Les PDG du secteur énergétique veulent accélérer le développement de projets
OTTAWA — Un groupe de dirigeants du secteur de l’énergie appelle les chefs des quatre principaux partis politiques fédéraux à déclarer une crise énergétique au Canada et à recourir aux pouvoirs d’urgence pour accélérer le développement de projets clés dans l’«intérêt national».
Dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants politiques, les chefs de direction de dix des plus grandes sociétés pétrolières et gazières et des quatre plus grandes sociétés pipelinières ont présenté leur plan visant à renforcer la souveraineté économique du Canada.
Les dirigeants du secteur de l’énergie demandent une simplification de la réglementation et un engagement à respecter des délais fermes de six mois pour l’approbation des projets.
Ils souhaitent également l’élimination du plafond d’émissions du gouvernement fédéral, l’abrogation de la tarification fédérale sur le carbone pour les grands émetteurs et des garanties de prêts pour favoriser les occasions de co-investissement autochtones.
«Nous sommes à un tournant de l’histoire du Canada et de l’intérêt national», ont écrit les dirigeants d’entreprise aux chefs des libéraux, des conservateurs, du NPD et du Bloc québécois à l’approche du déclenchement des élections.
«Le public est de plus en plus favorable à la croissance urgente de notre secteur énergétique et à la construction d’infrastructures énergétiques, notamment de nouveaux oléoducs et gazoducs et de terminaux de gaz naturel liquéfié, afin d’accroître les exportations énergétiques du Canada.»
Cette lettre survient alors que le président américain Donald Trump menace la souveraineté canadienne et impose des droits de douane importants sur les produits canadiens, dont une taxe de 10 % sur le pétrole et le gaz naturel. L’administration Trump vise également à accroître sa production aux États-Unis, faisant de ce pays un concurrent de plus en plus redoutable.
«Nous traversons une période atypique», a affirmé Adam Waterous, président exécutif de Strathcona Resources, une entreprise qui produit du pétrole et de gaz dans l’Ouest canadien.
«Il y a trois mois, nous n’avions pas le même consensus canadien pour construire en urgence ces projets.»
M. Waterous, également PDG du Fonds Énergie Waterous, a raconté que lui et d’autres dirigeants de l’industrie ont été inondés de demandes de renseignements provenant de politiciens, d’investisseurs et du public sur les mesures à prendre pour renforcer la souveraineté énergétique du Canada.
La lettre, a-t-il expliqué, est «essentiellement un guide pratique» pour les décideurs d’Ottawa.
François Poirier, chef de la direction de TC Énergie, géant des pipelines et de l’énergie, a convenu que l’opinion publique évolue.
«Je pense qu’il y a eu une prise de conscience et un plus grand équilibre dans le débat sur l’abordabilité, la fiabilité et la durabilité», a-t-il affirmé.
«Les tensions géopolitiques, ainsi que certaines des discussions commerciales en cours entre les États-Unis et tous leurs partenaires, contribuent à unir les Canadiens et à les aider à comprendre l’importance de diversifier leurs marchés.»
M. Poirier a rappelé qu’il y a 15 ans, l’industrie du GNL au Canada et aux États-Unis en était à ses débuts, mais aujourd’hui, le Canada est sur le point de mettre en service sa première installation sur la côte ouest, tandis que les États-Unis sont le plus grand exportateur mondial de gaz naturel.
«Heureusement pour le Canada, en raison de l’évolution géopolitique et de la demande croissante de gaz naturel pour les centres de données, l’occasion s’est à nouveau présentée.»
En décalage avec la réalité environnementale?
Janetta McKenzie, directrice du programme pétrolier et gazier au sein du groupe de réflexion sur l’énergie propre de l’Institut Pembina, croit que la lettre de ces dirigeants part du principe que «multiplier les efforts dans les secteurs du pétrole et du gaz est la solution pour répondre à la situation actuelle».
Elle a fait valoir que cette lettre ne tenait pas compte du fait que des partenaires commerciaux comme l’Union européenne et le Royaume-Uni ont imposé des normes d’émissions à leurs importations de pétrole et de gaz. Mme McKenzie a ajouté que la demande de pétrole et de gaz devrait plafonner lors des années 2030.
«Cette situation exige absolument une action décisive, mais nous devons être stratégiques et responsables dans le choix des projets et des industries à développer», a-t-elle affirmé.
Au sein du G20, seuls trois pays n’ont pas de tarification nationale sur le carbone: les États-Unis, la Russie et l’Arabie saoudite, a rappelé Mme McKenzie.
«Voulons-nous suivre les États-Unis dans une course vers le bas en matière de réglementation environnementale et climatique ?»
M. Waterous est d’avis que c’est aux provinces d’élaborer leurs propres politiques de réduction des émissions de carbone.
Dans leur lettre, les dirigeants ont déclaré que «toutes les perspectives mondiales plausibles prévoient que le pétrole et le gaz naturel demeureront parmi les principales sources d’énergie mondiales pour les décennies à venir».
M. Poirier a ajouté que les exportations de GNL du Canada pourraient supplanter les centrales au charbon, plus carbonées, ailleurs dans le monde.
«Il ne s’agit pas d’assouplir nos objectifs de développement durable au nom de la prospérité économique, a-t-il indiqué. Il s’agit en réalité d’objectifs symbiotiques.»
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