomètres. Nous devrons réaliser d’autres études géochimiques et géophysiques pour déterminer le nombre total de puits que nous pourrons implanter », a indiqué Mme Elie.
Deux importants défis
Bien qu’elle affirme être prête à commencer ses travaux sur le terrain, Deep Sky doit faire preuve de patience. « Au Québec, nous n’avons pas de cadre législatif et réglementaire, contrairement à l’Alberta où nous sommes déjà en activité. Le gouvernement provincial travaille d’arrache-pied pour en établir un. Nous pouvons commencer nos tests, mais nous devons attendre avant d’injecter le CO2 à grande échelle. »
Le deuxième défi, qui n’est pas en reste, concerne la disponibilité de l’énergie. « Les besoins sont davantage liés à la captation qu’au stockage. Nous avons déposé des demandes à Hydro-Québec pour obtenir trois blocs de 35 mégawatts chacun, qui seraient échelonnés, mais aussi interruptibles, car nous pouvons arrêter nos machines pendant les périodes de pointe. »
Si tout se passe bien, Deep Sky envisage de réaliser des travaux de forage en mai prochain et de procéder à des tests d’injection pendant une période d’un an à compter du mois de juin.
À noter que la population sera invitée à appuyer ce projet. Une séance d’information est prévue le 10 février. Les détails seront dévoilés ultérieurement.
Un projet prometteur
Le directeur général d’Investissement et Développement Thetford, Luc Rémillard, considère qu’il s’agit d’un projet prometteur qui s’inscrit dans la continuité des efforts pour la revalorisation des résidus miniers amiantés. « Cela prend une direction inattendue que nous n’aurions pas envisagée il y a quelques années. Les avancées en recherche et développement ouvrent des perspectives très intéressantes. Plusieurs dizaines de bons emplois y sont associés et nous ne pouvons qu’y être favorables. »
Il a ajouté que le défi énergétique est présent dans toutes les régions, d’où l’importance des nombreuses rencontres tenues au cours des derniers mois avec différents ministres du gouvernement Legault. « Nous avons beaucoup de projets et nous aurons besoin de réserves d’énergie dans les années à venir pour appuyer tout ce développement vert. »
Un partenaire sérieux
Pour le président de la compagnie minière Mazarin et de sa filiale, la Société Asbestos, Guy Bérard, Deep Sky est un partenaire sérieux et bien financé. Il a déclaré avoir une grande confiance en ce partenariat. « À l’échelle mondiale, l’entreprise pourrait réaliser son projet partout, mais elle a choisi Thetford Mines pour démontrer son efficacité. Je suis très excité. C’est carrément le processus inversé d’un puits de pétrole. Ce serait fantastique que la région devienne le début des poumons de l’univers. Je pense que c’est vers cela que nous allons. »
Bien informer la population
La directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie de la région de Thetford, Suzanne Lacombe, s’est également réjouie de ce projet. « Nous allons nous assurer de bien informer et sensibiliser la population, puis inviter nos entrepreneurs à répondre présents. Nous devons rapidement faire connaître ce dossier à la population. »
Elle estime que cela permettra d’augmenter le sentiment d’appartenance à la région et de fierté. « Nous serons des ambassadeurs et demanderons à nos membres d’être de bons agents de communication », a-t-elle conclu.