Une décision prévisible, mais décevante

La fermeture jusqu’au 28 octobre des salles à manger des restaurants, des bars, cinémas, salles de spectacle, théâtres et autres lieux de rassemblement situés en zone rouge a entraîné de vives déceptions. Après avoir été durement touchés lors du confinement au printemps, les entrepreneurs de ces secteurs le seront une fois de plus.

Le propriétaire de la Rôtisserie St-Hubert à Thetford Mines, David Vincent, s’attendait à cette annonce en voyant la hausse des cas dans la région. Malgré l’omniprésence du virus et les mesures sanitaires, les clients étaient de retour cet été, mais lorsque Chaudière-Appalaches est tombée en zone orange la semaine dernière, ils avaient commencé à déserter la salle à manger.

« Nous avons eu une baisse de 50 % de vente et d’achalandage. Ça ne devenait plus rentable », a-t-il raconté en entrevue avec le Courrier Frontenac.

Il se compte toutefois chanceux d’avoir le secteur comptoir et livraison qui permettra à son entreprise de passer au travers des prochaines semaines, ce qui n’est pas le cas de tous.
Avant le début de la pandémie, la rôtisserie employait 110 personnes à temps plein et à temps partiel. Dernièrement, ce nombre était d’environ 60 à 65, mais avec la fermeture de la salle à manger, il ne devrait en rester que 25 à 30. « Nous allons diminuer beaucoup moins que lors de la première vague en relocalisant des employés au comptoir et à la livraison », a indiqué M. Vincent.

Même s’il comprend qu’un restaurant est un lieu de rassemblement, la décision de fermer les salles à manger est injustifiée selon lui puisque, excepté quelques endroits où ils ne les ont pas respectées, les règles sanitaires étaient très strictes dans la majorité, autant pour les employés que les clients.

« Nous avons tout fait, achats de masques et de visières, ainsi que la désinfection des tables et des salles de bains. Ce sont des achats très coûteux. »

Par ailleurs, l’entrepreneur n’est pas très confiant que tout puisse rouvrir comme prévu le 29 octobre. « Il n’y a eu aucune éclosion dans les restaurants de notre région, donc comment cela pourrait-il améliorer la situation d’ici là ? »

À la lettre

Le propriétaire du Pigalle, Pier-Olivier Lacroix, s’attendait lui aussi à ce que les salles de cinéma soient touchées par une fermeture. « Nous montions de palier toutes les semaines, alors c’était prévisible, dit-il. J’espérais que ça n’arrive pas vu que nous n’avons eu aucune éclosion dans les cinémas de la province. Ça reste que nous sommes des lieux de rassemblement. »
L’entrepreneur souligne qu’il suivait à la lettre et avec zèle les consignes sanitaires. Tout ce que les clients touchaient était désinfecté à chaque représentation et la distanciation était présente dans les salles.

Après un début plutôt timide, les amateurs de cinéma étaient de retour depuis environ un mois. Il espère maintenant que son entreprise pourra rouvrir à la fin octobre. « C’est plate que nous mangions la claque même si je comprends que des endroits comme le nôtre, les restaurants et les bars soient visés. Ça va en faire fermer plusieurs. »

Pour sa part, il est confiant de pouvoir s’en sortir, mais ce ne sera pas sans sacrifice prévient-il.

Les restaurateurs sous le choc

L’Association Restauration Québec (ARQ) digère très mal la décision du gouvernement de François Legault. Elle se dit d’autant plus sous le choc qu’encore la semaine dernière, le premier ministre lui-même affirmait que le problème « n’est pas dans les bars, ni dans les restaurants, ni dans les rassemblements extérieurs (…). Le problème est dans les maisons ».

On comprend mal qu’il ne sera même plus possible d’y manger avec son conjoint ou sa famille bien que les restaurants, contrairement aux rassemblements privés, offrent un environnement sécuritaire, contrôlé et encadré par des normes sanitaires élevées selon l’association.

« La frustration est grande chez les restauratrices et les restaurateurs, car depuis la réouverture des salles à manger en juin dernier, ils ont été nombreux à dépenser des milliers de dollars pour se conformer aux mesures sanitaires afin de recevoir les clients en toute sécurité et cela, sans recevoir une aide gouvernementale. La preuve que ces efforts ont payé est qu’il y a eu peu d’éclosions dans l’industrie de la restauration. Cela démontre la pertinence de garder ouvertes les salles à manger plutôt que de laisser la population errer pour leur besoin de socialisation vers des rassemblements dans des lieux privés non surveillés », ajoute-t-on en évoquant que durant les sept premiers mois de l’année 2020, les ventes totales des restaurants du Québec ont chuté de plus de 30 %. Pour ceux avec service aux tables, on parle d’une baisse des ventes de près de 40 % jusqu’à maintenant.