Une conseillère de Beaulac-Garthby réclame la mise sous tutelle de la Municipalité
La conseillère Manon Jolin interpelle le ministère des Affaires municipales pour une seconde fois afin que Beaulac-Garthby soit mise sous tutelle. Elle estime que les choses sont hors de contrôle et que le maire Gilles Drolet n’a aucun respect, tant pour la population que pour les processus démocratiques. À son avis, la situation ne peut perdurer une année de plus, sous peine de laisser des séquelles permanentes à la municipalité.
Il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que Beaulac-Garthby fait les manchettes pour les mauvaises raisons à cause des querelles intestines qui déchirent le conseil municipal, opposant les élues Manon Jolin et Christina Pinard aux autres membres autour de la table.
Mme Jolin croit que le gouvernement du Québec doit intervenir pour rétablir une gouvernance saine et respectueuse des lois et règlements. « Nous avons des responsabilités. Considérant toutes les anomalies constatées qui ne datent pas d’hier, la situation ne devient plus tolérable. […] Les décisions que nous prenons sont un peu nébuleuses. De plus, depuis l’arrivée du maire Drolet, sept employés ont démissionné, sont en congé maladie ou ont été congédiés », a-t-elle mentionné au Courrier Frontenac.
Dans sa lettre envoyée au ministère des Affaires municipales, la conseillère déplore près d’une vingtaine de points. Il est notamment question du manque de respect flagrant du maire envers les citoyens, citant la séance publique du 4 novembre dernier où il a traité un contribuable de « retardé ». « Gilles Drolet a toujours été au-dessus de tout. Il rabaisse les gens quand ils ne sont pas nécessairement d’accord avec lui. Il le fait continuellement avec moi et avec les citoyens. »
Interpellé à ce sujet, le maire a affirmé avoir reconnu sa faute. « Un moment donné, quand tu es harcelé par des questions posées par des gens dans l’assistance, mais dirigées par les conseillères en question [Manon Jolin et Christina Pinard], tu finis par perdre le contrôle. Je me suis échappé ce soir-là et je me suis excusé lors de la dernière séance. Je ne peux pas faire plus. Je regrette de l’avoir dit. »
HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE ET EXCLUSION
Selon Manon Jolin, de nombreuses situations de harcèlement psychologique ont cours envers des conseillères, mais également à l’endroit d’employés municipaux et de citoyens qui, à son avis, ont le courage de poser des questions lors des séances publiques.
Sa collègue Pinard reproche entre autres à Gilles Drolet de leur avoir fait croire pendant huit mois qu’elles faisaient l’objet d’une plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) pour harcèlement psychologique. « Ce n’était même pas vrai. C’est très grave. En séance publique, il sous-entend des faussetés à notre propos. De plus, il nous discrédite continuellement. »
D’après Manon Jolin, des situations d’exclusion de certains membres du conseil municipal sont aussi fréquemment répertoriées, notamment en raison de la formation d’un comité stratégique par le maire, où la majorité des décisions sont prises en présence exclusive des élus qu’il choisit.
« Ce comité n’aurait jamais dû exister. Dès le départ, le maire Drolet aurait dû inclure tout le monde. Je crois que c’est ce qui empêche que nous soyons capables de nous entendre. […] Ce comité se réunit régulièrement. Les élus qui y siègent exercent un monopole. Ils prennent les décisions et, quand nous arrivons en séance publique, nous n’avons pas les informations. Nous posons des questions et cela les dérange. Nous n’avons pas le choix de voter contre, car l’information que nous avons est tellement nébuleuse. Nous avons la responsabilité de nous assurer que les actions prises par la Municipalité sont bien menées », a-t-elle soutenu.
Elle estime que les personnes qui acquiescent à toutes les volontés du maire sans trop de questionnements se portent complices et devront en assumer les conséquences.
Pour sa part, le maire Drolet pense que Manon Jolin devrait d’abord se présenter aux ateliers de travail avant de critiquer. « Elle devrait aussi se déplacer aux séances publiques, puis quand elle le fait, être respectueuse. Son attitude et son comportement dérangent les gens à côté d’elle. Elle ne respecte nullement le décorum d’une assemblée publique. Même lorsque j’essaie de l’arrêter et de la remettre à sa place, elle continue à parler et agit comme si elle était toute seule au monde », a-t-il rétorqué.
Il ne croit pas que la création d’un comité stratégique restreint soit au cœur du problème. « Lorsque j’étais conseiller, Manon Jolin et Christina Pinard ont exercé des pressions contre l’ancien maire Jean-Sébastien Bergeron. Elles l’ont menacé de toutes sortes de choses et il a démissionné. Elles favorisent des amis dans la communauté qui veulent obtenir des faveurs. Malheureusement pour elles, les autres membres du conseil ne se sont pas laissés embarquer là-dedans. […] Je me suis fait conseiller par des juristes d’expérience en matière municipale. Ma façon de travailler est tout à fait légale, mais ça ne fait pas leur affaire. »
Ces allégations ont été démenties par Christina Pinard.
GESTION FINANCIÈRE
Dans sa requête auprès du ministère des Affaires municipales, Manon Jolin reproche aussi au maire de s’être accordé le mandat d’être l’investigateur des finances de Beaulac-Garthby après que de nombreuses irrégularités aient été soulevées au cours de la dernière année et demie. Depuis, il refuserait selon elle de répondre à toutes les questions liées aux finances de la municipalité.
« Les droits de mutation n’ont pas été perçus depuis un an et les paiements des taxes municipales du mois d’août n’ont pas été encaissés. Ce n’est pas digne d’une bonne gestion financière. Depuis l’arrivée de la nouvelle directrice générale par intérim, il y a deux mois, c’est elle qui mène l’investigation avec le maire. M. Drolet n’a même pas le droit de faire cela. Il est en conflit d’intérêts de tous bords, tous côtés. »
En réponse, Gilles Drolet a déclaré qu’en date du 10 décembre, les taxes municipales avaient pratiquement toutes été perçues. Il a toutefois précisé qu’il n’avait pas vérifié concernant les droits de mutation. « Nous avons décelé des problèmes au niveau de la comptabilité et nous travaillons à régulariser la situation. […] Contrairement à ce que les gens disent, la seule personne dans une municipalité qui est habilitée à faire une enquête, c’est le maire. Cela ne veut toutefois pas dire que je ne m’entoure pas de personnes pour m’accompagner. Dans le cas présent, je travaille avec la directrice générale par intérim, en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. Nous donnerons éventuellement un contrat à une firme de comptables. »
PERSONNALITÉS INCOMPATIBLES
Le maire de Beaulac-Garthy pense que Manon Jolin est complètement asociale, antidémocratique et ne travaille que pour ses propres intérêts. Sa sortie publique serait, selon lui, une stratégie à des fins politiques. La conseillère a rejeté cette affirmation.
« Mon idée est déjà faite. Je ne me représenterai pas aux prochaines élections. J’ai mis suffisamment d’efforts et d’énergie ces dernières années pour dénoncer ce manque de suivi au niveau des règles et des normes. Si personne ne comprend rien, je n’ai plus d’affaire là. Il faut que les hauts fonctionnaires soient capables de mettre leurs culottes pour analyser la situation correctement et prendre les bonnes décisions. »
Elle croit pour sa part que le maire Drolet devrait tirer sa révérence. « C’est ce que je souhaiterais pour le bien-être des citoyens qui doivent savoir que Beaulac-Garthby est une municipalité qui va de travers. Tout cela est dû à l’entêtement du maire. Il a la même attitude que lorsqu’il était policier. Ce n’est pas politiquement correct. »
Gilles Drolet a exprimé ne pas être trop inquiet pour l’avenir. « Je travaille déjà en collaboration avec le ministère des Affaires municipales. Et contrairement à ce que Mme Jolin dit, la municipalité va très bien. Nous avons eu des lacunes et nous les corrigeons. Il faut toutefois prendre le temps de le faire », a-t-il conclu.