Inquiétudes sur les effets pervers du plafond pour les étudiants étrangers diplômés
TORONTO — Des experts et des militants s’interrogent sur l’opportunité de plafonner le nombre d’étudiants étrangers qui sont à la maîtrise ou au doctorat, comme le prévoit maintenant le gouvernement fédéral, et ils suggèrent que cette mesure pourrait provoquer un exode de cerveaux brillants.
Les étudiants qui sont à la maîtrise, au doctorat ou au postdoctorat étaient jusqu’ici exemptés du plafond pour les visas d’étudiants étrangers que le ministre de l’Immigration, Marc Miller, avait annoncé en janvier. Mais ces étudiants sont maintenant inclus dans une nouvelle réduction du nombre de visas d’étudiant qu’il a annoncée cette semaine, de concert avec d’autres mesures qui visent à ajouter de la stabilité à une population sans cesse croissante de résidents temporaires au Canada.
Ian Wereley, directeur général de l’Association canadienne pour les études supérieures, déplore que la nouvelle soit tombée sans avertissement ni consultation.
«Tous ceux à qui j’ai parlé ont été surpris ou même pris au dépourvu par cette annonce», a-t-il soutenu dans un courriel, décrivant son secteur comme «déjà en état de crise». Cette mesure selon lui inflige «des dommages importants» à la réputation du Canada en tant que destination d’éducation internationale.
Le ministre Miller a reconnu dans son annonce mercredi que les types d’étudiants qui viennent au Canada pour poursuivre des études de maîtrise et de doctorat sont «mieux préparés» à réussir au pays et qu’ils répondent bien aux besoins du marché du travail canadien.
C’est pourquoi 12 % des visas d’étudiants étrangers seront réservés aux étudiants déjà munis d’un diplôme de premier cycle, a-t-il déclaré. Son bureau a précisé plus tard que ce plafond de 12 % correspondait à leur proportion au sein de la population étudiante en général.
Des chiffres partagés par U15 Canada, une association de 15 grandes universités de recherche du Canada, suggèrent que les niveaux actuels d’étudiants diplômés sont déjà inférieurs au nouveau plafond de 12 % et que ces étudiants ne font pas partie de la population croissante de résidents temporaires qu’Ottawa tente de gérer.
Les calculs internes de l’association ont révélé que même si le plafond de 12 % avait été imposé, il y aurait encore eu de la place pour des milliers d’étudiants supplémentaires l’année dernière et un nombre encore plus grand cette année. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada n’a pas immédiatement répondu à une demande de chiffres plus récents.
Le PDG de U15 Canada, Chad Gaffield, affirme que les programmes d’études supérieures, qui sont en compétition pour attirer les plus brillants cerveaux du monde entier, ne sont pas vraiment responsables de la mauvaise gestion en immigration pour les étudiants étrangers.
«Je n’ai entendu aucune justification», a-t-il déclaré, pour laquelle les étudiants diplômés devraient faire partie du plafond — qui, comme l’ont déjà montré les recherches, fait que moins d’étudiants postulent pour venir au Canada.
Interrogé sur cette justification, le cabinet du ministre Miller a expliqué que l’objectif est d’empêcher les mauvais acteurs de trouver des moyens de contourner les règles. «On voulait empêcher des établissements d’enseignement de créer de faux programmes d’études supérieures juste pour trouver une échappatoire», a déclaré la porte-parole, Aissa Diop.
Un environnement très compétitif
Pour M. Gaffield, il existe un risque que les universités de recherche — et par extension, les secteurs qui ont besoin de professionnels ayant une formation hautement spécialisée — deviennent des «dommages collatéraux» dans les efforts du gouvernement pour réduire le nombre de résidents temporaires et lutter contre la fraude.
Les universitaires les plus talentueux du monde jonglent généralement avec de multiples offres, souvent de plusieurs pays, a-t-il déclaré, ce qui fait de ce secteur un «environnement très, très compétitif».
Alors que le Canada s’est bâti une réputation au fil des décennies pour les accueillir à bras ouverts, M. Gaffield croit que les choses viennent de changer. «On envoie le message que le Canada n’est pas aussi accueillant que nous l’avons été traditionnellement.»
Steve Orsini, président et directeur général du Conseil des universités de l’Ontario, ajoute que le plafond crée «une complexité supplémentaire au processus de candidature» et pourrait dissuader des étudiants hautement qualifiés de choisir le Canada. «Cela pourrait avoir un impact sur les diplômes d’études supérieures dans des domaines tels que l’ingénierie, les soins de santé, les sciences de la vie, l’IA et plus encore.»
André Côté, directeur des politiques et de la recherche à «The Dais», un groupe de réflexion de l’Université métropolitaine de Toronto, juge approprié l’objectif politique plus large de progresser vers des chiffres raisonnables. Mais l’annonce de cette semaine pourrait décourager certains étudiants très brillants, a-t-il admis.
En plus du plafond, Ottawa resserre les restrictions sur les permis de travail des conjoints pour certains étudiants. À partir de cette année, les conjoints d’étudiants en maîtrise ne pourront travailler au Canada que si le programme de leur partenaire dure au moins 16 mois.
Une avocate spécialisée en immigration, Barbara Jo Caruso, a convenu que les restrictions imposées aux conjoints peuvent être dissuasives pour les étudiants diplômés, d’autant plus que leurs programmes sont déjà très coûteux.
Mme Caruso, associée fondatrice du cabinet d’avocats Corporate Immigration à Toronto, n’est pas surprise de voir le gouvernement essayer d’améliorer la stabilité du système dans son ensemble. Mais elle se dit sceptique quant au succès de cette mesure spécifique, puisque la population d’étudiants diplômés ne représente au fond qu’une «goutte d’eau dans l’océan» du problème qu’Ottawa tente de résoudre.
«Il me semble qu’ils font des choses pour faire croire qu’ils font quelque chose, a-t-elle déclaré. Je ne peux pas vraiment imaginer qu’inclure maintenant les diplômés dans ce plafond va vraiment faire une si grande différence.»