Roxham: Legault poursuit son offensive, publie une lettre dans un média torontois

QUÉBEC — François Legault s’est adressé au Canada anglais mardi par le biais d’une lettre ouverte, afin que «tout le monde au Canada comprenne» que le Québec a accueilli sa part de demandeurs d’asile.

Il s’agit du deuxième volet de la campagne du premier ministre du Québec visant à accentuer la pression sur le gouvernement fédéral afin qu’il agisse dans le dossier de l’immigration irrégulière au chemin Roxham.

Dimanche, M. Legault avait transmis une lettre au premier ministre du Canada, Justin Trudeau, réclamant que la totalité des demandeurs d’asile qui arrivent au Canada par le chemin Roxham soit redirigée ailleurs au pays.

«C’est important que tout le monde comprenne que le problème du Québec, c’est aussi le problème du Canada», a-t-il déclaré en mêlée de presse à l’Assemblée nationale, mardi. 

«Le Québec, le Canada sont généreux, mais en même temps, il y a une limite à ce qu’on est capable humainement de faire et il faut que tout le monde soit conscient de ça», a-t-il renchéri.

L’an dernier, un nombre record de 39 171 demandeurs d’asile ont été interceptés au chemin Roxham, un point d’entrée non officiel situé à Saint-Bernard-de-Lacolle, en Montérégie.

M. Legault répète depuis des mois que la capacité d’accueil du Québec a été dépassée, que la pression sur les services publics est intenable, sans que ses interventions n’aient eu beaucoup d’impact jusqu’à présent.

Dans sa lettre ouverte publiée mardi sur le site du «Globe and Mail», M. Legault s’en prend aux «bonnes intentions» de M. Trudeau qui sont devenues un «réel problème pour le Québec et le Canada».

Sa missive s’intitule: «Il est temps de fermer le chemin Roxham et de faire respecter la frontière canadienne».

«Depuis que M. Trudeau a invité tous ceux qui fuyaient la persécution, la terreur et la guerre à venir au Canada en 2017, le nombre de demandeurs d’asile a explosé», déplore M. Legault.

«C’était généreux de la part de M. Trudeau, et nous avons raison d’être fiers de notre bilan en matière d’accueil des réfugiés, (…) mais ses bonnes intentions sont devenues un réel problème pour le Québec et le Canada.»

M. Legault affirme que le Québec a pris en charge une part disproportionnée des demandeurs d’asile au Canada et que la situation soulève plusieurs considérations d’ordre humanitaire. 

Selon lui, il devient de plus en plus difficile d’accueillir les demandeurs d’asile dignement, car ils peinent notamment à se trouver des logements adéquats et sont plus nombreux à se retrouver en situation d’itinérance. 

Les services de santé et d’éducation font également face à des «pressions accrues sans précédent».

«Ce n’est pas seulement qu’une question d’argent, ajoute François Legault. La main-d’oeuvre disponible pour recevoir et prendre soin des demandeurs d’asile est en nombre limité. 

«Nous avons donc demandé au gouvernement fédéral de rediriger les demandeurs d’asile vers d’autres provinces capables de les accueillir avec dignité, (…) le temps que le Québec reprenne son souffle.»

Dans sa lettre ouverte, M. Legault exige par ailleurs qu’Ottawa renégocie avec l’administration du président américain Joe Biden l’entente sur les tiers pays sûrs. Ce devrait être une priorité du Canada, dit-il.

Avis partagés

Les lettres de M. Legault ne changent «rien à rien», a réagi en point de presse mardi le député péquiste des Îles-de-la-Madeleine, Joël Arseneau. «Ottawa est peu sensible aux demandes de François Legault», a-t-il affirmé.  

La veille, le bureau du ministre fédéral de l’Immigration, Sean Fraser, avait pourtant reconnu que le Québec était soumis à une «immense pression» et qu’une approche pancanadienne était nécessaire.

Le gouvernement fédéral a transféré des «milliers» de demandeurs d’asile en Ontario depuis juin et est à la recherche de nouveaux hébergements temporaires ailleurs, a-t-il également souligné.

De son côté, le chef parlementaire de Québec solidaire (QS), Gabriel Nadeau-Dubois, a dit souhaiter une répartition équitable entre les provinces, sans pour autant «déchirer des familles».

«Il y a des gens qui arrivent au Québec pour rejoindre des membres de leur famille. Il y a une compassion minimale à avoir de ne pas séparer les gens», a-t-il soutenu en point de presse.

Les demandeurs d’asile qui parlent le français et qui veulent travailler au Québec, «que le fédéral leur donne un permis de travail», a également plaidé mardi le chef intérimaire du Parti libéral du Québec, Marc Tanguay.

En fin de journée, QS a refusé le dépôt d’une motion du Parti québécois qui affirmait que «la capacité d’accueil du Québec en matière de demandes d’asile est largement atteinte».