Fermetures de petites ressources d’hébergement : « nos aînés à la merci du système »

L’Association coopérative d’économie familiale Appalaches-Beauce-Etchemins (ACEF-ABE) s’inquiète de la fermeture de plusieurs ressources d’hébergement pour les aînés dans la région. En effet, depuis quelques mois, ce sont cinq d’entre elles qui ont fermé leurs portes, laissant « nos aînés à la merci du système ».

Il s’agit du Manoir de l’amitié de Saint-Gédéon (mars), de la résidence Saint-Éphrem (mars), de l’Aube-Nouvelle à Saint-Victor (avril), du pavillon Parent à Saint-Isidore (juin) et de la ressource de type familiale (RTF) Rhéaume à Thetford Mines (juin). Selon le plan budgétaire 2021-2022 du gouvernement du Québec, un peu plus de 440 résidences privées ont fermé leurs portes entre 2016 et 2021. La très grande majorité de celles-ci avait moins de 50 unités.

Chantal Bernard, responsable du volet aînés à l’ACEF-ABE, explique que cette situation est notamment liée à l’augmentation des exigences envers les propriétaires. « En 2014, lors de l’incendie de la résidence du Havre à L’Isle-Verte, plusieurs personnes sont décédées. À la suite de cet événement, il y a un rapport qui a été fait et celui-ci contenait plusieurs recommandations, par exemple l’installation de gicleurs au plafond dans toutes les résidences. Quand on a entre six et dix résidents, ce n’est pas évident de faire de grosses rénovations. Il y a plusieurs autres responsabilités qui ont été ajoutées avec le temps. Pour les plus petites ressources, ce fut difficile de s’ajuster à ça. On parle même de respecter les normes du ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation dans les cuisines, tout comme les restaurants. »

Le confinement est également venu ajouter une lourdeur en raison des nombreuses normes sanitaires. Dans le budget provincial de mars, des crédits d’impôt ont été annoncés afin d’aider les résidences à faire face à la mise à niveau. Il était cependant déjà trop tard pour plusieurs d’entre elles puisque cela aurait dû être fait il y a 4-5 ans selon Chantal Bernard qui s’attend à voir d’autres fermetures. « Même avant la pandémie de COVID-19, plusieurs étaient déjà à bout de souffle », dit-elle.

Disparition des petits au profit des grands

Par ailleurs, Chantal Bernard déplore que ce soit les petites ressources dans les communautés rurales qui disparaissent, au profit des grands centres. « Il y a de plus en plus de grosses résidences gérées par des consortiums. Pour les plus petites de 10, 20 ou 30 résidents, ce n’est pas évident. Ce sont souvent les propriétaires qui mettent la main à la pâte et qui doivent porter plusieurs chapeaux. Toute cette mécanique à mettre en place, c’est difficile. »

L’augmentation des exigences a évidemment amené du positif, précise-t-elle, mais cela a eu un grand impact sur les petites communautés rurales. « On le voit partout, des aînés qui doivent s’en aller en ville du jour au lendemain, eux qui ont toujours demeuré dans leur village. C’est différent comme quotidien et ce genre de grosse résidence ne convient pas à tout le monde. Ils sont toutefois contraints de faire ce choix pour assurer leur sécurité. »

Cela peut aussi avoir des conséquences sur la santé des aînés. Mme Bernard donne ainsi l’exemple d’un octogénaire qui demeurait dans une ressource de sa communauté. Ses enfants habitaient tout près et il pouvait voir ses petits-enfants très souvent. Sa résidence a fermé et il a été obligé d’aller en ville. Il en porte les traces puisque sa santé s’est détériorée et que le confinement a été très difficile pour lui.

L’accompagnement

La disparition de petites ressources dans la communauté, souvent moins dispendieuses, vient aussi créer un problème d’accessibilité. L’ACEF-ABE offre de l’accompagnement aux citoyens de la région, les aidant à réfléchir sur leurs besoins et leurs préférences afin de faire le bon choix. « Malheureusement, au cours des dernières années, nous avons souvent vu des gens qui sont allés habiter en résidence et qui se rendent compte finalement qu’ils n’ont pas les moyens financiers », indique Mme Bernard.

Quand cela arrive, ce sont souvent les services d’hygiène et de santé dont ils ont besoin qu’ils ne sont plus capables d’assumer. « C’est un drame quand tu réalises que tu ne peux même plus te payer de l’aide pour prendre un bain. Ce sont des cas crève-cœur. Ça arrive souvent que l’on doive accompagner des résidents et des familles dans la réévaluation de leur budget. Parfois, la solution sera d’aller habiter dans un petit logement afin d’être capable de payer les soins dont on a besoin », conclut Mme Bernard.