Service de police : l’enjeu financier « source de réflexion et d’irritation »

Dans un mémoire déposé dans le cadre des audiences publiques sur la réalité policière, la Ville de Thetford Mines a de nouveau exprimé sa position favorable au maintien de la Sûreté municipale. Elle demande également l’aide du gouvernement provincial puisque le poids financier qui en découle est de plus en plus lourd.

Dans son mémoire, la Ville souligne que son service de police de proximité est celui, à son avis, qui répond le mieux « aux besoins de la population actuellement en termes de prestation, pour favoriser la confiance envers les policiers et l’accompagnement aux autorités municipales ».

L’enjeu financier demeure néanmoins une « source de réflexion et d’irritation ». En effet, la Ville soutient que sans une participation gouvernementale (le coût d’environ 5 millions $ pour la police municipale est présentement acquitté à 100 % par les contribuables thetfordois), il y a de « fortes chances » que le conseil doive bientôt se requestionner sur sa position de conserver son propre corps policier puisque son maintien devient de plus en plus insoutenable financièrement. Cela serait causé par une augmentation des responsabilités et des exigences en matière de santé et de justice. Elle donne notamment l’exemple des appels reliés aux problématiques de santé mentale qui ont augmenté de 89 % en cinq ans et qui ajoutent aux tâches des policiers alors que ceux-ci doivent pallier au manque de ressources dans le réseau de la santé.

En conclusion, la Ville a soumis quelques propositions. D’abord, que le gouvernement contribue financièrement aux services policiers municipaux et apporte une aide spécifique aux Municipalités et aux régies desservant des populations de moins de 100 000 habitants. Ensuite, que Québec encourage la mise en commun des ressources provenant de plusieurs services policiers dans la lutte à certains types de criminalité. Enfin, qu’il permette aux municipalités desservies par la Sûreté du Québec (SQ) de transférer vers un service de police municipal limitrophe.

Une entente gagnante-gagnante

Selon le maire de Thetford Mines, Marc-Alexandre Brousseau, l’aide gouvernementale serait l’avenue la plus logique puisque ce serait moins coûteux qu’un transfert à la SQ et cela représenterait une entente gagnante-gagnante pour les deux parties. « Si cela ne se produit pas (aide gouvernementale), il va peut-être falloir que nous nous reposions la question au sujet de la desserte policière. Nous l’avons fait deux fois et nous le ferions une troisième fois avec des chiffres à jour. Nous sommes contents du service de notre Sûreté municipale, mais nous considérons qu’il y a une iniquité à ce que nos voisins paient une infime partie de la facture pour la SQ, pendant que nous en assumons 100% pour notre police », a-t-il soutenu en entretien avec le Courrier Frontenac.

Actuellement, les municipalités desservies par la SQ paient en moyenne 50 % de la facture. Lors de la dernière réflexion sur le sujet en 2014, l’aspect financier avait été l’un des points qui avait été discuté, mais il avait alors été préféré de conserver les services de la Sûreté municipale (SM). D’après le maire, la différence de coûts n’était pas assez importante pour se priver des services de proximité de la SM et de certains revenus. De plus, le déficit du régime de retraite que la Ville aurait dû rembourser d’un coup est venu peser dans la balance.

M. Brousseau a souligné que les actions posées par la SM et qui seraient normalement la responsabilité de services gouvernementaux viennent présentement ajouter un poids sur la facture policière. « En raison du désengagement du gouvernement, principalement en santé mentale, ça nous oblige à plusieurs dépenses et responsabilités qui ne relèvent pas de notre corps policier. Nous avons une diminution de la criminalité, mais une forte progression des interventions en santé mentale. C’est comme si on considérait nos policiers comme le dernier filet de ce côté, mais ce n’est pas leur travail. Par exemple, si un agent doit amener quelqu’un à l’hôpital, il va rester assis avec lui parce qu’il n’y a pas beaucoup de ressources pour s’en occuper. »

Au sujet de la proposition de permettre à certaines municipalités desservies par la SQ de transférer vers un service de police limitrophe, M. Brousseau a indiqué que Thetford Mines avait inclus cette proposition avant tout par solidarité envers d’autres Villes au Québec qui le souhaitent. Cela est actuellement interdit. Il ne croit pas que les Municipalités autour de la sienne envisagent cette option étant donné la différence de coûts, mais il a souligné que la Ville est néanmoins ouverte à cette possibilité.

Lors de sa participation aux audiences publiques, le maire de Thetford Mines a également abordé la crainte qu’un passage à la SQ ferait perdre à la Ville davantage de services. « Nous ne savons pas comment ça se passerait. Aurions-nous un patron à notre poste ou serait-il à Saint-Georges comme c’est le cas présentement? Comme nous le montre le système de santé, nous ne sommes pas habitués d’être gagnants quand ils nous fusionnent avec quelqu’un », a-t-il conclu.

La formation du Comité consultatif sur la réalité policière (CCRP) au Québec a été annoncée le 18 décembre 2019 par la vice-première ministre et ministre de la Sécurité publique Geneviève Guilbault. Le CCRP dispose d’un document intitulé « Réalité policière au Québec : modernité, confiance, efficience », qui sert de base à la réflexion plus vaste sur l’actualisation des services policiers. Les audiences publiques se sont déroulées du 23 novembre au 4 décembre et le rapport du comité consultatif est attendu en mai 2021. 

Mémoires et enregistrements des audiences publiques sur la réalité policière