Six années d’enfer racontées dans un livre

Pendant six ans, de 1967 à 1973, les jumelles Mireille et Isabelle Grenier ont vécu l’enfer, l’humiliation et la violence dans un foyer qui aurait dû les choyer. Dans le livre «Les jumelles martyres», elles reviennent sur cette période de leur vie et expliquent comment elles ont surmonté les épreuves.

C’est du fond de leurs mémoires, accompagné des notes de suivis véridiques des services sociaux de l’époque qu’elles se racontent avec courage, dans le but de faire voir au grand jour la réalité de la maltraitance faite aux enfants comme à d’autres démunis de la société, espérant rendre plus humains les services donnés aux plus faibles.

Orphelines de père et de mère, elles passent les deux premières années de leur vie à la crèche. Une famille des Laurentides désirant des jumelles se manifeste ensuite. «Elle avait déjà deux couples de jumeaux. Nous sommes arrivées là en 1967 et ça a vraiment été la famille qui nous a martyrisées du premier au dernier jour. Elle nous avait prises pour nous adopter, mais ce qu’elle n’a jamais dit aux services sociaux, c’est qu’elle nous gardait en foyer nourricier pour pouvoir réclamer la pension financière», explique Mireille.

Les deux premières années dans cette maison, les sœurs ont été gardées dans des couchettes situées au grenier, attachées, sans pouvoir en sortir puisque la famille ne voulait pas que les pensionnaires-travailleurs qu’ils hébergeaient à la semaine se rendent compte de la présence des jumelles.

«Nous avons été brimées de nos besoins fondamentaux, dont celui d’aller à la toilette. Nous devions faire cela dans nos couchettes et la femme nous réprimandait. Elle nous donnait des claques et nous tirait les cheveux. Ça allait toujours en s’intensifiant au niveau de la violence», se rappelle Isabelle.

Cette dernière a même été paralysée du côté droit à la suite d’un coup qu’elle a reçu. Les jumelles n’étaient également pas bien nourries. Elles devaient se contenter des restes des pensionnaires. Il était interdit aux jumeaux de leur parler et de les regarder, mais ils les ont toutefois violentées et abusées.

«Ce livre, c’est comme si je portais ma vie dans mes mains, dans mon cœur et dans mon âme. Cela a été une rencontre émotive et en même temps un sentiment d’accomplissement.» – Mireille Grenier

Sorties du foyer

Les services sociaux ont tenté d’y faire plusieurs visites, mais la femme cachait les sœurs et leur faisait croire que ces personnes allaient leur faire du mal. La première année scolaire n’a pas non plus été facile en raison de la maltraitance subie à la maison.

«Je me souviens de ma première journée, c’était l’enfer. Dans l’autobus, un élève riait de ma sœur. J’étais la protectrice, alors je l’ai amené dans un coin de l’école et je lui ai donné un coup de poing. Je n’avais pas d’émotions, j’étais habituée que les problèmes se règlent comme ça», se souvient Mireille.

C’est finalement à la fin de cette première année scolaire, en juin 1973, que les sœurs ont été sorties de ce foyer. Se sont ensuite suivis les familles d’accueil et les centres pour jeunes jusqu’à l’adoption par un couple de Chaudière-Appalaches.

Aider les autres

Aujourd’hui, les deux femmes consacrent leur vie à aider les autres. «Je suis devenue travailleuse sociale. Mes fonctions sont d’évaluer les familles d’accueil pour enfants avec des besoins particuliers. Malgré mon passé lourd et difficile, je suis arrivée à le mettre au service des gens et à développer une humanité que la première famille ne nous avait pas donnée», souligne Mireille.

De son côté, Isabelle a une résidence d’accueil pour les personnes vivant avec un problème de santé mentale ou une déficience intellectuelle. «Je veux aider ceux qui sont mal pris et en sauver le plus possible», dit-elle.
Le lancement de leur livre «Les jumelles martyres» aura lieu au Club de golf et curling de Thetford Mines le samedi 6 octobre, de 13 h à 16 h. La préface est signée par Pierre-Hugues Boisvenu qui sera présent à l’événement.