Débat des chefs en français: tir groupé sur le chef libéral Mark Carney

MONTRÉAL — Sans surprise, le libéral Mark Carney, et meneur de la course électorale, a été la principale cible des attaques dans un débat des chefs en français qui se tenait mercredi soir à Montréal.

Le chef bloquiste Yves-François Blanchet a d’abord lancé le bal, reprochant à M. Carney de ne pas travailler de façon collaborative avec les autres partis afin de répondre au président américain Donald Trump. Il a, du même souffle, mis en doute les compétences du chef libéral.

«Vous vous revendiquez de l’expertise en gestion de crise. Je n’en ai vu aucune (…) On doit prendre votre parole, sans expérience en politique», a lancé M. Blanchet.

À plusieurs reprises, le chef conservateur, Pierre Poilievre, a reproché à son adversaire libéral d’avoir été un conseiller économique de Justin Trudeau et de répéter les mêmes promesses électorales. «Vous êtes juste comme Justin Trudeau. (…) Vous n’êtes pas du changement», a-t-il envoyé.

«Je viens d’arriver», a lancé plusieurs fois M. Carney pour se défendre. Une réponse «commode», lui a répliqué à un certain point M. Blanchet.

Lorsque M. Carney a reproché à M. Poilievre de vouloir financer des baisses d’impôts avec l’argent amassé avec les mesures de riposte aux droits de douane américains, le chef conservateur lui a coupé la parole.

«Vous voulez les augmenter tout le temps (les impôts). Vous êtes un libéral. Vous aimez augmenter les impôts», a envoyé M. Poilievre.

Tant le chef du Bloc québécois, Yves-François Blanchet, que celui du Nouveau Parti démocratique (NPD), Jagmeet Singh, lui ont reproché de proposer respectivement des «budgets Harry Potter» et de proposer «de la magie».

L’animateur du débat, Patrice Roy, n’a pas manqué de servir une remontrance par rapport à la situation presque inédite qu’aucun des partis sur son plateau n’ait dévoilé son cadre financer, soit le coût de leurs promesses, une situation qu’il juge «totalement irresponsable».

M. Blanchet a affirmé que les conservateurs veulent «couper, couper, couper» et que les libéraux, eux, veulent couper les revenus tout en augmentant les dépenses, ce que «personne n’a jamais réussi».

Le chef néo-démocrate a reproché au libéral de ne pas mettre en priorité les travailleurs canadiens, ayant choisi dans ses premiers jours comme premier ministre d’avoir trouvé «le temps de rencontrer le roi», mais pas d’augmenter le montant que les chômeurs reçoivent lorsqu’ils perdent leur emploi en raison de la guerre commerciale.

Et entre deux moments où M. Carney déchirait, pliait et manipulait ses notes, les chefs du NPD et du Bloc ont tous deux plaidé pour un gouvernement minoritaire. Mais les couteaux ont parfois volé bas alors que M. Singh a accusé M. Blanchet d’être «aussi inutile que la monarchie».

Le chef bloquiste a souligné à grands traits que les libéraux sont très prompts à défendre l’industrie automobile «bing, bang, (…) parce qu’on « shake » dans nos culottes», alors qu’il n’y a «rien» d’Ottawa pour soutenir l’aluminium ou la forêt. «Il faut que le Québec ait son bout», a-t-il insisté.

Quant à M. Poilievre, il s’est adressé à plusieurs reprises directement à la caméra et a souvent mis l’accent sur sa promesse de baisser les impôts.

Le segment du débat portant sur l’énergie et le climat a donné lieu à des échanges musclés.

M. Blanchet a notamment accusé M. Poilievre de faire du «déni climatique» et de formuler «la phrase la plus creuse» qui soit en ayant déclaré qu’il n’y a «pas d’acceptabilité sociale pour le statu quo».

«Quand il mouille, il ne fait pas soleil. Ça ne veut rien dire», a rétorqué le chef bloquiste.

Il a aussi accusé le chef libéral de vouloir imposer aux Québécois la construction d’un pipeline, ce que ce dernier a nié.

Malgré des échanges tendus, tant M. Carney que M. Poilievre se sont dits en faveur d’une augmentation de la production de pétrole au Canada.

«Oui (pour) plus de pétrole (afin) réduire nos importations, surtout nos importations des États-Unis, un pays qui nous menace», a dit le chef libéral.

«Mais afin de faire ça, il faut avoir le pétrole de bas risque – c’est clair que c’est à bas risque ici au Canada, c’est presque, plus ou moins comme ça – et bas carbone. Parce qu’il faut être compétitif à long terme. Il faut avoir, en même temps que des pipelines, réussir avec le stockage de carbone», a-t-il ajouté.

En se faisant questionner sur l’aide étrangère, Pierre Poilievre a fait sortir de ses gonds Jagmeet Singh lorsqu’il a déclaré qu’Ottawa ne devrait pas verser des fonds à l’organisme de l’ONU qui vient en aide à Gaza, puisque, plaide-t-il, des employés ont pris part aux attaques du 7 octobre en Israël.

«Ce que vous avez dit par rapport à UNRWA, c’est dégueulasse. (…) Vous avez appelé tout l’organisme comme (étant) une organisation terroriste. (…) Ça fait la promotion de la haine», s’est indigné le chef néo-démocrate.

En fin de débat, M. Singh s’est plaint que l’animateur – qui lui avait précédemment coupé le micro – l’a empêché de soulever l’enjeu des soins de santé pour lequel il est «passionné».

«C’est injuste», a-t-il envoyé en accusant au passage les autres chefs de vouloir couper dans ce qui fait selon lui partie de l’identité canadienne

Initialement, le cochef du Parti vert, Jonathan Pedneault, avait été invité à participer à la joute oratoire, mais la Commission des débats des chefs a annulé sa participation puisque la formation politique ne respectait plus les critères d’admissibilité.