Loi 96 et droit de travailler en français:un homme a gain de cause devant le Tribunal
MONTRÉAL — Un homme qui a fait valoir son droit de travailler en français a eu gain de cause devant le Tribunal, en invoquant notamment les nouvelles dispositions de la loi 96 à cet effet.
Le plaignant n’avait pas obtenu un poste pour lequel il avait postulé dans un département de l’approvisionnement et de la logistique d’une entreprise. D’ailleurs, l’annonce pour le poste n’avait paru qu’en coréen.
L’homme avait donc porté plainte au Tribunal administratif du travail, contestant la demande de l’employeur de soumettre son curriculum vitae en anglais et de faire l’entrevue d’embauche en coréen.
Il avait d’abord soumis son curriculum vitae en français, puis l’employeur lui avait demandé d’en transmettre une version en anglais — ce qu’il avait fait.
Le Tribunal rappelle que la Loi sur la langue officielle et commune du Québec, le français — la loi 96 — a renforcé le droit de travailler en français, déjà prévu dans la Charte de la langue française.
Ainsi, un employeur a l’obligation de prendre tous les moyens raisonnables avant d’exiger la connaissance d’une autre langue que le français pour occuper un emploi dans son entreprise.
Le Tribunal rappelle qu’«il est interdit à un employeur d’exiger d’une personne, pour qu’elle puisse rester en poste ou y accéder, notamment par recrutement, embauche, mutation ou promotion, la connaissance ou un niveau de connaissance spécifique d’une langue autre que la langue officielle, à moins que l’accomplissement de la tâche ne nécessite une telle connaissance; même alors, il doit, au préalable, avoir pris tous les moyens raisonnables pour éviter d’imposer une telle exigence», cite-t-on dans la décision.
Devant le Tribunal, le représentant de l’employeur avait soutenu que l’homme n’avait pas obtenu le poste parce qu’il n’avait pas les compétences requises. Il avait aussi soutenu que l’exigence relative à la connaissance des langues anglaise et coréenne était nécessaire pour accomplir les tâches d’acquisition d’équipement à l’international et de communication avec l’employeur et les salariés de l’entreprise qui s’expriment en coréen.
Le représentant de l’employeur avait aussi justifié sa demande d’obtenir la version anglaise du curriculum vitae du plaignant et de tenir l’entrevue dans une autre langue que le français par le fait qu’il ne comprenait pas le français.
La juge administrative Jessica Laforest a plutôt penché en faveur du plaignant. «Le Tribunal conclut que la défenderesse n’a pas respecté les critères prévus dans la CLF (Charte de la langue française) permettant de justifier l’exigence de la connaissance de la langue anglaise, ni de la langue coréenne, dans le cadre du processus d’embauche auquel le plaignant a participé.»
«Même en tenant pour avéré que le critère de la nécessité est prouvé, ce que le Tribunal ne tranche pas en l’espèce, il conclut que la défenderesse ne prouve pas qu’elle s’est assurée avant l’affichage du poste que la connaissance des langues anglaise et coréenne déjà exigée des autres membres du personnel était insuffisante. De plus, elle n’a pas démontré qu’elle a restreint le plus possible le nombre de postes auxquels se rattachent des tâches dont l’accomplissement nécessite la connaissance de l’une ou l’autre de ces langues», ajoute le Tribunal.
L’entreprise «échoue à démontrer qu’elle a rempli toutes les conditions permettant de conclure qu’elle a pris les moyens raisonnables pour éviter d’imposer l’exigence de la connaissance des langues anglaise et coréenne avant de procéder à l’affichage du poste», poursuit la juge administrative.
La plainte a donc été accueillie par le Tribunal. Il a réservé ses pouvoirs pour déterminer d’éventuelles mesures de réparation.