Radio-Canada devrait se recentrer sur sa mission première, croit le sénateur Boisvenu

OTTAWA — Le lieutenant du chef conservateur fédéral au Québec affirme que les préoccupations du parti au sujet de la CBC ne s’appliquent pas aux services français, mais le sénateur conservateur Pierre-Hugues Boisvenu suggère qu’il serait tout de même nécessaire de revoir aussi le mandat de Radio-Canada.

Le sénateur québécois a déclaré aux journalistes mercredi matin que le mandat de Radio-Canada devrait être recentré sur sa mission principale.

Interrogé là-dessus alors qu’il se rendait à la réunion hebdomadaire du caucus conservateur, M. Boisvenu a d’abord refusé de commenter, expliquant qu’à quelques mois de sa retraite du Sénat, il voulait se concentrer sur le dossier qui lui tient à coeur: la violence contre les femmes. En insistant un peu, les journalistes ont pu obtenir ses commentaires sur Radio-Canada.

«Vous connaissez quand même la politique du Parti conservateur, de toutes dates, à partir de M. Harper et même avant, a-t-il souligné. On a toujours dit qu’il y avait une forme de concurrence qui n’était pas saine entre le privé et Radio-Canada, qui est quand même subventionné à hauteur importante — on parle de 1,2 ou 1,4 milliard. 

«On a toujours dit qu’on veut recentrer le rôle de Radio-Canada dans son rôle de base, qui est l’éducation, qui est l’information, qui est la présence dans les régions, plutôt que de concurrencer avec d’autres réseaux sur des téléromans, sur toutes sortes d’émissions de variétés, par exemple.

«Je pense qu’il faut regarder ça dans son ensemble, a-t-il dit. C’est sûr que les deux réseaux, je dirais, opèrent différemment. Au Québec, on est un peu plus dans la variété, je pense, qu’au Canada anglais.»

La suggestion des conservateurs de réduire d’environ 1 milliard $ le financement annuel de la CBC ne date pas d’hier, et M. Poilievre l’a évoquée souvent pendant sa campagne à la chefferie l’an dernier.

Ce «définancement» de la CBC fait les manchettes cette semaine, depuis que M. Poilievre a demandé à Twitter d’ajouter l’étiquette «média financé par le gouvernement» au compte principal du diffuseur public CBC. 

Le géant des médias sociaux a accédé à la demande du chef conservateur dimanche, ce qui a poussé CBC/Radio-Canada à quitter Twitter lundi. CBC a expliqué que son «journalisme est impartial et indépendant» et que «prétendre le contraire est faux».

M. Poilievre n’avait pas toutefois demandé à Twitter de faire la même chose pour les comptes de Radio-Canada. Le chef conservateur a déjà expliqué en entrevues qu’il jugeait utile d’offrir des services aux communautés francophones du pays, particulièrement pour les francophones en situation minoritaire — donc à l’extérieur du Québec.

Pierre Paul-Hus, le lieutenant du chef conservateur pour le Québec, avait déclaré mardi aux journalistes que la prochaine étape est de voir comment gérer séparément la programmation de Radio-Canada, si on réduisait le financement de la CBC.

M. Paul-Hus a qualifié Radio-Canada de service essentiel au Québec ainsi que pour les francophones de l’extérieur de la province. Il insistait pour dire que les critiques conservatrices visaient principalement les services anglais de la CBC. «Ça ne vise pas du tout Radio-Canada: ce sont deux choses différentes», a-t-il dit.

Le sénateur Boisvenu a fait écho mercredi aux commentaires de M. Paul-Hus. Il a estimé que les services de Radio-Canada aux communautés francophones hors Québec sont importants et devraient même être renforcés.

«Radio-Canada a une présence dans le Canada francophone qui est très importante. On sait qu’il y a eu des coupures dans les provinces où il y a des francophones. Donc, il faut rétablir ces services-là, aussi.»

Conséquences sur l’électorat québécois

Les attaques de M. Poilievre contre Radio-Canada pourraient avoir des conséquences sur les chances du parti au Québec, selon l’analyste politique et ancien candidat à la direction du Parti conservateur, Rudy Husny. 

M. Husny a déclaré que Radio-Canada jouit d’une audience considérable au Québec et que les tentatives de M. Poilievre d’établir une distinction entre les branches française et anglaise de l’institution constituent un message difficile à faire passer. 

En 2008, souligne M. Husny, l’ancien gouvernement conservateur a mis à mal certains programmes artistiques du gouvernement, ce qui a rendu M. Harper très impopulaire au Québec. 

Plus M. Poilievre s’intéresse à CBC, plus il «donne des munitions aux libéraux, au Bloc (québécois) et au NPD pour qu’ils continuent à dire que les conservateurs vont faire des coupes», a déclaré M. Husny.

«Lorsqu’il s’agit de Radio-Canada, du français, de la culture, vous mettez tout cela ensemble – cela touche une corde sensible», a-t-il rappelé.

Le NPD et le Bloc Québécois n’ont pas hésité cette semaine à accuser M. Poilievre d’être une menace pour le français et la culture. 

M. Husny a déclaré qu’en plus d’être un message impopulaire au Québec, la décision de M. Poilievre d’attirer l’attention sur sa lutte contre la CBC est mal venue, car il reste un leader relativement nouveau dont les adversaires essaient encore de le définir pour les futurs électeurs.

Les conservateurs disposent actuellement de neuf sièges au Québec, loin derrière les libéraux au pouvoir et le Bloc, qui en comptent respectivement 34 et 32.