Le soir de notre séparation, notre monde s’est écroulé…
Suite d’un article du 16 mars 2018 : Une famille bientôt séparée par un océan
Et du 26 mars 2018 : Les tentatives de dernière minute n’ont pas fonctionné
Ma fille et moi sommes parties pour la France en mars 2018. À la porte d’embarquement, complètement abrutie par cette réalité, j’ai failli ne pas pouvoir embrasser mon fils et mon homme une dernière fois avant longtemps.
Nous avons attendu une heure avant de prendre l’avion. Ma fille serrait son petit corps désespéré contre moi et j’essayais tant bien que mal de retenir mes larmes.
On nous a fait embarquer en premier, de façon à ce que les autres passagers ne voient ni ne comprennent ce qui se passait. Durant le vol, on a servi à boire et à manger à ma fille. Moi, j’ai eu droit à un verre d’eau, comme la criminelle que j’étais.
Nous avons éteint les écrans de l’avion, pour ne pas voir les kilomètres qui défilaient et nous séparaient de ce que nous aimions et de notre famille.
Arrivées en France, nous avons été escortées par la police et amenées dans leurs bureaux sous le regard peiné de ma petite sœur. Épuisée physiquement et mentalement, il a fallu que je leur explique ce qui s’était passé. Pour eux, c’était juste inexplicable.
Nous avons passé quelques jours avec ma sœur et son conjoint qui ont tout fait pour faire sourire de nouveau ma fille et m’offrir une petite pause pour que je puisse m’armer pour une nouvelle bataille.
Il allait falloir se battre pour survivre financièrement. Sans ressources et sans logement, je devais nous trouver rapidement une solution.
Dans un premier temps, nous avons été hébergées chez le grand-père de ma fille, mais l’espace était petit et la culture très différente. Nous ne pouvions pas mettre les mots sur notre douleur.
Nous avons finalement intégré un CHRS, un foyer pour femmes violentées avec enfants. Nous sommes restées là-bas d’avril à juillet. Ma fille et moi étions à part, confrontées à des situations parfois violentes entre les résidentes, ainsi qu’au retrait pour certaines de leurs enfants. À ce stade de ma grossesse, j’ai failli perdre mon bébé.
Finalement, Jérôme, le père de ma fille, a acheté un appartement et de mon côté, après une longue bataille administrative, j’ai réussi à avoir une aide financière par la Caisse d’allocation familiale. Enceinte de six mois, j’ai rénové l’appartement. Nous avions enfin un projet et un but.
Sylvain et notre fils nous ont rejointes en septembre. La journée la plus longue de toute notre vie… Nous avons mis du temps tous les quatre à réaliser que nous étions de nouveau ensemble. Sylvain m’a apporté la plus belle preuve d’amour possible en quittant tout et en nous retrouvant. Notre fils Hedryck est arrivé le 20 octobre, beau et en santé.
Nous allons prochainement reprendre les démarches pour revenir tous ensemble au Québec, même si ça nous fait peur, car depuis tout ça, à travers des groupes Facebook et des témoignages, j’ai su que nous étions beaucoup à avoir eu les mêmes soucis d’immigration. Souvent, trois demandes sont nécessaires.
Merci à tous ceux qui nous ont soutenus et sachez qu’à l’autre bout du monde, on vous suit et on vous aime.
En espérant retrouver notre ville et notre pays bientôt,
Elisa Jeandeau