Une relation chaleureuse entre Biden et Trudeau qui ne garantit rien, mais qui aide

WASHINGTON — Hollywood a Ben et Jennifer. Les fans de musique ont Beyoncé et Jay-Z. Mais dans la politique canadienne en ce moment, tout tourne autour de Justin et Joe.

Peut-être que Justin Trudeau et Joe Biden ne capturent pas l’air du temps nord-américain comme un couple de célébrités fastueux. Mais il y a une affection palpable entre le premier ministre et le président américain — et ceux qui en sont témoins disent qu’elle est authentique.

«Ils se détendent en compagnie l’un de l’autre et il y a une relation chaleureuse, affirme Kirsten Hillman, ambassadrice du Canada aux États-Unis. Ils s’amusent pas mal, mais ils souhaitent aussi tous les deux sincèrement résoudre, ensemble, les grands problèmes auxquels sont confrontés nos deux pays et le monde.»

Cette affection sera pleinement exposée vendredi lorsque les deux dirigeants se salueront officiellement sur les marches de la colline du Parlement pour la partie la plus visible du premier voyage de M. Biden au Canada depuis son entrée en fonction en 2021.

Il s’agit d’une courte visite — un peu plus de 24 heures — avec environ deux ans de retard, selon les standards des relations canado-américaines, qui veulent que les nouveaux commandants en chef se dirigent traditionnellement vers le nord pour leur premier voyage à l’étranger.

Des experts disent qu’il ne faut pas voir dans ce délai un signe de l’état de la relation bilatérale, mais plutôt blâmer la situation sur la pandémie de COVID-19, la guerre en cours en Ukraine et le propre test positif au virus de M. Biden l’été dernier.

«C’est un peu une coutume, pas vraiment dans l’histoire, que les présidents américains soient allés au Canada au début de leur mandat», souligne Gordon Giffin, qui a été ambassadeur des États-Unis à Ottawa pendant le deuxième mandat de Bill Clinton.

«Le président américain s’attaque souvent à des problèmes au début de son mandat, pas des opportunités. Traiter avec le Canada n’est pas un problème. (La relation) regorge d’opportunités. Et donc, elle ne nécessite pas une attention immédiate pour éteindre des feux.»

Ce qui est précieux, ajoute M. Giffin, ce sont deux dirigeants qui s’aiment et connaissent suffisamment les priorités de l’autre pour pouvoir sortir du scénario et avoir une discussion plus libre que leurs seuls points de discussion ne le permettent.

C’est décidément le cas avec ces deux-là, affirme M. Hillman: «Ils guideront leurs conversations là où ils veulent qu’elles aillent, pas seulement là où ils ont été informés de le faire.»

Les responsables des deux pays qui ont participé à la planification de la visite ont déclaré séparément que la Maison-Blanche avait clairement indiqué que le président souhaitait passer le plus de temps possible avec M. Trudeau en ville.

Lors d’une rencontre d’information mercredi, de hauts responsables de l’administration ont souligné le dernier voyage de M. Biden à Ottawa, survenu au cours des dernières semaines de la présidence de Barack Obama, comme un point clé de sa relation avec M. Trudeau.

«Il y a des périodes où les véritables leaders sur les continents se font plus rares», a déclaré M. Biden, alors vice-président, à M. Trudeau en décembre 2016, quelques semaines seulement avant l’investiture de Donald Trump.

«Le monde va passer beaucoup de temps à se tourner vers vous, monsieur le premier ministre, alors que nous voyons de plus en plus de défis à l’ordre international libéral qu’à n’importe quel moment depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.»

Les années Trump

Malgré le fossé générationnel évident — M. Biden a 80 ans, M. Trudeau a 51 ans —, les deux dirigeants ont beaucoup en commun, estime Jonathan Wood, directeur de la firme de consultants Control Risks à Washington, spécialisée dans la géopolitique des Amériques.

«Ils partagent la même vision du monde, déclare M. Wood. Je pense qu’ils abordent les principales questions géopolitiques de notre temps à peu près du même angle, c’est-à-dire un engagement envers l’ordre mondial fondé sur des règles, les principes démocratiques libéraux et l’alignement multilatéral et la coordination.»

Cela est en partie dû au fait que les deux hommes politiques se sont définis dans une certaine mesure en fonction des années Trump – M. Trudeau tenant le gouvernail d’une relation avec une administration imprévisible, instable et combative, et M. Biden tentant de reconstruire les ponts brûlés par son prédécesseur.

En particulier, les deux dirigeants partagent un intérêt concerté pour faire face au changement climatique, un défi qui est pris en compte dans pratiquement chacune des initiatives politiques majeures que leurs gouvernements ont lancées ces dernières années.

Et avec la décision la semaine dernière de donner le feu vert au mégaprojet controversé de pétrole et de gaz Willow en Alaska, M. Biden a dû affronter une vérité inconfortable que M. Trudeau ne connaît que trop bien : l’équilibre à trouver entre les priorités climatiques et la demande actuelle et réelle de combustibles fossiles.

La relation entre les deux dirigeants, mais aussi celle entre les deux pays, a été renforcée au cours de la dernière année par la solidarité inébranlable dont le Canada a fait preuve avec les États-Unis en soutenant l’Ukraine dans sa défense contre la Russie, ajoute M. Wood.

«Les relations personnelles sont importantes, mais elles ne déterminent pas nécessairement ce qu’est un partenariat très solide, intensif et à tous les niveaux entre les États-Unis et le Canada», fait-il valoir.

Ces liens «n’ont probablement été que renforcés par leur expérience commune du conflit en Ukraine au cours de la dernière année».