Une centaine de groupes juifs au Canada ont reçu mercredi un courriel de menaces
OTTAWA — Plus de 100 synagogues, organismes et médecins juifs dans plusieurs villes du pays étaient en état d’alerte, mercredi, après avoir reçu le même courriel menaçant.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) a confirmé que les menaces avaient été proférées contre «un certain nombre d’institutions, dont des synagogues et des hôpitaux, au Canada».
«Les organismes d’application de la loi s’entretiennent aussi avec les leaders religieux pour veiller à ce qu’ils aient l’information et le soutien dont ils ont besoin», indiquait la GRC en milieu d’après-midi dans les médias sociaux.
La GRC ajoute qu’elle travaille avec les forces de l’ordre locales «qui mènent des opérations pour assurer la sécurité des lieux». La police fédérale précise que son Programme de sécurité nationale enquête sur la source de ces menaces.
Plusieurs dirigeants juifs ont déclaré que la police avait confirmé qu’il n’y avait aucune crainte imminente de violence physique, mais que l’impact des courriels menaçants se faisait toujours sentir. Le courriel comprenait des menaces de mort et de blessures physiques et indiquait que l’objectif était de semer la «terreur».
«Il est absolument effrayant d’entendre que plus de 100 institutions juives à travers le pays ont été menacées plus tôt ce matin», a déclaré Michael Levitt, président et chef de la direction des Amis du Centre Simon-Wiesenthal.
Ces menaces surviennent dans un contexte de forte hausse de l’antisémitisme au Canada, après l’attaque du Hamas contre Israël le 7 octobre dernier, et la réponse militaire d’Israël dans la bande de Gaza. Le plus récent rapport annuel de B’nai Brith Canada, publié en mai, indiquait que les signalements d’incidents antisémites avaient doublé en 2023 au Canada, avec notamment 77 «incidents violents».
«Depuis plusieurs mois, la communauté juive du Canada tire la sonnette d’alarme face à l’escalade de la haine généralisée envers les Juifs, alors que l’incitation et la rhétorique haineuse sont devenues la norme en ligne, dans les rues de nos villes et sur nos campus universitaires et collégiaux», a soutenu M. Levitt.
«Les appels répétés à la violence contre les Juifs et les institutions juives nous rappellent brutalement que l’extrémisme et la radicalisation prospèrent au Canada et qu’on doit s’y attaquer avant qu’il ne soit trop tard. Le moment est venu pour nos dirigeants d’agir.»
Le premier ministre Justin Trudeau, dont le gouvernement a été vivement critiqué par des organisations juives pour ne pas en faire assez dans la lutte contre l’antisémitisme, s’est dit «dégoûté» par la nouvelle des courriels menaçants.
«C’est carrément de l’antisémitisme, a-t-il écrit sur la plateforme X. La GRC est en contact avec les corps policiers pour faire enquête, et on travaille avec eux pour protéger les Canadiens juifs.»
«Perturber des vies»
Les services de police d’Ottawa, de Toronto, de Montréal et de Calgary ont été parmi ceux qui ont répondu aux menaces, mais les services de police d’Ottawa et de Montréal ont tous deux adressé les questions à la GRC. Dans un communiqué, la police de Toronto a déclaré avoir évacué des bâtiments dans l’ouest de la ville et avoir enquêté sur «une alerte à la bombe».
«Nous continuons à évaluer l’impact possible à Toronto», a déclaré Shannon Eames, responsable des relations avec les médias.
Un porte-parole de B’nai Brith a déclaré que leur bureau de Toronto avait été fouillé à la recherche d’explosifs, par mesure de précaution.
Eta Yudin, vice-présidente du Centre consultatif des relations juives et israéliennes au Québec, a déclaré qu’il n’y avait «aucune menace imminente» et que les courriels semblaient être «des courriels de nuisance destinés à perturber des vies».
«Les Canadiens juifs ne se laisseront pas intimider – nous continuerons de participer à la société canadienne et à la vie juive. Nous resterons vigilants, mais nous ne nous laisserons jamais intimider», a-t-elle déclaré.
Le rabbin Nisan Andrews a déclaré que sa synagogue de Calgary avait reçu le courriel, mais que l’envoi était allé directement dans les courriers indésirables. Il n’a pas été au courant de la menace jusqu’à ce que le dirigeant de la Fédération juive de Calgary l’appelle et l’informe que la GRC avait été appelée.
La menace qu’il a reçue, envoyée depuis un compte Gmail, concernait environ 150 destinataires, a-t-il dit, et tous semblaient être juifs. «Ils ont tous des noms de congrégation très identifiables», a déclaré le rabbin Andrews, de la Maison Jacob-Mikveh Israël. Il a déclaré que certaines des adresses étaient en hébreu ou contenaient le mot «rabbin».
La police n’avait pas contacté M. Andrews mercredi après-midi, mais il a déclaré avoir fait son propre ratissage de la synagogue et n’avoir rien trouvé d’inhabituel.
Bien qu’il s’agisse du premier courriel de ce type qu’il reçoit depuis son retour au Canada depuis les États-Unis il y a deux ans, les menaces contre les congrégations juives en général sont devenues plus courantes, a-t-il dit, tout comme les gestes d’antisémitisme.
Il a récemment déclaré qu’il rentrait chez lui avec des membres de sa congrégation le jour du sabbat lorsque des adolescents ont commencé à leur crier dessus à travers la fenêtre de leur voiture et à leur lancer des bouteilles d’eau. «Il s’agit tout simplement de harcèlement, et il semble que le harcèlement des Juifs devienne un phénomène de plus en plus répandu», a-t-il déploré.
Le courriel a également été envoyé à plusieurs médecins qui travaillent dans des hôpitaux de la région d’Ottawa. Une porte-parole de l’hôpital Queensway Carleton a déclaré que la police avait déterminé que la situation présentait un faible risque, mais qu’elle avait effectué une vaste inspection de l’hôpital et de ses terrains.
De nombreux incidents de violence visant des institutions juives ont eu lieu l’année dernière, notamment des attentats à la bombe incendiaire contre des synagogues et des centres communautaires à Montréal et à Vancouver, et des coups de feu tirés contre une école juive à Toronto.
En décembre, la GRC a arrêté un adolescent d’Ottawa et l’a accusé d’activités terroristes visant des Juifs, notamment d’avoir communiqué des instructions au sujet d’une substance explosive et d’avoir ordonné à quelqu’un de mener une activité terroriste contre des personnes juives. Un deuxième jeune a été arrêté et accusé d’infractions terroristes dans la même affaire en février.