Les producteurs de contenu surveilleront les modalités de mise en œuvre de C-11

TORONTO — L’industrie canadienne du cinéma et de la télévision attend avec impatience les prochaines directives du gouvernement fédéral au CRTC qui, selon eux, détermineront les véritables impacts de la nouvelle loi sur la diffusion en continu au pays.

La Loi sur la diffusion continue en ligne, connue sous le nom de «projet de loi C-11», a reçu la sanction royale jeudi. Elle vise à mettre à jour la Loi sur la radiodiffusion, afin d’obliger les plateformes numériques telles que Netflix, YouTube et TikTok à promouvoir le contenu canadien et à y contribuer.

La nouvelle loi prévoit des sanctions pour les entreprises qui ne mettent pas de contenu canadien à la disposition des utilisateurs au pays, et place les plateformes de diffusion en ligne sous l’autorité réglementaire du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC).

Cette agence fédérale a indiqué jeudi qu’elle créera un cadre réglementaire modernisé afin que «les services de diffusion en ligne contribuent de manière pertinente au contenu canadien et autochtone». Le CRTC a promis de partager un plan détaillé et de lancer des consultations publiques «sous peu».

L’Association québécoise de la production médiatique s’est réjouie de l’adoption de C-11, «malgré les embûches et un interminable processus». Elle attend maintenant avec impatience les modalités de mise en œuvre de ce nouveau cadre législatif.

David Forget, directeur national de la Guilde canadienne des réalisateurs, a salué lui aussi l’adoption de cette loi fédérale, car elle aborde la myriade de changements que l’industrie a connus depuis la dernière mise à jour de la Loi sur la radiodiffusion en 1991.

Parmi les changements les plus urgents, il souligne l’émergence d’entités étrangères de diffusion en continu actives au Canada et inscrivant des millions de Canadiens à des abonnements.

«Il n’est pas viable d’avoir deux mondes de diffusion, l’un en ligne et l’autre conventionnel, dont l’un est soumis à une réglementation et l’autre pas», a déclaré M. Forget.

Craintes au Canada anglais

Mais l’Association canadienne des producteurs médiatiques a demandé au CRTC de remédier à une «faille» dans la loi, qui appliquerait aux services de diffusion en continu des normes inférieures à celles des diffuseurs canadiens.

«Les radiodiffuseurs canadiens se sont toujours vu appliquer une norme en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, a expliqué Reynolds Mastin, PDG de l’association qui représente des centaines de producteurs indépendants du secteur de la télévision, du cinéma et des médias numériques au Canada anglais.

«Mais il y a une disposition dans la loi qui prévoit que les services de diffusion en continu étrangers seraient soumis à une norme différente, et nous ne croyons pas que ce soit la bonne voie à suivre.»

L’association estime en somme que la nouvelle loi telle que rédigée pourrait permettre aux diffuseurs étrangers d’embaucher moins de créateurs canadiens dans la production d’émissions canadiennes.

«Avec deux normes différentes, les meilleurs producteurs et créateurs du Canada risquent d’être moins incités à continuer à travailler au Canada, et nous voulons éviter cet effet», a déclaré M. Mastin.

M. Forget, de son côté, estime que le libellé de la loi ne signifie pas nécessairement qu’une partie ferait face à plus de responsabilités qu’une autre. «La loi prévoit deux normes, mais cela n’implique pas nécessairement que pour les grands acteurs en ligne qui commandent du contenu original, il s’agit nécessairement d’une norme inférieure, a-t-il soutenu. Il se pourrait très bien qu’ils aient les moyens d’en faire plus et qu’ils s’attendent à en faire plus.»

Malgré ses inquiétudes, M. Mastin a déclaré que l’association des producteurs indépendants  est ravie que le projet de loi garantisse à ses membres de bénéficier de manière significative et équitable de leurs propres récits, car il prévoit des dispositions visant à faire progresser la représentation des créateurs autochtones, noirs et racisés.

«J’ai été inondé de courriels et d’appels téléphoniques de personnes exprimant à quel point elles sont ravies que le projet de loi ait été adopté, exprimant leur gratitude au gouvernement pour avoir franchi cette étape historique.»

Dans un communiqué de presse publié jeudi, le ministre du Patrimoine canadien, Pablo Rodriguez, qui a parrainé le projet de loi C-11, a indiqué que le gouvernement fournira maintenant des directives générales au CRTC, qui sera responsable de la mise en œuvre de la nouvelle loi.

Une ébauche de l’orientation politique du gouvernement sera éventuellement publiée dans la Gazette du Canada et les commentaires du public et des différents intervenants seront recueillis, indique le ministre Rodroguez. Le communiqué n’a pas fourni de calendrier pour la publication de cette orientation politique.

Le CRTC publiera aussi des détails sur son propre processus de consultation «afin de fournir plus de clarté et de prévisibilité» sur la manière dont il mettra en œuvre la Loi sur la diffusion continue en ligne, selon le communiqué du ministre.

La PDG de l’Association québécoise de la production médiatique, Hélène Messier, a promis d’être vigilante pendant ces consultations. «Les représentants de Patrimoine canadien ont fait valoir auprès du milieu culturel des retombées importantes découlant de ce nouveau cadre réglementaire, je les invite à s’assurer que les directives données au CRTC permettront de réaliser cet engagement», a-t-elle indiqué.