Le chef militaire du Soudan réclame la révocation de l’envoyé de l’ONU

LE CAIRE — Le dirigeant militaire soudanais a exigé dans une lettre au secrétaire général des Nations unies que l’envoyé de l’ONU dans son pays soit démis de ses fonctions, ont indiqué samedi des responsables. Le chef de l’ONU a été «choqué» par la lettre, selon un porte-parole.

L’envoyé, Volker Perthes, a été un médiateur clé au Soudan, d’abord pendant les tentatives agitées du pays pour passer à la démocratie, puis après l’aggravation des tensions entre les rivaux militaires qui ont explosé en combats ouverts le mois dernier.

Les combats opposent les troupes fidèles au chef militaire, le général Abdel-Fattah Burhan, à un puissant groupe paramilitaire, les Forces de soutien rapide (FSR), dirigées par le général Mohammed Hamdan Dagalo.

La lettre de M. Burhan au secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a été reçue vendredi.

«Le secrétaire général est choqué par la lettre qu’il a reçue ce matin, a déclaré le porte-parole de l’ONU, Stéphane Dujarric. Le secrétaire général est fier du travail accompli par Volker Perthes et réaffirme son entière confiance en son représentant spécial.»

M. Dujarric n’a pas révélé le contenu de la lettre. Un haut responsable militaire soudanais a affirmé que la lettre du chef militaire demandait à M. Guterres de remplacer M. Perthes qui a été nommé au poste en 2021.

Selon le responsable, le général Burhan a accusé M. Perthes «d’être partisan» et que son approche dans les pourparlers d’avant-guerre entre les généraux et le mouvement pro-démocratie a contribué à enflammer le conflit. Les pourparlers visaient à rétablir la transition démocratique du pays, qui a été mise à mal par un coup d’État militaire en octobre 2021.

Le responsable a parlé sous couvert d’anonymat, car il n’était pas autorisé à informer les médias.

Plus tard samedi, le département d’État américain a déclaré qu’il soutenait M. Perthes et qu’il «continue d’avoir notre confiance». Une déclaration du porte-parole Matthew Miller soutenait que le département était inquiet «face à la lettre des forces armées soudanaises appelant à la démission (de M. Perthes)».

M. Perthes a refusé de commenter la lettre.

La lettre du général Burhan est arrivée après que l’envoyé de l’ONU a accusé les parties en conflit de ne pas respecter les lois de la guerre en attaquant des maisons, des magasins, des lieux de culte et des installations d’eau et d’électricité.

Dans son  breffage au Conseil de sécurité de l’ONU plus tôt cette semaine, M. Perthes a blâmé les chefs de l’armée et les FSR pour la guerre, affirmant qu’ils avaient choisi de «régler leur conflit non résolu sur le champ de bataille plutôt qu’à la table».

Le général Burhan a accusé M. Perthes l’année dernière d’avoir «outrepassé le mandat de la mission de l’ONU et d’ingérence flagrante dans les affaires soudanaises». Il a menacé de l’expulser du pays.

Des femmes et des filles violées

Les combats en cours ont éclaté à la mi-avril entre les militaires et les puissantes FSR. MM. Burhan et Dagalo ont tous deux mené le coup d’État de 2021 qui a renversé le gouvernement du premier ministre Abdalla Hamdok, soutenu par l’Occident. 

Les combats ont transformé la capitale de Khartoum et la ville adjacente d’Omdurman en un champ de bataille. Les affrontements se sont également propagés ailleurs dans le pays, notamment dans la région ravagée par la guerre du Darfour.

Le conflit a tué des centaines de personnes, en a blessé des milliers en plus de pousser le pays au bord de l’effondrement. Il a forcé plus de 1,3 million de personnes à quitter leur foyer pour se rendre dans des zones plus sûres à l’intérieur du Soudan ou dans des pays voisins.

Des violences sexuelles, notamment des viols de femmes et de filles, une pratique courante dans les guerres et les bouleversements politiques du Soudan, ont été signalées à Khartoum et au Darfour depuis le début des combats.

L’unité de lutte contre la violence à l’égard des femmes, un groupe dirigé par le gouvernement, a déclaré vendredi avoir reçu des informations faisant état d’au moins 24 cas d’agressions sexuelles à Khartoum et de 25 autres cas au Darfour.

L’unité, qui suit les violences contre les femmes, a mentionné que la plupart des survivants ont signalé que les assaillants portaient l’uniforme des FSR et se trouvaient dans des zones de Khartoum contrôlées par des points de contrôle des FSR. 

La FSR n’a pas voulu commenter l’affaire. 

Les parties impliquées dans le conflit ont convenu d’un cessez-le-feu d’une semaine, négocié par les États-Unis et l’Arabie saoudite. Cependant, la trêve, qui doit expirer lundi soir, n’a pas arrêté les combats dans certaines parties de Khartoum et ailleurs dans le comté.

Des habitants ont fait état d’affrontements sporadiques samedi dans certaines parties d’Omdurman, où des avions de l’armée ont été aperçus survolant la ville. Des combats ont également été signalés à al-Fasher, la capitale provinciale du Nord-Darfour.