Sonia LeBel n’a pas l’intention de changer le système à trois vitesses

QUÉBEC — La nouvelle ministre de l’Éducation, Sonia LeBel, s’inscrit dans la droite ligne de son prédécesseur Bernard Drainville, affirmant n’avoir aucune intention de changer l’«école à trois vitesses».

Cette expression fait référence aux trois strates du réseau: l’école privée, l’école publique à projet particulier, qui trie aussi les élèves, et l’école publique régulière, la mal-aimée.

Mme LeBel a fait connaître sa position à La Presse Canadienne mardi par le biais d’une déclaration venant de son cabinet. Elle a refusé la demande d’entrevue de l’agence de presse.

«Le privé complète le public. Il ne le remplace pas, mais il en fait partie et partage le même objectif: la réussite des élèves», a déclaré la ministre.

«Il revient aux familles de choisir ce qui leur convient le mieux. On ne doit pas opposer les deux. On doit tous travailler ensemble dans le même but. C’est ce qu’on fait», a-t-elle tranché.

À son arrivée en poste en 2022, Bernard Drainville avait également défendu le statu quo, étant d’avis que le privé, le public sélectif et le public régulier étaient «complémentaires».

Or, depuis plusieurs années, des experts dénoncent l’école québécoise «à trois vitesses», qui reproduit les inégalités sociales, selon eux, alors que les élèves les plus doués et aisés fuient vers les écoles privées.

Conséquemment, les élèves défavorisés ou en difficulté d’apprentissage se retrouvent surreprésentés dans les écoles publiques, ce qui cause une surcharge de travail pour les enseignants.

Le Conseil supérieur de l’éducation avait même déclaré dans un rapport en 2016 que l’école québécoise était la plus inégalitaire au Canada.

En 2019, une étude de l’Université de Montréal montrait qu’à peine 15 % des élèves des classes ordinaires des écoles publiques vont à l’université, contre 51 % des jeunes du public enrichi et 60 % de ceux du privé.

Un an plus tard, le sociologue et ancien membre de la commission Parent, feu Guy Rocher, qualifiait le système québécois à trois vitesses dans une entrevue à «La Presse» de «gâchis humain».

«(C’est) inacceptable. On est très loin de l’objectif d’égalité sociale qu’on s’était fixé», a-t-il déclaré.

Par ailleurs, une étude de l’Université de Toronto concluait en 2022 que le Québec est la province canadienne avec la plus forte ségrégation socioéconomique.

Cette étude, intitulée «Won’t You Be My Neighbour? Socio-Economic Segregation Between Schools in Canada», a été reprise en juillet 2025 dans un rapport australien qui vantait l’approche de l’Ontario.

Car contrairement au Québec, l’Ontario ne subventionne pas ses écoles privées, qui sont donc hors de prix pour les classes moyennes. La province mise sur son réseau public, gratuit et accessible à tous.

L’enjeu de la segmentation scolaire au Québec fait régulièrement l’objet de débats à l’Assemblée nationale.

En 2023, le Parti québécois proposait de conventionner les écoles privées, pourvu qu’elles cessent de sélectionner leurs élèves. Celles qui refuseraient perdraient graduellement leur financement de l’État.

Un gouvernement péquiste s’engagerait aussi à ce que toutes les écoles financées par l’État offrent un choix de projets particuliers à tous les élèves.

Rappelons que Québec solidaire a également présenté, en février dernier, le projet de loi 895, qu’il a conçu en partenariat avec le mouvement École ensemble.

Le projet de loi reprend l’idée de regrouper au sein d’un réseau commun les écoles publiques et privées qui accepteraient d’arrêter la sélection basée notamment sur les notes.

Cette proposition de «réseau scolaire commun» recevrait l’appui de 85 % des Québécois, selon un sondage CROP réalisé pour École ensemble.

De son côté, la Fédération des établissements d’enseignement privés plaide pour le statu quo.

Elle a récemment fait valoir en entrevue avec La Presse Canadienne que les écoles privées acceptent désormais 20 % d’élèves en difficulté, alors qu’elles en acceptaient seulement 5 % il y a quelques années.