La loi anti-scabs au fédéral entre en vigueur, «un jour historique», dit la FTQ

MONTRÉAL — C’est ce vendredi qu’entre en vigueur la loi anti-briseurs de grève au fédéral, qui avait été adoptée il y a un an, jour pour pour.
Applaudie par le milieu syndical, cette loi est cependant déplorée par le milieu des employeurs.
«Ça faisait des dizaines d’années qu’on sollicitait le gouvernement canadien pour adopter enfin une loi comme celle-là. C’est un jour historique pour nous et pour tous les travailleurs qui sont sous le Code canadien du travail», s’est exclamée en entrevue, vendredi, Magali Picard, présidente de la FTQ.
Au fil des ans, il aura fallu 19 tentatives de présentation de projets de loi pour parvenir à le faire adopter. Le Bloc québécois et le Nouveau Parti démocratique avaient déposé leur propre version à maintes reprises, avant que l’ex-ministre du Travail Seamus O’Regan le fasse, avec succès.
À la Fédération des chambres de commerce du Québec, la présidente-directrice générale, Véronique Proulx, y voit au contraire un obstacle. «C’est clair que, pour les entreprises de juridiction fédérale — je pense notamment aux ports, au chemin de fer, aux infrastructures de transport — on vient vraiment leur ajouter un peu plus de pression, un caillou de plus dans leur chaussure.»
Mme Proulx rappelle les répercussions économiques qu’ont eues les conflits de travail dans les ports et le chemin de fer, par exemple. «Pour nous, le gouvernement, avec cette loi-là, il ne vient pas régler un problème, il le complexifie», juge-t-elle.
De façon générale, la nouvelle loi interdit le recours à des travailleurs de remplacement pour exécuter les tâches qui sont normalement exécutées par des employés en grève ou en lock-out, par un employeur de compétence fédérale. Cela vise, par exemple, les entreprises de télécommunications, les banques, les transports ferroviaire et aérien.
Plus loin que la loi québécoise
La loi fédérale va plus loin que la loi québécoise, que le gouvernement de René Lévesque avait fait adopter en 1977, puisqu’elle inclut les employés qui sont en télétravail. Cette question de l’application des dispositions anti-briseurs de grève du Code du travail du Québec au télétravail se trouve présentement devant les tribunaux.
«Actuellement au Québec, notre loi anti-briseurs de grève est liée à une adresse, donc les employés qui travaillent à un endroit. Mais maintenant, avec le télétravail, avec le travail à domicile, ce n’est plus la réalité du monde du travail», affirme Mme Picard.
«Au fédéral, cette nouvelle loi, elle va faire en sorte que, si tu travailles pour une organisation ou un employeur, qu’il y a une grève, et que tu travailles à domicile, l’employeur ne pourra pas faire appel à toi ou à un briseur de grève qui travaillerait dans un autre lieu. Ça, c’est un amendement qu’on devra faire au Québec», a plaidé Mme Picard.
Elle déplore cependant que la loi fédérale ne s’applique pas à la fonction publique fédérale. Le plus grand syndicat de fonctionnaires fédéraux, l’Alliance de la fonction publique du Canada, est en effet affilié à la FTQ au Québec.
«L’absence, l’oubli, dans ça, c’est les fonctionnaires fédéraux. Et on va continuer, bien sûr, nos pressions. Et souhaitons que ça ne prenne pas 19 fois, 19 projets de loi différents pour faire en sorte qu’on ajuste ça», a lancé Mme Picard.
La loi prévoit des amendes pouvant atteindre 100 000 $ par jour à un employeur qui contreviendrait aux dispositions anti-briseurs de grève.