Les familles des victimes de Paul Bernardo auraient voulu être contactées plus tôt

OTTAWA — La famille d’une des victimes de Paul Bernardo a appris que le détenu allait être transféré dans une prison à sécurité moyenne du Québec uniquement le jour où le transfert a eu lieu — une situation qu’elle déplore, mais qui était conforme au protocole selon le Service correctionnel du Canada.

L’avocat Tim Danson, qui représente les familles de deux des victimes de Bernardo, a indiqué vendredi dans une lettre ouverte que la famille de Kristen French avait été informée du transfert du tueur et violeur en série seulement le matin du 29 mai.

«En début d’après-midi, on leur a dit que le transfert était terminé», a-t-il écrit dans une lettre adressée à Anne Kelly, la commissaire du Service correctionnel du Canada.

Bernardo purge présentement une peine d’emprisonnement à perpétuité pour l’enlèvement, la torture et le meurtre de Kristen French, 15 ans, et de Leslie Mahaffy, 14 ans, au début des années 1990 en Ontario.

Il a également été reconnu coupable d’homicide involontaire coupable en lien avec la mort de Tammy Homolka, qui est décédée après avoir été droguée et agressée sexuellement.

La jeune fille de 15 ans était la sœur de son épouse de l’époque, Karla Homolka, qui a obtenu sa libération conditionnelle en 2005 après 12 ans de prison pour son rôle dans les crimes commis contre Kristen French et Leslie Mahaffy.

Bernardo était jusqu’ici emprisonné à l’établissement à sécurité maximale de Millhaven, près de Kingston, en Ontario, mais il vient d’être transféré à l’établissement à sécurité moyenne de La Macaza, dans les Laurentides.

La lettre de Me Danson arrive au moment où la décision de transférer l’homme de 58 ans vers une autre prison crée des remous à Ottawa et à l’Assemblée législative de l’Ontario.

Cette semaine, le premier ministre de l’Ontario, Doug Ford, a demandé à Mme Kelly de démissionner – ou d’être congédiée – à la suite de cette décision.

Me Danson a souligné clairement dans sa lettre que les familles des victimes veulent que le transfert de Bernardo soit annulé. Il a également fait part de ses inquiétudes quant à la façon dont le service correctionnel fédéral a informé les familles des victimes de la décision controversée.

Le service correctionnel a confirmé dans ses communiqués publiés au cours de la dernière semaine qu’il avait informé les familles des victimes avant le transfert, ainsi qu’après qu’il se soit produit.

Dans sa lettre, Me Danson a cependant noté que la famille de Kristen French semblait l’avoir découvert uniquement le jour même.

De son côté, la famille Mahaffy a «la nette impression que le transfert avait déjà eu lieu, ou au mieux était imminent» lorsqu’elle a été contactée.

«Est-ce que quelqu’un au (Service correctionnel du Canada) comprend le chagrin dévastateur vécu par la famille Mahaffy à cette période de l’année?» a écrit Me Danson, soulevant le fait que l’anniversaire de la journée de l’enlèvement de Leslie Mahaffy approche à grands pas.

Vendredi soir, le porte-parole du service correctionnel fédéral, Kevin Antonucci, a confirmé que les familles ont été contactées seulement le jour du transfert.

«L’une des raisons pour lesquelles les familles n’ont pas été informées plus tôt est qu’il fallait assurer la sécurité du personnel qui devait procéder au transfert, étant donné qu’il était de notoriété publique que le délinquant se trouvait à l’établissement de Millhaven», a expliqué M. Antonucci.

Il a ajouté que la commissaire Kelly s’était entretenue avec l’une des familles des victimes pour répondre à ses questions après le transfert.

Droit à la vie privée

Plus tôt vendredi, le Service correctionnel du Canada a maintenu qu’il est dans l’obligation de protéger le droit à la vie privée de Bernardo, même si le ministre fédéral de la Sécurité publique estime que les Canadiens ont le droit de savoir pourquoi le détenu a été transféré vers une prison à sécurité moyenne.

Selon le ministre Marco Mendicino, la population canadienne mérite de savoir pour quelles raisons il a été transféré d’une prison à sécurité maximale vers une prison à sécurité moyenne.

Cependant, M. Antonucci a rappelé par écrit qu’en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, l’organisme indépendant ne peut pas divulguer les informations personnelles d’un détenu sans son consentement, «sauf dans des circonstances spécifiques».

«Le classement par niveau de sécurité et les transferts sont déterminés en fonction des risques pour la sécurité publique et d’évasion, du niveau d’adaptation à l’établissement et d’autres renseignements relatifs au cas, comme les résultats des évaluations psychologiques du risque», a-t-il rappelé.

«Il importe de noter que les établissements à sécurité moyenne sont dotés des mêmes contrôles périmétriques que les établissements à sécurité maximale (clôtures hautes, postes de contrôle armés, agents correctionnels armés équipés du matériel de sécurité adéquat, etc.), et que toutes les précautions possibles sont prises pour assurer la sécurité du public.»

Le Service correctionnel du Canada a déjà annoncé que sa commissaire a ordonné la tenue d’«un nouvel examen du cas de ce délinquant» à la suite du tollé créé par la décision initiale.

Plus tôt cette semaine, l’organisme indépendant avait toutefois souligné que «la loi délimite l’information» qu’il est autorisé à divulguer au sujet du cas d’un détenu, même s’il est conscient que les Canadiens aimeraient en savoir davantage sur le processus qui a mené au transfert.

Bernardo a également admis avoir agressé sexuellement 14 autres femmes.