Un artiste obtiendrait une part en cas de revente d’une de ses œuvres

OTTAWA — Un artiste pourrait recevoir des redevances si une de ses œuvres est revendue, selon une réforme prévue de la Loi sur le droit d’auteur.

Les peintres, sculpteurs et autres créateurs d’art visuel seraient payés si une œuvre était revendue au cours d’un encan ou par une galerie d’art.

La réforme de la loi sur les droits d’auteur est actuellement préparée par le ministre de l’Innovation, François-Philippe Champagne, et son collègue du Patrimoine, Pablo Rodriguez. Elle prévoit que les artistes, sculpteurs et photographes obtiendraient «un droit de suite» qui leur procurerait des redevances de 5 % pendant la période couverte par le droit d’auteur, selon le cabinet de M. Champagne.

À l’heure actuelle, les artistes se plaignent de ne pas recevoir un sou si une œuvre dont la valeur peut s’être fortement accrue depuis sa création est revendue par un collectionneur.

Par exemple, l’artiste inuite Kenojuak Ashevak, aujourd’hui décédée, avait vendu en 1960 une gravure intitulée «Le Hibou enchanté» pour 24 $. Cette œuvre a été plus tard revendue pour plus de 158 000 $.

Autre exemple: l’artiste montréalais Claude Tousignant aurait obtenu 5500 $ lors de la revente de sa toile Accélérateur Chromatique 90 en 2012 si le droit de suite avait existé à cette époque.

«Notre gouvernement veut présenter des modifications à la Loi sur le droit d’auteur afin de protéger davantage les artistes, les créations et les détenteurs de copyright, mentionne une porte-parole du ministre Champagne, Laurie Bouchard. Le droit de suite est un pas important vers l’amélioration des conditions économiques des artistes au Canada.»

Le Front des artistes canadiens (CARFAC) et le Regroupement des artistes en arts visuels du Québec souhaitent l’entrée en vigueur d’un droit de suite permettant aux artistes visuels de percevoir 5% du produit de la revente de leurs œuvres. Les successions pourraient aussi en bénéficier.

Le droit de suite existe dans plus de 90 pays, notamment au Royaume-Uni, en Inde et dans toute l’Union européenne. Le Canada traîne de la patte, ce qui contraint de nombreux artistes à renoncer à vivre de leur art.

Selon les données du recensement de 2016, le Canada comptait 21 000 créateurs en art visuel. L’ensemble de leurs revenus annuels moyens s’élevait à 20 000 $.

«Il est important de reconnaître que la moitié de nos artistes vivent dans la pauvreté, dit la directrice générale de la CARFAC, April Britski. Nous profitons tous de l’art et de la culture. Nos créateurs méritent un revenu plus élevé et plus stable.»

La sénatrice et historienne d’art Patricia Bovey, défend depuis plusieurs années l’idée d’une réforme du droit d’auteur au pays. Elle mentionne que le droit de suite existe en France depuis plus de 100 ans. 

Elle dit connaître plusieurs artistes qui ont vendu des œuvres pour des sommes minuscules au début de leur carrière. Ils ont ensuite constaté que la valeur de certaines d’entre elles s’était multipliée «par 10, sinon davantage».

Les artistes inuits, qui vivent souvent dans des régions isolées et vendent leurs œuvres sur le marché local, pourraient bénéficier d’un droit de suite.

«Les artistes canadiens comptent le plus grand pourcentage de travailleurs vivant dans la pauvreté au pays. En fait, plusieurs vivent sous le seul de pauvreté, déplore Mme Bovey. Ce sont nos artistes qui décrivent qui nous sommes, où nous en sommes et ce que nous devrons affronter à titre de société. S’ils ne peuvent pas se soutenir financièrement, nous allons perdre une fenêtre sur ce qui sommes comme Canadiens.»

Paddy Lamb, un article établi à Edmonton, dit qu’il est très difficile pour un artiste de vivre de son art. Il mentionne que la valeur d’une œuvre peut bondir si un auteur devient connu dans le milieu des collectionneurs. 

«Les œuvres des artistes inuits gagnent en valeur dès qu’elles quittent le Nunavut, mais ceux-ci n’en bénéficient pas du tout, déplore-t-il. [La réforme] est un moyen qui permettait aux artistes de vivre de bien gagner leur vie.»

M. Lamb mentionne que les artistes canadiens ont appris de leurs homologues vivant dans des pays où le droit de suite existe que ces redevances «les aident vraiment».

«Une majorité des redevances en Grande-Bretagne sont de petites sommes versées à des artistes qui ne sont pas les plus renommés, souligne-t-il. En Australie, une part importante est remise aux artistes aborigènes. Ce que nous demandons, c’est des règles plus équitables.»