Villes et provinces souhaitent décriminaliser les petites quantités de drogue

OTTAWA — Des villes et des provinces demandent au gouvernement fédéral l’autorisation de décriminaliser la possession de petite quantité de drogue dans l’espoir de diminuer les morts par surdose.

Depuis janvier 2016, près de 25 000 personnes, au moins, sont mortes en lien avec les opioïdes, selon l’Agence de la santé publique du Canada, qui compile les données de toutes les provinces, sauf le Québec.

Devant l’ampleur de la crise, plusieurs experts ont affirmé que la décriminalisation réduirait la stigmatisation associée à la consommation de drogue et permettrait de sauver des vies.

Même si certains députés libéraux ont aussi réclamé la décriminalisation, le premier ministre Justin Trudeau n’est pas convaincu qu’il s’agit d’une bonne solution. En septembre 2020, il disait croire qu’un approvisionnement sécuritaire constituait la clé du problème. Il l’avait répété pendant la dernière campagne électorale.

«(Un approvisionnement sûr) est certainement une chose dans laquelle nous avons investi et que nous continuerons de défendre», avait-il déclaré.

Selon la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, les juridictions peuvent demander au gouvernement fédéral d’être exemptées afin de permettre la possession d’une petite quantité de substance comme la cocaïne, l’héroïne ou le fentanyl.

La Ville de Vancouver a officiellement demandé d’être exemptée de la loi en mai 2021, Toronto l’a imitée en janvier 2022.

La Colombie-Britannique est devenue la première province à demander l’autorisation d’être exemptée en novembre 2021.

La ministre de la Santé mentale et de la Toxicomanie, Sheila Malcolmson, dit que cette demande est l’une des stratégies que propose son gouvernement «pour sauver des vies au cours de cette crise».

«Le nombre de personnes qui meurent parce qu’elles consomment de la drogue en étant seules démontre que la stigmatisation et la honte coûtent des vies», soutient-elle.

Un rapport du Bureau des coroners de la Colombie-Britannique indiquait récemment que de janvier 2019 à janvier 2022, plus de la moitié de ces décès sont survenus à la maison.

Mme Malcolmson dit que la stigmatisation empêchait les gens à aller chercher de l’aide. La honte associée à la consommation incitait les toxicomanes à se droguer seuls. Ils courent le risque de mourir en étant seuls.   

«L’accoutumance n’est pas un problème pour la justice criminelle. C’est un problème de santé», lance-t-elle.

Le Bureau des coroners signale 2224 décès par surdose en 2021 en Colombie-Britannique, un sommet. Cela représente aussi une hausse de plus de 26 % par rapport à l’année précédente.

Selon la ministre, la solution repose par l’adoption de plusieurs stratégies.

«La décriminalisation à elle seule ne suffira pas. Elle ne sauvera pas des vies. Toutefois, si on dispose des ressources pour convaincre les gens à se tourner vers le système des soins de santé, ils ne ressentiront plus la honte et la stigmatisation. Ils seront prêts à parler avec un professionnel.»

La directrice de la santé publique de Toronto, la Dre Eileen de Villa, considère la demande de la ville comme une étape dans l’adoption d’une stratégie différente contre les surdoses.

«La réalité est qu’une stratégie impliquant la criminalisation mène à la stigmatisation et à la discrimination. En fait, cela empire la situation sur le terrain», dit-elle.

De son côté, la Ville de Vancouver permettrait la possession de deux grammes d’opioïde, des trois grammes de cocaïne, d’un gramme de crack et d’un gramme et demi d’amphétamine.

La possession d’une telle quantité n’entraînerait pas des accusations. La drogue ne serait pas confisquée si elle n’est pas une preuve pour un autre crime comme le trafic.

«Quand on confisque la drogue à des consommateurs, ils vont tenter de s’en procurer d’autres, indique la directrice des politiques sociales de la Ville de Vancouver, Mary Clare Zak. Cela peut les inciter à faire un achat désespéré auprès d’un vendeur ou d’une source qu’ils ne connaissent pas, aggravant les risques qu’ils courent.»

Santé Canada n’a pas encore autorisé les demandes d’autorisation. L’agence ne les commentera pas pendant qu’elle les examine.

Un porte-parole s’est contenté d’écrire dans un courriel transmis vendredi que le gouvernement fédéral reconnaissait les différentes stratégies adoptées par les juridictions et les organisations. Il collabore avec ses partenaires pour trouver «des solutions innovatrices».

Cet article a été produit avec le soutien financier des Bourses Meta et La Presse Canadienne pour les nouvelles.